Gilbert Hugony de Vabres





Je connais Gilbert depuis l’école primaire car nous avons fréquenté la classe unique de  Tatave à Pont d’Alleyras fin des années cinquante et début soixante. Bien qu’il ait trois ans de moins que moi, et trois ans, ça compte quand on est petit, mes souvenirs évanescents revoient un grand gaillard charpenté à la bouille ronde et réjouie, respirant la santé. Pourtant, l’école devait être loin de le ravir…  Car Gilbert éprouvait quelques difficultés scolaires et avait du mal à intégrer et réutiliser l’apprentissage que notre instituteur nous inculquait avec une extrême dureté. Heureusement que sa mère le protégeait des coups de boutoir que nous assénait celui-ci; il a bénéficié d’une chance que beaucoup d’écoliers de Tatave n’ont pas eue : face à nos plaintes d’enfant après les coups et brimades encaissés,  les parents nous rétorquaient  que nous avions bien dû les mériter ! Pourtant, Tatave se trouverait aujourd’hui condamné pour mauvais traitements. Certains élèves réussissaient mais à quel prix ? Pourtant, Gilbert a réussi sa vie : il fait un métier difficile mais qu’il adore et a suffisamment d’instruction pour s’en sortir, notamment avec toutes les formalités administratives que nécessite son travail. Gilbert appartient à la famille dont le sobriquet est celui de Batogne comme d’autres portent celui de Vergne, Countchoune, Boulette, Bleu, Braya, Timbourle, Cournille… . Aujourd’hui, on ne les utilise presque plus et c’est dommage : encore un peu de poésie qui fout le camp !  Gilbert est l’aîné des trois fils H., tous célibataires. Il est suivi par son frère Roger aujourd’hui retraité nanti de la la S.N.C.F. et de Daniel le benjamin qui  seconde son grand frère à la ferme. Ce célibat pourtant n’est est pas un en réalité puisque la rumeur court que ce vabrais va certaines nuits rejoindre sa  secrète belle  que personne n’a jamais vue, même pas Daniel ! A se demander si elle existe ! Ce point reste  bien une énigme que Gilbert entretient  et qui l’auréole  d’un halo de mystère. C’est la même chose pour Roger ! Il « fréquente » une institutrice avec laquelle il ne vit pas et qu’il n’a jamais présentée aux gens du village ! Reste que ces mystérieuses « bonnes amies » des frères H. ne peuvent qu’alimenter nos fantasmes puisqu’on nous les cache ! Mais je sais bien que Gilbert est amateur de jolies femmes surtout blondes ! Quand les trois frères se retrouvent ensemble à Vabres, l’ambiance n’est pas toujours sans nuages et l’orage gronde souvent. D’autant que Daniel l’avoue lui-même : il dit ce qu’il a à dire aux gens… et notamment à Roger : une vraie confrontation de deux caractères affirmés qui ne s’en laissent pas conter ! J’ai   vu davantage  Gilbert lorsque Gérard G. de Champagnac a cessé d’exploiter mes terrains agricoles pour ses chevaux. Gilbert m’ayant proposé de les faucher, nous avons convenu de cette reprise qui perdure  toujours. D’ailleurs, Gilbert a la réputation de beaucoup aider les gens pour leurs terrains avec son tracteur malgré tout le travail qu’il a déjà avec ses vaches et d’avoir le cœur sur la main. C’est peut-être une cause de son élection aux municipales, n’est-ce pas ? Vous le voyez d’ailleurs ici au fond à gauche pendant la campagne électorale.
Car, outre sa condition d’ancien élève et d’habitant de la même commune que moi,  je connais aussi Gilbert comme candidat aux élections municipales d’Alleyras, élu plusieurs fois conseiller de la commune. Les gens l’apprécient car il est très serviable et connaît tout le monde sans compter son savoir pratique sur une foule de petites choses utiles sur la campagne. D’ailleurs, Daniel possède une mémoire prodigieuse qui lui permet de restituer et de rappeler les dates de naissance par exemple des gens d’ici. On trouve chez Gilbert des produits de la ferme sains qui méritent le nom  de bio même si lui-même balaie ce  qualificatif d’un revers de tête. Sinon, pourquoi lui achèterais-je des produits, moi qui suis attentive à mon alimentation ? Tout le monde connaît d’ailleurs le fromage de sa cousine qu’il « refourgue » de derrière son frigo à tout va.
Ce qui caractérise surtout Gilbert, c’est la quantité de travail qu’il abat :  traite matin et soir, soins des vaches, élevage des veaux que Daniel  nourrit au biberon, ensilage, clôtures, travaux des foins, moissons… Il coupe aussi son bois pour l’hiver. Il s’occupe même des animaux de compagnie des autres !
Il m’a donné une adorable petite chatte que j’ai appelée Jaja et fournit à qui lui demande des chatons aussi sympas que lui. Mon mari et moi allons régulièrement chercher dans son terrain du petit bois de Vabres du fumier bien décomposé pour nos plantations. C’est une chance car nos légumes sont particulièrement beaux cette année. Il nous livre en sus du fumier dans la pente du moulin que nous laissons bien se décomposer avant de l’enfouir.
Quand j’ai eu mon accident cérébral, je sais que Gilbert s’est beaucoup inquiété de moi et j’ai pu constater sa grande sensibilité à maintes reprises. Il fait sans doute partie des derniers paysans de la commune qui connaît les gens et la mentalité du village et qui porte une expérience rurale et agricole précieuse, qui possède un bon sens pratique. Quand il a trop de boulot, pensez à lui offrir un coup de main, il vous le rendra au centuple ! Il a eu un accident aux jambes : en voulant éteindre un feu, celles-ci ont été brûlées et les soins engendrés lui ont été très douloureux. Plus tard, un problème cardiaque lui a valu quelques jours d’hôpital. Suite à ce séjour obligé, il a changé son alimentation et lui qui était un bon épicurien est devenu un ascète à  table; il a beaucoup maigri et arbore maintenant une taille mannequin  à rendre jalouses les femmes. Il n’y a pas assez de trous sur sa ceinture pour rétrécir la taille de ses pantalons. Néanmoins,il aime bien les pâtisseries de madame Gagnepain. On peut le rencontrer de deux manières, en tenue d’agriculteur ou en habits du dimanche. Il met notamment un polo rose à la mode, du gel dans les cheveux, du parfum et des chaussures vernies. Et ça vous change le bonhomme ! Vous connaissez beaucoup d’agriculteurs comme lui ?

Août 2014

 

 

 

 

 

 

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Une réponse à Gilbert Hugony de Vabres

  1. Isabelle dit :

    Je n’ai eu le temps de lire que cet article sur Gilbert, mais c’était plaisant et agréable à lire. Bonne continuation pour ce blog.
    Isabelle

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