Gilbert B. : Les gourmandises enfantines


Ce chapitre raconte une petite histoire d’un jeune garçon en culottes courtes. Mon camarade et voisin* et moi-même parcourions la route de un kilomètre qui reliait notre hameau à notre école. Nous croquions l’automne à pleines dents après avoir ramassé dans le fossé  de jolies pommes rouges à la chair jaune, tombées des généreuses branches qui dépassaient sur la route. Ces fruits appétissants enchantaient nos papilles. On les appelait les pommes de Bel Air*. Elles étaient à notre portée, surplombant la départementale, presque en plein vent qui les avait faites choir dans le fossé ou sur le goudron. Dans un coin de ma mémoire se trouvent ces pommes de mon enfance . Je n’en ai plus retrouvé le fruit ni le goût mais, lorsque j’en croque une qui lui ressemble, mes papilles se souviennent…

L’hiver, nous avions l’habitude de glisser sur une vieille planche devant la maison des deux bergères*. Une grosse couche de gel recouvrait entièrement le chemin. Nous quittions le route et obliquions sur ce chemin de raccourci jusqu’à l’école. Cette saison froide de novembre jusqu’en mars faisait notre grande joie : nous aimions faire des glissades sur cette planches ! Lorsque revenait le printemps, c’était aussi du bonheur. Notre patinoire fondait peu à peu pour laisser la place à une petite source qui se couvrait de délicates violettes au parfum discret et de timides pâquerettes. Nous cueillions plus tard des bleuets et des coquelicots pour la maitresse.

Mais de ces derniers, il ne restait plus que la tige ou un pétale rescapé à notre arrivée. L’herbe aussi repoussait abondamment dans les prés et cette renaissance nous rapprochait des grandes vacances. Quel mélange de tristesse et de joie de quitter notre hameau d’Aussac les matins à huit heures ! L’air était empli de la fraicheur de la saison, de rosée revigorante et de nombreuses senteurs.
Lorsque nous sortions le soir de l’école, mon camarade et moi recevions une petite récompense de nos parents, mais surtout lui qui travaillait mieux que moi. Au Casino tenu par la famille Cacaud, on trouvait dix bâtons à la crème emballés dans une boite de carton. Parfois, c’étaient des petits pots de confitures de la vieille épicerie* que je revois encore très bien : ils étaient de la couleur de la confiture. Sur leurs couvercles hermétiquement fermés dépassait la queue de la petite cuillère que l’on apercevait dans son logement à l’intérieur du pot. Nous partagions cette gourmandise et nous gardions les pots une fois vides sur des planchettes, servant d’étagères quand nous prenait l’envie de jouer à la dinette avec les filles.
Sur l’autre versant de la vallée, le concasseur de la carrière troublait la paix pastorale des lieux.
Que de fois avons-nous parcouru cette route de notre enfance, rythmée par les trains et les cars depuis la classe préparatoire jusqu’à la fin du cours moyen ! Nous y avons connu vécu heureux, dans une vie semple.
Parfois, je pense aux petits pots de confiture et aux bâtons à la crème des commerces du village ainsi qu’aux pommiers fleuris à chaque printemps. Je redeviens alors le petit garçon que j’étais…

* Denis Arnaud
* Bel Air : actuellement propriété de ma mère. Le pommier y est toujours et produit  encore des pommes qui tombent effectivement sur la route. Certaines sont véreuses ! On devrait couper les branches mortes, ça le rafraichirait. Gilbert, si tu passes en automne, tu pourras t’en délecter !
* Berthe et Alice Peyron, deux sœurs qui habitaient cette petite .maison.
* sans  doute, celle de ma grand-mère, la veuve Archer

Couleurs fruitées

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Une réponse à Gilbert B. : Les gourmandises enfantines

  1. Rodde Madeleine dit :

    Je partage avec vous le goût des bonnes et belles pommes rouges,jaunes,parfois un
    un peu verreuses……Mieux vaut manger les protéines d’un insecte que les pommes de
    Blanche-Neige offertes par les sorcières de la Reine que l’on nous propose aujourd’hui!
    Moi aussi j’aimais les cadeaux que nous proposaient les premières gelées: les « prunelous » de buissons,les nèfles…nous connaîssions bien les coins! Un peu plus tôt dans la saison,un autre trésor à la Parade: de bons raisins dans les « chambades »:vestiges
    de la culture des vignes en terrasse pour la confection du vin de nos ancètres: « les piquettes » (je ne suis pas sûre de l’orthographe) comme ns le chantait Jean Ferrat. Mado.

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