Cocotier


Dès lors qu’on cite le nom de ce cliché tropical qu’est le cocotier, tout le monde a en tête des idées d’îles des mers chaudes, de nature qui vous offre généreusement l’ombre de ses palmes, de Robinson Crusoé let son ‘île déserte, de la boisson et la nourriture que nous procure cet arbre. Le cocotier est en effet un don du ciel qui nous permet du survivre sur une île déserte sans cultiver la terre ni se fatiguer physiquement.
J’ai passé plusieurs années dans une île sous le vent et dans un « faré » polynésien (maison du coin), sous la protection de deux cocotiers. Au risque de vous décevoir, j’ai su que ceux-ci n’existaient pas là-bas avant l’arrivée des popa’a (étrangers, hommes blancs). Lorsque les premiers navigateurs ont découvert les îles polynésiennes, il y poussait seulement quelques buissons, des filaos (« arbres de fer ») et surtout des pandanus. Peut-être en trouvait-on quelques rares spécimens poussés là par le vent au hasard des courants pacifiques ou portés par quelques pirogues aventurières et pionnières. Les colonisateurs ont fait le reste…
Les plantations actuelles ne sont que le résultat d’une opération commerciale destinée à tirer le maximum de ces territoires d’outre-mer sans demander l’accord des populations indigènes. Car le coprah représentait un marché potentiel susceptible d’apporter des profits juteux. Il suffisait d’offrir aux autochtones quelques bimbeloteries ou colifichets de pacotille pour passer à l’action. L’œuvre qu’on croit être celle de la nature est trompeuse sur sa provenance : elle se trouve en réalité dans les escarcelles sonnantes et trébuchantes des envahisseurs avant tout poussés par la cupidité.
Et pourtant, que c’est beau !
Quand j’ai atterri à Uturoa, c’était, vu d’avion, encore plus beau que sur les cartes postales ! Une étendue bleue, dans un camaïeu de nuances mêlant les aigue-marine, azur, cobalt, turquoise, bleu, indigo, ciel… Dans cette polychromie marine aux tons voisins, on apercevait ça et là, posés sur l’océan pacifique, des îles et des  îlots arrondis couverts de cocotiers dont les palmes effrangées se balançaient au vent.
Il faut savoir que le cocotier (cocos nucifera) est une véritable arbre providentiel des îles océaniennes. Tout y est bon. Des racines jusqu’au sommet, tout peut servir ! Ses usages sont multiples, et chaque partie de la plante est utile et utilisée pour l’alimentation, la médecine, la cosmétique, la construction et la fabrication de divers objets.
- Usages alimentaires :
Ceux de la noix de coco sont nombreux : l’eau de la noix sert de boisson, aux divers stades de son développement, l’albumen ou tissu nourricier de la graine,  l’amande, sont consommés . L’amande mûre pressée donne le lait de coco qui est un ingrédient essentiel de la cuisine tahitienne dont le poisson cru. Cette même amande râpée sert aussi à préparer ces condiments fermentés que les Tahitiens nomment « miti hue » et « taioro« . Le bourgeon du cocotier est comestible de même que l’organe de succion qui se développe dans la cavité de la noix lors de la germination; cette masse spongieuse d’un goût agréable est la « pomme de coco » ou « uto » des Tahitiens.
Du fruit séché, on tire le coprah dont on extrait l’huile servant à la fabrication d’huiles végétales et margarines, de savon,
L’amande râpée fraiche ou séchée est utile en cuisine : le lait est indispensable au plats de poisson cru.
La sève peut se boire fraîche ou sous forme de sirop ; fermentée elle devient du « vin de palme », une boisson traditionnelle dans les pays tropicaux.
- Propriétés cosmétiques :
De l’amande mûre râpée, les Maoris savaient extraire l’huile en plaçant la râpure dans des récipients de bois qu’ils exposaient au soleil; l’huile ainsi libérée et recueillie au fond du récipient servait à la préparation du monoï.
- Utilisations médicinales :
La noix de coco jouait un rôle de premier plan dans la médecine traditionnelle, par son eau et son huile qui sont utilisés dans de nombreux remèdes. L’eau de coco, parfaitement stérile, qui a des propriétés diurétiques était utilisée pour le diabète, les maladies des reins et de la vessie. On l’a même injectée comme vectrice dans des perfusions ! Les mères en font boire pour ses bienfaits à leurs nouveaux-nés. L’huile servait de purgatif. Le jus de la bourre était utilisé contre les empoisonnements par certains poissons. Enfin les racines servaient en cas de contusions et d’entorses.
- Usages artisanaux :
L’enveloppe de ses noix contient des fibres avec lesquelles on tresse des cordes , on fabrique des nattes, des brosses, des tapis, des sacs , des paniers, des rembourrages…
De l’écorce des noix séchées, on fait des récipients, des soutiens-gorge
Avec les palmes, on tresse une couverture pour le toit du faré, des chapeaux… De leur nervure centrale, on fait des balais « niau ».
Avec sa bourre fibreuse qui enveloppe le fruit, on fabrique des paillassons, des  textiles grossiers.
On btient une étoffe végétale, le tapa,  par la technique de l’écorce battue. Cette technique encore utilisée pour l’artisanat d’art en Océanie.
- Usages constructifs :
Le tronc sert à fabriquer des pirogues, monter des murs, dresser des poteaux, des charpentes, est utile dans les bâtiments.

Les Polynésiens disposent d’un riche vocabulaire pour désigner les stades successifs de maturité des fruits, de atiu, le jeune fruit venant de se former à haari moroati , la noix mûre qui se dessèche sans germer en passant par haari uto, la noix avec germe, après d’autres étapes successives.
Lorsqu’une noix de coco tombait chez nous, nous la ramassions. Nous détachions a bourre brune à l’aide d’un pic fiché dans le sol . La boule marron apparaissait alors avec ses trois trous dont un où  on pouvait enfoncer une paille pour aspirer l’eau légèrement trouble. Un coup de machette bien placé séparait la noix en deux hémisphères. Je m’installais à califourchon sur un petit banc au bout duquel était fixée une épaisse  lame de fer terminée par des dents demi-circulaire pour râper la chair blanche de la noix. La pulpe tombait dans un récipient placé dessous. Puis je la mettais dans un tissu fin, la pressais vigoureusement en tordant ce tissu. Il en sortait du lait que j’utilisais dans mes recettes locales.
J’ai longtemps confondu lait et eau de coco. Mon séjour à Raiatea m’a enseigné la différence : l’eau vient seule du fruit pas encore mûr, le lait est obtenu en pressant la pulpe du fruit qui a mûri. Par conséquent, il contient davantage de graisses végétales que le jus. Voilà pourquoi l’eau est plus prisée que le lait : elle permet de bénéficier de tous les bienfaits de la noix , sans l’apport calorique.
Les Polynésiens m’ont dit que les noix de coco avaient des yeux et ne tombaient jamais sur les gens qui se promenaient dessous. J’ai pourtant ouï dire qu’un chien était mort, assommé par la chute d’une d’elles sur son crâne.

https://www.youtube.com/watch?v=tCY0wwQsr2w
https://www.youtube.com/watch?v=Ak_RePweSog

 

Juin 2015

 

 

 

 

 

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