1671 : Meurtre de Vidal Engles D’Ouïdes

 

Un copain et ancien collègue du lycée professionnel, Michel Engles, que vous voyez ci-dessus, m’a retrouvé  grâce à mon blog et m’a envoyé les documents qui suivent. Je pense que ces textes vont intéresser les lecteurs d’Alleyras et ses environs. Elles sont écrites en français de l’époque.

Document 1 :
APPEL PUBLIC à TÉMOIGNAGES sur un MEURTRE en CHAIRE des ÉGLISES

Assassinat de Vidal Engles d’Ouïdes au Reinage* d’Alleyras le 18/8/1671(G 590-10)

René Boisard docteur en théologie prêtre et chanoine en l’Eglise Cathédrale Notre Dame du Puy, official et vicaire général de Monseigneur l’ Illustrissime et Révérandissime Evesque du Puy, aux vertueux curés, prêtres et élèves des esglises de ci diocèse requis, face à la requête de Maître Jean Farigoulle procureur d’office au mandement d’Agrain et prieur d’ Alleyras et par permission de Messieurs les officiers ordinaires des dits mandements, forein admonistrés, toutes les personnes qu’ ont veu faire et donner les domaiges suivants :

Premièrement contre tous ceux et celles, de quelle qualité et condition qu’ ls soient , qu’ils savent pour avoir veu, ouy dire ou autrement que le 16ème du mois d’aoust dernier 1671, jour de dimanche et Reinage dudit lieu d’Alleyras, entour l’heure d’une heure après midi, plusieurs personnes des villages et lieux d’Oyde, pont de Vabres, Aussac, Sanssac et autres lieux circonvoisins se seroient assemblés en la place publique dudit lieu d’Alleyras appelée la barreyre pour danser.
Contre tous ceulx et celles qui scavent pour avoir veu ouy dire ou autrement quy est la place appellée Barreyre, deux frères (Engles) habitant dudit lieu d’Oyde eurent querelle pour raison de ladite dame avec deux ou trois garçons du lieu d’Aussac, un homme marié de Sanssac, deux de la Beaume et quelques autres tant dudit lieu d’Oyde que du Pont de Vabres s’estant un peu contrebatus ensemble.
Contre tous ceulx et celles qui savent que dans ladite querelle les deux frères dudit lieud’Oyde se voyant attaqués par tant de gens auroient fuy jusqu’au four commun dudit lieu d’Alleyras d’où après avoir reçu quelques coups, tant de pierres que de battons, ils prirent la fuite le long du chemin qui va dudit lieu d’Alleyras au lien d’Oyde.
Contre tous ceulx et celles qui scavent et ont veu ladite querelle et ceux qui se querelloient en ladite place et comme lesdits deux frères furent poursuivys le long dudit chemin par quantité de gens portant fusils, pistollets, épées, gros battons et à grands coups de pierres.
Contre tous ceux et celles qui scavent que les dits deux frères estant au dessoubs de la maison du Sieur curé dudit lieu et au milieu du grand chemin se seroient tournés vers qui les poursuivoient leur disant pourquoi ils les maltraitoient de la sorte et le mesme temps trois frères de ceux qui les poursuivoient du Pont de Vabres auroient donnés divers coups de gros battons aux dits deux frères d’Oyde leur ayant tiré un coup de fusil ou de pistollet.
Contre tous ceux et celles qui saventpour avoir veu, ouy dire ou autrement que les trois frères du Pont de Vabres assistés de plusieurs autres personnes donnèrent divers coups aususdits deux frères du lieu d’Oyde et l’ un des trois frères mit une bayonnette à la bouche de son fusil et donna divers coups de ladite bayonnette à un des deux frères d’Oyde à la cuisse et au petit ventre, pendant que les autre donnoient divers coups de batton ou de pierre à son autre frère.
Contre tous ceuls et celles qui scavent comment les deux frères ayant reçu lesdits coups thumberent par terre tous ensanglantés.
Contre tous ceux et celles qui scavent ceux qui ont donné les dits coups et continuent iceux après avoir comis ledit assassin s’en retournerent audit lieu d’ Alleyras et  estant près du cimetière au devant de la porte de grange du nommé Vernet, un de ceulx auroit crié tout hault qui en veut davantage, ayant un gros batton à la main et qui comme au paradvant, ils auroient donné encore un peu de temps.
Contre tous ceux et celles qui scavent qu’après ledit assassin, l’ ung des deux frères blessés du lieu d’ Oyde fut emporté par diverses personnes dans la maison de Jacques Delabre hoste dudit lieu.
Contre tous sceux et celles qui savent questant dans ladite maison ledit blessé avoict déclaré audit Delabre et avec personnes qui y estoient a comment le nom de ceux qui l’avoient pour finir assassiné.
Contre ceux et celles qui scavent qui ledit blessé se voyant à extrémité de vie auroict faict son testament qui auroict estre receu par ledict Delabre.
Contre tout ceux et celles qui scavent  que ledit blessé seroit décédé des dites blessures le landemain dans la maison et grange dudit Delabre , entour sept à huit heures du matin.
Contre tous ceulx et celles qui scavent que despuis lesdits excés commis lesdits assassins ont esté audit lieu d’ Alleyras, portant fusif, pistollet, menasser et intimider ceulx qui pourroient depposer dudit excés et mesmes les officiers du Prieur d’Alleyras.
Contre tous ceulx et celles qui scavent que quinse jours aprés ledit assassin, comme trois des dits complices auroient attaqué au lieu de Vabres un jeune homme du lieu d’Alleyras qu’ils disoient avoir déposé contre eux , sans le secours de plusieurs personnes l’auroient homicidé. Contre tous ceulx et celles qui savent quan lesun des complices avoient prié faict prier ceulx qui avoient vu ladite querelle de ne point déposer dudict assassin.
Contre tous ceux et celles qui scavent que l’un des assassins estant au pont de Vabres , il auroit faict voir le coutteau qu’il avoit mis dans son fusil disan que cellui qui avoit esté assassiné savoit et qui l’avoit bien servi de chascunes et quelques temps après estant au chasteau de la Baume auroict dict la mesme chose et faict voir qu’ il avait rompu le manche de son couteau ou bayonnette.
Et généralement contre tout autre scachant et consentant, donnant ayde savoir support aususdits personnages s’ils ni céder l’aveu après la publication faict des présantes par trois divers dimanches en prosnes de vos messes paroicialles, seront interdits et excommuniés.
Enjoignons aux susdicts Recteurs, curés, prêtres et élèves des églises de ce diocèse de remettre au greffe touts et chacunes les déclarations qui seront de vers eux faictes soubs mesme pause.

Donné au Puy le 24ème jour du mois de décembre, l’ an 1671.

SUITE de la PROCEDURE (G 590-7-)

Le procès est instruit avec diligence, les divers acteurs sociaux de l’ époque ont grand besoin d’ essayer d’ imposer, d’ assoir, une réelle autorité politique, les pires excès pouvant se produire dans une société de subsistance difficile.
Dans les principaux accusés, au bout de neuf mois, seul Vidal Chareyre est emprisonné, son frère François est donné décédé, il est donc demandé de présenter son certificat de décès et d’ enterrement présenté par le curé et vicaire.
La fin du long acte d’ accusation nous donne :

« … avons cndamné ledit Privat Chareyre prisonnier ,Jean Chareyre, Vidal et Jean Vigouroux défaillants à servir le Roy des forçats en ses galères à perpétuité, leurs biens acquis confisqués à qui de droit distrait, la troisième partie de cour pour lever somme et en faire si enlever sy ont.
Et la somme de trente livres pour faire prier Dieu , pour l’âme de Vidal Engles défut en faveur des prêtres de l’église paroisiale d’ Alleyras où il est enterré, les avons en outre condamnés en l’amande de 600 livres envers le procureur juridictionel et avec dépense encore 100 livres… note présente sera écrite au long d’ avec un tableau , qui sera mise au milieu de la place d’Alleyras…
Donné au château d’Agrain le 14 mai 1672, prononcé ledit jour, audict Privat Chareire dict la Vallée »

QU’en ETAIT-il du REINAGE ?
Le « Reinage »* correspondait à la fête de la paroisse, ayant un coté bonhomme, on recevait toute la parentèle, on faisait un bon repas en partageant la fouace et on dansait…
Mais le vin coulant, il y avait souvent des inimitiés entre habitants de divers villages réunis et cela pouvait se terminer en véritables « barostes » collectives, attisées par les rivalités, la chaleur et l’ alcool.
- L’ Abbé Aulanier, dans ses écrits, nous retrace bien cet identique contexte social du XVIIème siècle, où il se trouve souvent en prise avec les situations et mœurs violentes de l’époque, où l’église, elle même, n’est pas toujours l’ exemple édifiant. Le danger, les débordements des reinages et autres fêtes y est largement évoqués.
- D’ un autre coté, Jules Vallès, en particulier dans son écrit L’ enfant, en fait une description très précise et pertinente, deux siècles après on en reste à la même analyse :
« C’est le jour du reinage, on choisit un roi, une reine, ils arrivent couverts de rubans au chapeau du roi, de rubans au chapeau de la reine. Ils sont à cheval tous deux, et suivis des beaux garçons du pays, fils de fermiers, qui ont rempli leurs bourses ce jour là…, on tire des coups de fusils, on crie hourrah!… on a du lard et du pain blanc !… on boit du Vivarais comme du lait, un Vivarais qu’on va traire tout mousseux à une barrique qui est près des vaches… les veines se gonflent, les boutons sautent On est tous mêlés, maître et valets, la fermière et domestiques… Après le repas, la danse sur la pelouse où dans les granges,gare aux filles ! Les garçons les poursuivent et et les bousculent sur le foin… un bruit dans le fond du village ; ceux de Sanssac sont venus, et il y a eu bataille… on se tue dans le cabaret ! Anyn ! Les Gars ! Ceux de Farreyrolles en avant !… »

Le reinage, est une expression encore usitée par certains anciens, mais qu’ on appelle bien plus couramment   aujourd’hui vogue, fête votive ou fête patronale, c’ était sûrement la fête la plus importante des localités du Velay. Il correspondait également à une forme de soupape de sécurité,  permettant de lâcher certains interdits de la  communauté, un peu comme la fonction du carnaval, mais pouvant donner comme on vient de voir des drames.

Document 2 :
ETAT DE L’ EGLISE ET PAROISSE d’ ALLEYRAS au XVIIIème siècle (G 591-2-)

Mémoire que Monseigneur Verdier curé de Bains et archiprêtre du diocèse, m’a mis entre mains au retour de la visite qu’il vient de faire à Saint-Martin d’Alleyras.

État de l’église et et paroisse de Saint Martin d’Alleyras le 12 février 1672.

1/ Il y auroit un banc dans le sanctuaire que le Sieur d’Oyde avoit usurpé et qui essoit fort incommode, lors qu’on donnoit la communion. Il a été enlevé de cette place, mais Mr le Curé a dit qu’on le remmetroit.
2/Autres trois bancs dans la nef de l’église sans aucune fondation.
3/ Il y a trois chasubles, l’une violette, avec ses estolles et manipule. Une rouge, dont l’étole et manipule sont tous déchirés.
4/ Une noire camelot fort usée.
5/ Deux voiles rouges assez bons.
6/ Deux aubes, deux amiets et une ceinture fort usée.
7/ Un plurial de ligature rouge toute déchirée.
8/ Un calice argent, la coupe dorée au dedans, qui bransle fort notablement, la patine d’argent , fort mince, n’est pas dorée.
9/ Un messel assez bon.
10/ Un soleil d’argent, pesant dix onces assez beau et malpropre.
11/ Un petit ciboire d’argent pour porter le Saint Sacrement aux malades d’une façon fort incommode pour prendre l’hostie.
12/ Une petite boitte d’argent sans couvercle, attachée dans une autre de cuivre argentée , qui ne ferme pas bien et il y a grand danger que quelque hostie ou les particules ne se mettent entre les deux boettes, d’où il seroit très difficile de les tirer.
13/ la vitre qui est derrière l’autel est presque toute brisée.
14/ A la fenesre du coté de l’épitre, y a moitié vitre et moitié chassis.
15/ Il y a quatre assez belles cloches, mais qui ne sonnent à cause que le clocher n’est pas assez asseuré, une n’a point de battant, point de degrés pour monter au clocher, d’ ù vient qu’on ne sonne guère souvent ny les angelus, ny les messes.
16/ Il n’ y a point de portes au cymetière.
17/ On y fréquente les cabarets pendant les offices.
18/ Il y a quelques mauvais garnimens qui roulent la nuit dans le lieu et font bien de désordre. Sont accusés d’ avoir fait un meurtre.* (*meurtre de Vidal Engles au reinage d’ Alleyras en 1671)
19/ Il faudroit une chasuble blanche, une verte et une noir, des voiles et bourses de mesme.
20/ Un plurial de plusieurs couleurs et faire recommoder clui qu’on a pour les festes moins solennelles.
21/ Il faudroit changer cette petite boette qui sert de ciboire en une autre qui peut tenir cent cinquante petits pains.
22/Une aube amiet et ceinture et si l’on y met un vicaire, il en faudroit deux.
23/ Une garderobe pour loger ces ornements.
24/ Faire faire les vitres des deux fenestres du chœur.
25/ Un antiphonaire et un graduel.
26/ Faire assurer la coupe du calice.
27/ Monsieur le prieur, en qualité de Seigneur, pourroit par son autorité obliger les paroissiens à faire les autres réparations.
28/ On ne reparera iammais les désordres que le feu Prieur, le curé et son neveu ont fait dans la paroisse, qu’en y établissant un bon vicaire que les paroissiens demandent qu’il soit zélé et prudent  et autorisé de Monseigneur l’Evêque et de monsieur le Prieur.
29/ Il faudroit que le procureur d’office fut dans les lieux et qu’il fust de bonne diligence avec le vicaire.
30/ Unanimement, on dict que le revenu du Prieur vaut quatre cent escus, et une personne en donnera huit ou neuf cent francs, charges comprises.
Afficher l'image d'origine

Afficher l'image d'origine

Novembre 2015

Cette entrée a été publiée dans Pont d'Alleyras et ses environs. Vous pouvez la mettre en favoris avec ce permalien.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>