Handicap visuel = handicap invisible !

 

Cela semble a priori un avantage: il est quasi impossible de voir qu’une personne souffre d’un handicap visuel.
Alors que l’on constate vite celui moteur d’une personne sur une chaise roulante, la malvoyance ne se perçoit guère. Ce n’est pas pour rien que le panneau Handicap ne présente pas le cas de handicapés sensoriels (voir le panneau suivant par exemple, il représente un handicapé en chaise roulante alors que ceux-ci ne constituent qu’une partie des handicapés).
Ainsi, la discrimination au premier regard (possible voire certaine face à une chaise roulante et une canne blanche) n’a pas lieu sauf quand les atteintes deviennent plus perceptibles…
Cela comporte tout de même un revers important : il est parfois difficile de faire comprendre aux autres que l’apparence, en quelque sorte « normale » que peuvent présenter les personnes atteintes de pathologies oculaires est très trompeuse. Cette absence de perception de la maladie est souvent source d’incompréhension, parfois même de la part des personnes les plus proches. C’est particulièrement vrai dans un monde aux interprétations binaires (voyant versus aveugle) alors que la malvoyance existe à divers degrés.
Cela revient très souvent à un « renversement de la charge de la preuve » pour utiliser une analogie juridique. Ainsi, la personne handicapée visuelle doit souvent se justifier du fait de s’être mise à l’écart, de limiter ses activités, d’éviter certains lieux et situations susceptibles d’aggraver son état.   Elle devient victime de stigmatisation. Par exemple, je ne peux pas jouer correctement à la balle ou au ballon parce que mon cerveau n’est pas capable de suivre un objet rapide…. Mais je me fonds dans la masse… Cela est d’autant plus difficile dans les situations courantes de la vie avec des personnes que l’on ne connaît pas comme dans la rue, au restaurant ou dans les transports. C’est encore vrai dans le milieu professionnel ou simplement à l’intérieur de bâtiments où le seul fait de porter des lunettes de soleil sera plutôt interprété comme une provocation « à l’aspect touriste ou de star » alors que c’est le seul moyen de limiter la photophobie pour beaucoup d’entre les malvoyants.
Ce sont des pathologies qui rendent les personnes asociales, bien malgré elles, à plusieurs titres. La méconnaissance de ces pathologies dans la société fait le reste et conduit à la culpabilisation des malades pour couronner le tout. « Tu ne peux pas faire comme tout le monde ! »
Même dans le milieu médical ou face aux ophtalmologistes et services sociaux, cela peut s’avérer compliqué de faire état de la portée réelle de son handicap visuel. Cela s’explique assez aisément sachant que ni le handicap ni sa gêne ni la photophobie sont objectivement mesurables.
Pour ceux qui souffrent de ce type de pathologie oculaire, il est difficilement compréhensible que la fatigue qu’elle induit, les efforts  lourds et constants qu’elle impose, ne soient pas mieux reconnus alors que les yeux sont impliqués dans 80% de nos activités quotidiennes et qu’ils sont une des composantes humaines les plus sensibles. 
Se sont-ils seulement imaginés ce que pouvaient être ces sensations à longueur de journée, toute l’année depuis très longtemps de notre vie voire le restant de celle-ci ? Ce sont-ils seulement demandés ce que l’on ressent du fait d’un champ visuel largement amputé à longueur de journée ? Pourquoi ? 
Il n’y a pas de réponse à cette question mais quelques pistes intéressantes dont l’incapacité de certains individus à ressentir l’empathie : ce sentiment qui permet de comprendre (ou du moins essayer), voire d’imaginer ce que l’autre peut ressentir face à une situation difficile sans en avoir fait l’expérience soi-même. Notre société est de plus en plus souvent dénuée de véritable empathie, exceptées certaines formes d’empathie collective, il n’y a aucune raison pour qu’il n’en soit pas de même pour notre cas. Considérons cela comme un handicap émotionnel qu’il faut accepter et pour lequel nous devons regarder avec un peu d’empathie comme une forme d’incapacité intellectuelle!!! D’autre part, il est parfois plus facile pour certaines personnes de nier le handicap, évitant ainsi de se confronter à certaines obligations qui pourraient en découler, voire de se remettre en cause face à certains comportements. Les sujets liés à la souffrance et au handicap restent souvent des tabous car ils renvoient à des comportements coupables de certains d’entre nous (indifférence, malaise, préjugés, absence de solidarité, discrimination pour n’en citer que quelques-uns).
En tous cas, il est certain que l’on supporte d’autant mieux le malheur d’autrui dès lors qu’il ne nous affecte pas! Tout en s’assurant que l’on ne met pas nos propres comportements en cause! Ainsi quoi de plus facile et simple que de culpabiliser le malade de ne pouvoir surpasser les conséquences de sa maladie ! Il faut admettre aussi que les porteurs de ces pathologies peuvent être agressifs comme toutes les personnes soumises à la souffrance. Beaucoup de personnes ont du mal aussi à exprimer leurs émotions et leur volonté d’aider, certes, mais il y a toujours un moyen de le faire… pour ceux qui n’abandonnent pas à la première difficulté (ce qui n’est pas une caractéristique fréquente à notre époque).
Tout cela montre le défi auquel nous sommes confrontés pour faire reconnaître un handicap invisible.

Avril 2016

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3 réponses à Handicap visuel = handicap invisible !

  1. Morel dit :

    Les entreprises soumises à un taux d’embauche de personnes handicapées emploient de préférence des » handicapés invisibles » pour respecter les quotas imposés. Elles n’ont aucune conscience des efforts que nécessite leur situation, aussi bien pou rester dans l’emploi, que pour ,e pas être consiéré moins bien que les autres ou catalogué handicapé.
    Et la politique actuelle sur le handicap ne fait rien pour y pallier.
    Restons vigilant, et faissons comprendre que plutôt qu’un fardeau, nous sommes une fore pour nos employeurs

  2. Gwenaelle BRIEND dit :

    Bonjour,

    Bravo, votre blog est très bien.
    Je suis consultante auprès d’entreprises sur le thème du handicap psychique…handicap invisible, j’ai un « coup de foudre » pour votre image de l’iceberg. M’autorisez vous à l’utiliser?

    Un grand merci pour votre retour.

    Bien cordialement

    Gwénaelle BRIEND
    DCA HANDICAP

  3. Leca Annick dit :

    Bonjour Viviane, j’ai vraiment tardé à consulter ton blog. Je te remercie pour ton article et sur ton emploi de l’expression:les handicapés de l’empathie. Amitiès Annick

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