Marie Barnier, la Vabraise

Dans le numéro 82 de février-mars 2016, Fanny Gimenez  fait le portrait de cette dame originaire de notre pays. La voici à gauche à l’age de 13 ans

C’est le 24 février 1925 que Marie pointe le bout de son nez dans le petit village de Vabres, célèbre autrefois pour la qualité de ses poteries.
Revenons à Marie Barnier bien connue des gens du village; c’est une fille du pays issue d’une fratrie de sept enfants; elle a grandi à Vabres, y a fait ses études, puis est partie travailler ailleurs comme d’autres. Mais son cœur n’a jamais quitté ces hautes collines entourant son village natal. Tout ça, elle me le raconte modestement avec, entre chaque anecdote, des rires, quelques hésitations et encore des rires.
Elle se souvient du Vabres d’antan, la « viagua », la « crosetta », « lo fond di haut » et « lo caïre »; elle ne connaît pas vraiment l’origine de ces noms, elle les a toujours entendus; peut-être avaient-ils été donnés à l’époque médiévale, nous dit Marie, ce qui permettait de situer différents lieux dans le hameau, en quelque sorte des quartiers.
« A l’époque, il y avait beaucoup de monde » nous confie-t-elle. On y trouvait trois cafés, une épicerie, une école, une église et divers corps de métier. Chacun un peu paysan et potier à sa manière, il y avait de tout à Vabres. Pas loin de 80 habitants uniquement dans ce bourg, la vie était alors bien rythmée, grâce aussi aux nombreux enfants qui couraient et jouaient entre les rues du village et la rivière.
La maîtresse n’avait pas le temps de s’ennuyer avec la vingtaine de bambins qui occupaient la salle de classe. Marie se rappelle de cette institutrice, qu’elle a connue pendant toute sa scolarité; du haut de ses 90 ans elle garde encore un grand respect pour celle-ci; elle semble en avoir 12 quand elle me parle d’elle. Cette Mlle Jeanne Brugeiroux devenue Mme Pascual, avait épousé un espagnol. « Gare aux mains sales ou aux oublis de politesse comme bonjour, cela ne lui échappait jamais et aussitôt elle nous reprenait« . Son mari avait fabriqué pour les élèves un filet pour pouvoir jouer au ballon, ce qui avait fait leur bonheur ! C’est cette même maîtresse qui ferma l’école de Vabres vers 1943. Les petits villageois durent aller à l’école des sœurs ou à l’école laïque d’Alleyras. Marie avait déjà fini sa scolarité à cette époque mais connaissait cependant bien cette école des religieuses car tous les jeudis, elle allait au catéchisme et au cours d’enseignement ménager.
A partir de 14 ans, Marie commence les travaux saisonniers : vendanges, cueillette des fraises à Carpentras, Monteux…elle aimait beaucoup ça.
Pour ce faire, une dame rassemblait les jeunes du village, formait ainsi « la cola » en prévision du départ.
A 16 ans, Marie quitte Vabres pour assumer sa vie professionnelle qui l’amène à Saint-Privas d’Allier; pendant quatre années, elle apprend le métier chez un boulanger, puis à Nîmes, toujours comme mitron. Sa tante la contacte ensuite pour venir à Hyères dans le Var, et là encore elle travaille pour un boulanger, je commence à croire que Marie avait du nez ou plutôt un goût certain pour les viennoiseries et le bon pain.
Mais la suite de sa carrière prend un tournant : elle part à Retournac dans une usine de tissage dénommée Dufour, maintenant fermée. Elle y travaille pendant dix ans, puis entre au lycée Simone Weil en tant qu’agent de lycée où elle est titularisée. Par la suite, elle va au lycée Jean Monnet où elle finit sa carrière.
Malgré de nombreuses années passées loin de Vabres, elle y retourne régulièrement et se souvient de l’arrivée de l’électricité et de l’eau au robinet, à la fin des années 50. Ce fut un confort certain, qui avait ses avantages et aussi ses inconvénients car avec l’installation progressive des abreuvoirs automatiques, il n’était plus nécessaire de sortir les vaches : « quand nous étions jeunes, nous les amenions au champ, c’était l’occasion de profiter quelques instants de la rivière« . Il y avait beaucoup de pêcheurs, l’Allier regorgeait de truites, les femmes du village y venaient aussi pour rincer leur linge. Elle me parle aussi de la passerelle qui permettait de relier Vabres à Alleyras. A une époque plus lointaine, elle desservait le Gévaudan au Velay qui avait pour frontière l’Allier; c’était le passage principal pour accéder à Alleyras. Maintenant cette passerelle n’existe plus, elle fut détruite lors de la crue de 1973; seul un câble est aujourd’hui encore visible. Ce petit bout de femme assume l’entretien de deux résidences, un appartement au Puy et sa maison de Vabres; du haut de ses 89 ans, elle ne semble pas fatiguée, elle va même chercher du bois dans la forêt et le scie en bûches.
Elle est souriante et accueillante, merci à elle pour ce beau moment.

Avril 2016

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Une réponse à Marie Barnier, la Vabraise

  1. raymond dit :

    L’école de Vabres a été fermée (effectif insuffisant) en 1945.
    Pendant la guerre des armes pour le maquis y ont été cachées (comme le savaient quelques personnes comme Roger C)…

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