Mado et le franc or

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Je n’étais pas allée à Pont d’Alleyras depuis mi décembre, il faisait froid et nous cherchions une nouvelle voiture  roulant au G.P.L.  Les choses ont changé : le printemps et la douceur sont de retour, nous avons acheté une Volvo, notre véhicule favori. Je n’avais donc pas pu consulter le courrier dans notre boîte aux lettres. En l’ouvrant, Volcan n° 81 s’y trouvait… Christophe Colpaert qui a quitté Alleyras pour d’autres cieux, y signe un nouvel article que je reprends sur ces pages puisqu’il parle de Madeleine Rodde ou plutôt Mado que j’apprécie beaucoup. Je cède la parole à Christophe et à son talent de conteur.

« C’est au bourg d’Alleyras, en 1952, que se déroule l’anecdote que je vais vous conter.
Imaginez-vous une belle journée, un beau ciel, un joli soleil. Comme aujourd’hui est un jour sans école, la petite Madeleine, huit ans, décide d’accompagner son père qui doit labourer un bout de champ situé à l’entrée du village. Comme encore bon nombre de petits paysans de cette époque, l’homme n’a pas de tracteur. Ce sont donc les deux vaches de la ferme, répondant aux doux noms de Dragonne et Fauvette, qui se retrouvent attelées à une charrue et qui serviront de force motrice. C’est au pas tranquille de l’attelage que tout notre petit monde part pour la terre à travailler. La fillette et le père mettent à profit ce laps de temps pour se parler. Ils discutent de tout, de rien, les deux apprécient beaucoup ce moment de partage. Arrivés au champ, l’homme et ses vaches commencent leur labeur, leur labour. La petite Madeleine que presque tout le monde surnomme Mado s’amuse quant à elle dans les sillons fraîchement tracés. Quand on a huit ans et de l’imagination, n’importe quel bout de terrain se transforme vite en véritable royaume.
L’esprit tout occupé à son jeu, les yeux de Mado sont soudainement attirés par une brillance qui provient de la terre remontée d’une raie de labour. Elle s’en approche pour voir ce que c’est et découvre une rondelle. Elle la prend dans ses mains et, la regardant mieux, comprend qu’elle vient de ramasser un sou. La monnaie a du relief et elle peut y lire : 20 FRANCS. « La belle affaire que voilà ! » pense-t-elle. Car en petite gourmande qu’elle est, Mado convertit immédiatement sa subite richesse en bonbon chewing-gum : « puisqu’un chewing-gum coûte 10 francs, je vais pouvoir m’en acheter deux« . Et pour éviter d’avoir à partager avec  quiconque ce futur délice, elle glisse très rapidement la pièce dans la poche de son tablier. Pour assouvir son envie gourmande, Mado n’a pas à aller bien loin puisqu’au bourg d’Alleyras se trouve une épicerie tenue par la mère Bonhomme que tout le monde surnomme « la boulangère ».
Ce petit commerce, maintenant disparu, se trouvait au centre du village, juste devant l’église et la fontaine. On peut encore apercevoir, à l’extérieur de la vieille devanture, une barre de fer avec des crochets où étaient pendues les couronnes de pain. Mado se souvient qu’on y trouvait, entre autres, du chocolat Kholer et du chocolat Pupier, mais son péché mignon du moment, c’était la gomme à mâcher.
La petite fille en salive déjà. Pourtant une chose la tracasse. C’est que la pièce de 20 francs lui semble un peu étrange. Elle n’est pas comme les autres. Elle la scrute de nouveau et peut y lire : « Dieu protège la France« . « Et si elle était fausse ? Et si la mère Bonhomme me refusait cette pièce ? » s’inquiète la gamine. C’est avec sagesse que Mado décide finalement de montrer sa trouvaille au paternel, qui la voyant, écarquille les yeux et lui lance « mais c’est une pièce d’or ! »
Qu’on ait 8 ans ou 88, le mot OR résonne immédiatement aux oreilles de tous avec la même magie. Le petit sou d’une valeur de deux chewing-gums vient de se transformer en véritable trésor pour notre gamine. Vite, elle récupère sa monnaie en or et part la montrer toute fière à qui veut bien la regarder : à son frère, à ses amis, aux voisins, aux gens du bourg, à tout le monde… C’était un Napoléon 20 francs OR.
Mado ne m’a pas dit ce qu’il était advenu de sa pièce, et je ne le lui ai pas demandé. J’aime à imaginer qu’elle la possède encore et qu’un matin, poussée par sa gourmandise, elle ira chez l’épicier du coin pour la convertir en chewing-gums.
Aussi, pour toi Mado, et parce que je te sais lectrice du journal « Volcan », je souhaite t’informer qu’au cours actuel du Napoléon OR, et en les prenant au détail, tu pourras t’offrir 814 « dubble gum » et autres « malabar » chez ton épicier préféré.
Cet article est entièrement issu des souvenirs et des dires de Mado qui habite encore dans la ferme familiale rénovée en maison d’habitation. Un grand merci à elle pour ce partage. »

Avril 2016

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5 réponses à Mado et le franc or

  1. Rodde Madeleine dit :

    Bonjour Viviane,bonjour Serge.
    Me voilà revenue de mes périples d’hiver qui ressemblent plus à celui des oiseaux qu’à celui des marmottes,mais à mon goût!
    Je me pose une question,qui était Nisou? Une bonne personne comme vous sans doûte,je vous présente ttes mes condoléances.
    Durant mon périple il n’est pas toujours commode d’avoir un wifi correcte,Safari me dit sur ma tablette que le serveur ne répond pas!
    Je vois que pour vous aussi,l’hiver c’est bien passé.
    Je partage la même opinion au sujet de Marco,soutenons le!
    A bientôt, toute mon amitiée,je vous embrasse. Mado.

    • viviane dit :

      Bonjour Mado,

      Nisou est le diminutif de Denise. On l’appelait depuis toujours Nisou. Elle était de trois ans ma cadette. Ses parents, sa sœur Claude et elle venaient chaque année en vacances dans la maison qui leur appartenait, juste au-dessous de celle de ma grand-mère. Sa grand-mère, Elise Marrant appartenait à la famille Pascal d’Alleyras. Nisou était pour moi une vraie amie qui comptait tellement. Son absence pèsera lourd, Pont d’Alleyras ne sera plus le même sans sa mère Paulette Filère-Chanal et elle, Nisou.

  2. Rodde danielle dit :

    Oh! oui, qu’on s’en souvient de la pièce d’or de Mado, ma soeur, qui avait des yeux de lynx pour repèrer toute sorte de choses à terre, entre autres, les trèfles à quatre feuilles qu’elle voyait à plus d’un métre dans une talle au milieu d’un pré. Que c’est joliement raconté.
    Merci, Viviane de retranscrire plein de beaux textes sur notre patelin et ses habitants (Cyprin, Gilbert d’Aussac, etc…) tu me fais revivre des bons moments que j’avais parfois oubliés. Je suis très fidèle lectrice des « Textes de mon moulin ».
    Il y a quelqu’ un d’autre que j’aimerai féliciter et remercier, c’est Marko d’Alleyras Capitale, pour le travail remarquable qu’il fait : mobiliser le monde et les médias ( TV, journaux,et autres) pour la survie de notre commune. Sa lutte pour le maintient du train, la réouverture de la route de Poutès, l’accès internet h. vitesse, la place d’Alleyras dans le futur parc des gorges de l’Allier, etc, etc…. Il nous met sur la « Map » et dans le 21 ème S. Il comprend et explique les vrais problèmes et enjeux de notre région. Bravo!
    Je passe par ton blog pour le joindre car je n’arrive pas à entrer dans la page des commentaires de son journal. Mes connaîssances d’internautes sont assez limitées. Entre autre, je trouve super la nouvelle présentation de son journal.

    • viviane dit :

      Heureuse de recevoir de tes nouvelles. Je n’ai pas tout compris à propos de passer par mon blog pour accéder aux commentaires de Marko dans Alleyras Capitale. Tu fais comme tu peux et c’est déjà pas mal, tant de personnes ne font rien ! Je partage entièrement ton opinion sur le travail remarquable qu’il abat pour notre commune, d’autant qu’il n’est pas originaire du coin et qu’on doit lui mettre pas mal de bâtons dans les roues et être l’objet de critiques au vu des vérités qu’il écrit parfois.
      S’il n’était pas ici, la commune ne rayonnerait pas autant ni l’espoir de ses habitants. Merci à Marko d’être ce qu’il est et de faire autant pour ses concitoyens.
      Il faut rendre à César ce qui est à César !

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