Les infanticides en Haute-Loire au XIXème siècle

Afficher l'image d'origineDans la liste des crimes, l’infanticide semble le plus horrible, notamment le « néonacide » qui survient dans les heures suivant l’accouchement. Ce crime n’a pas disparu de nos jours ainsi que l’ont relaté les média avec le cas de Véronique Courjault, condamnée le 18 juin 2009 à huit ans de réclusion pour le meurtre de ses trois enfants.
Les archives départementales de la Haute-Loire nous livrent 21 infanticides de 1807 à 1880 dont 20 ca s de néonacides. Ce chiffre semble nettement inférieur à la réalité.
Une seule affaire met en cause le père, l’assassinat de sa fille de dix ans en 1844. Un rapport au ministre de l’Intérieur dit : «Le 30 avril dernier, un infanticide a été commis au lieu de Pradoul, commune de Blassac, sur la personne de B. Dauphine, jeune fille infirme, âgée de 10 ans par le nommé R. Jean dit Pareyron, son père. Ce malheureux, âgé de 68 ans, veuf en secondes noces, aurait commis ce crime puisque la mort de son enfant devait lui faciliter une nouvelle union projetée. Il a été arrêté le jour même. »

La découverte du corps :

Elle est souvent due au hasard, « dans un buisson » en 1807 à Paulhaguet. Les rivières  sont des endroits commodes pour se débarrasser du corps d’un enfant, en 1821 à Saint-Pal-de-Chalencon : « Il a été trouvé le 14 de ce mois dans le ruisseau de Saint-Pal-de-Chalencon un enfant nouveau-né enfermé dans une poche, la tête couverte d’un mouchoir et ayant au col un cordon très serré. Le rapport du médecin constate que cet enfant est venu à terme, qu’il était viable et qu’il a été étranglé avant d’être plongé dans l’eau. Le crime a été dénoncé à M. le procureur du roi et l’on s’efforce de rechercher son auteur ».
En 1832, au Puy : « J’ai l’honneur de vous informer que j’ai procédé aujourd’hui, à 3 heures de l’après-midi, à l’enlèvement du cadavre d’un enfant de naissance de sexe masculin qui avait été exposé dans la rivière de Dolaizon au lieu dit des des Espacières. Un cordon dont on s’est servi pour l’étrangler est encore adapté au col de la victime. Je n’ai pu obtenir aucun renseignement pour parvenir à découvrir les auteurs de ce crime. »
En 1853, à Lamothe : « J’ai l’honneur de vous rendre compte que le 11 de ce mois, à 7 heures du matin, le cadavre d’un enfant nouveau-né qui commençait à se putréfier, a été trouvé sur la rive gauche de l’Allier, à 100 mètres environ du pont de Lamothe. L’autorité judiciaire de l’arrondissement s’est immédiatement transportée sur les lieux, accompagnée d’un médecin. Il en résulte, de la visite de ce dernier, que l’enfant, qui était de sexe masculin, est né à terme, qu’il était viable, qu’il est mort par strangulation et que cette mort doit remonter de 4 à 5 jours. Malgré les investigations prolongées de la gendarmerie, aucun indice n’a pu faire soupçonner l’auteur du crime. »
Les détails des rapports sont parfois horribles : «Vorey, relatif  à un enfant nouveau-né qui avait été trouvé à Saint-Vincent dans le cimetière au moment où deux chiens se disputaient le cadavre de cette malheureuse créature. »
En 1829, à Brioude : « J’ai l’honneur de vous informer que le 25 de ce mois, un enfant nouveau-né a été trouvé dans un enclos appartenant à M. Cougnet-Florat et situé à la sortie de cette ville, sur la route départementale de Brioude à Saint-Flour. M. le juge d’instruction et M. Héraud, médecin, assistés du commissaire de police se sont transportés sur les lieux ; il a été reconnu que cet enfant âgé de huit jours était de sexe féminin et qu’il avait été étranglé immédiatement après sa naissance au moyen d’une corde de laine qu’il portait encore au col. Cet enfant enveloppé d’un linge avait été découvert par quelque bête sans doute, qui lui avait déchiré la figure, ouvert le crâne et rongé les extrémités des mains. A peu de distance de l’endroit où l’enfant avait été déposé, le commissaire de police aperçut dans un fossé un linge blanc qu’il fit ramasser et qu’il reconnut être un mauvais mouchoir couvert de sang et portant les initiales M.R., ce linge ainsi que celui dans lequel l’enfant avait été enveloppé ont été déposés au greffe du tribunal civil pour servir de pièces de conviction. La police est à la recherche de l’auteur de l’auteur du crime. »
En 1834, à Saint-Ilpize : « J’ai l’honneur de vous rendre compte que le 8 de ce mois, il a été trouvé sur les bords de l’Allier près de la commune de Saint-Ilpize, l’avant-bras d’un enfant nouvellement né, coupé en petits morceaux. La justice s’étant transportée sur les lieux, a d’après les renseignements qu’elle a obtenus, fait arrêter la nommée R. Elisabeth, prévenue d’être l’auteur de ce crime. »

Des rapports surprenants :
La supposition de l’existence bien supérieure de tels cas est confirmée par l’impression de détachement avec lequel certains rapports sont rédigés. Ainsi, ce curieux rapport adressé le 8 avril 1830 au préfet qui évoque une « indisposition » pour expliquer le retard de la lettre avec des maladresses surprenantes dont : « J’avoue que j’aurais dû vous instruire des suites de la rencontre qui a été faite d’un enfant nouveau-né et trouvé mort dans un des aqueducs de la prairie du Breuil, mais monsieur le préfet, croyez que si je ne vous ai pas fait part de cet événement, c’est parce que les courants (sic) de la journée du deux du courant, il m’est survenu une indisposition qui m’a fait perdre de vue l’obligation dans laquelle je me trouve placé de vous informer de tout ce qui a rapport à votre administration. Monsieur le préfet, pour réparer cette omission, j’aurai l’honneur de vous informer que le nommé Pays Régis, maçon de cette ville, après s’être rendu le deux du courant et sur les six heures du matin dans un des fossés de la prairie du Breuil, aperçut à l’entrée d’un aqueduc un enfant nouveau-né du sexe masculin à demi-enveloppé dans une manche de chemise d’homme, que s’en étant approché de plus près, s’était convaincu que le dit enfant était mort et s’empressant d’en instruire la justice, que monsieur le procureur du roi se transportait de suite sur les lieux et qu’il fut procédé à l’hospice où cet enfant fut apporté à l’autopsie cadavérique. Il résulte du rapport de monsieur le Docteur médecin que le dit enfant vivait à sa naissance et que l’on ne peut attribuer sa mort qu’à la violence qui a été exercée sur lui. La justice est depuis cette époque, à la recherche de l’auteur de ce crime mais les données sont si imparfaites jusqu’à ce jour, que les soupçons ne frappent directement sur personne. »
L’administration doit parfois exiger des rapports de la police des maires qui, par ignorance ou négligence de leurs obligations ou parce que l’écrit ne fait pas partie de leur quotidien, en manquaient à leurs devoirs. Le préfet adresse une lettre comminatoire au maire de Saint-Vincent au sujet du nouveau-né trouvé dans le cimetière dévoré par les chiens : « Je suis surpris que ce fait qui a eu lieu depuis plus de quinze jours ne m’ait point été transmis par vous. Je vous ai spécialement recommandé de me tenir instruit de tout ce qui intéresse le bon ordre et la police et place ce délit aussi grave que celui qui paraît s’être commis dans votre commune. Je vous invite à me faire rapport à ce sujet et d’en adresser le double à M. le procureur du roi en y joignant toutes les circonstances que vous aurez pu recueillir comme propres à diriger les poursuites de la justice. »
Le sous-préfet de Brioude informe le préfet le 28 octobre 1840 qu’il a saisi le maire de Cistrières parce qu’il avait été « instruit par la rumeur publique qu’un infanticide s’était commis dans la commune de Cistrières ». Mais le maire étant décédé, c’est l’adjoint qui doit faire rapport au sous-préfet, dans lequel il informe l’administration que l’enfant a été « détruit et qu’il a été porté dans un fournil dans le milieu de la nuit » « la coupable a été identifiée et arrêtée ».

Des tentatives d’explication :
Les dossiers d’infanticide sont parfois clos rapidement faute de preuves. Un rapport du commissaire de police de Brioude du 21 juillet 1844 en donne un exemple : « J’ai l’honneur de vous rendre compte que hier autour de six heures du soir, le domestique de M. Pouzo, percepteur de Brioude, a découvert dans un puits en tirant de l’eau dans une des propriétés de son maître, située dans le ruisseau de Peste, les membres d’un enfant de naissance. M. le docteur Pissis, appelé sur le champ pour en faire l’autopsie a déclaré que cet enfant était de sexe féminin non venu à terme mais ayant pu vivre (7 à 8/ mois), qu’il avait séjourné dans ce puits pendant 7 à 8 jours et qu’il devait être mort avant d’y avoir été jeté. Il était enveloppé de vieux haillons provenant d’un vieux tablier couvert de mille pièces et de mille trous sans pouvoir préciser l’étoffe primitive. Cette propriété qui est ouverte au nord par quantité de chemins et passages a laissé la liberté à la personne de s’en débarrasser facilement, qui du côté du midi et du ruisseau qui est aujourd’hui à sec est fermé par un mur de près de 3 mètres de hauteur du sol dudit ruisseau pendant que dans l’intérieur du puits n’est qu’à la continuation de celui de la propriété… Cependant, du côté du levant et du midi qu’à 140 mètres pour y parvenir. Les soupçons sont… et toutes les personnes présentes ont pensé que cet enfant avait été apporté de la campagne. Il arrive à Brioude, à cette époque des moissons une grande affluence d’hommes, de femmes et filles qui ont bien pu nous apporter ce cadeau ; au surplus, la rumeur publique et la police ne connaissent aucune fille enceinte à Brioude. » Le rapport nous rappelle que les routes et chemins de nos campagnes étaient alors parcourus par de nombreux mendiants et chemineaux, jeunes et moins jeunes, recherchant un travail saisonnier, faisant des haltes dans une grange ou d’un travail de fenaison ou de moisson. Certains avaient leurs habitudes, leurs maisons régulières. Les réactions des autochtones sont diverses : méfiance mais occasions d’utiliser une main-d’œuvre passagère et sans lendemain mais pas sans conséquences pour une jeune fille en vadrouille. Celles-ci pouvaient aussi subir les assauts de leurs compagnons de vagabondage.
Les deux affaires se déroulent en 1818 et  1919, en été, et illustrent les conditions de ces personnes allant de village en village. Le premier nous conduit à Présailles en juin 1818 : « Le 11 de ce mois, un jeune homme âgé de 18 à 20 ans avec une femme de 25 ans, mendiants, se rendirent au village de Charbadel au domicile de François Roche auquel demandèrent à coucher. Ce qui leur fut accordé, on les mit sur le foin dans une grange. Dans la nuit, le dit Roche entendit plusieurs cris et plaintes de cette jeune femme. Il se leva pour lui offrir quelque secours. Elle refusa. Le 12 au matin, le dit Roche fut dans la grange et n’y trouva personne. Le 13, Des villageois trouvèrent un enfant nouveau-né qu’on avait jeté dans un champ de blé auquel on avait coupé les deux bras et les deux jambes. On soupçonna que ce devait être celui de cette femme. Les ordres ont été donnés à toutes les gendarmeries pour l’arrestation de ces deux individus qui se disent tantôt de Coucouron en Ardèche, tantôt de Saint-Arcons ».
Un deuxième rapport en date du 8 août raconte deux arrestations dont celle de nos deux coupables d’infanticide : « La gendarmerie a ramené hier dans la prison du Puy les nommés Guillaume A. et Anne F., natifs de Coucouron, qui ont été arrêtés en Ardèche comme prévenus d’infanticide. Celui-ci a été commis dans la commune de Présailles la nuit du 11 mai dernier dont l’enfant fut trouvé dans un champ de blé. »
Presque deux mois mis pour l’arrestation des coupables, temps extrêmement long aujourd’hui. Pas de téléphone, pas de presse, pas de photos pour diffuser l’information. Le deuxième fait se déroule en juillet 1819 : La brigade de Champagnac a arrêté le 18e mois le nommé Chau Pierre, natif de Chazelles (Loire), sans profession, mendiant vagabond, paraissant très suspect. Celle de Langeac a arrêté a arrêté le même jour les nommés J. Françoise et J. Pierre natifs de Sainte Marie des Chazes, prévenus d’infanticide. Celle de Brioude  a arrêté « le 20 du dit le nommé Obrier, natif d’Issoire (63), sans papier, vagabond, déjà repris de justice. La nommée Françoise J. et son frère Pierre se sont rendus coupables d’un trait de barbarie inouï. Ils s’étaient rendus au village de Francon, commune d’Aubazat, canton de Lavoûte pour y faire la moisson ; le 17, cette fille mit au monde un enfant qui fut coupé à morceaux ; la tête jetée d’un côté, les mains, les bras, les jambes parsemés dans les terres. Le 18 au matin, ils disparurent du village ; les habitants trouvèrent et recueillirent les pièces éparses de ce petit cadavre. Cet avis étant parvenu à M. le maire d’Aubazat, on soupçonna le frère et la sœur J. On expédia un exprès à M. le juge de paix du canton de Langeac pour les faire arrêter. Les maréchal des logis Brun et un gendarme partirent immédiatement et firent tant diligence qu’ils rencontrèrent les J. frère et sœur et virent que Françoise avait encore les mains teintes de sang. Cette fille voulut se jeter dans le ruisseau pour se laver. Le frère, armé de deux faucilles,  voulut alors résister ; Brun dégaina et lui aurait coupé les doigts pour lui faire mettre les faucilles à terre. Mais les habitants raisonnèrent cet individu qui posa les faucilles. La sœur n’était pas encore délivrée et le placenta tombé en chemin fut ramassé par les gendarmes et porté comme pièce à conviction. Les deux individus ont été conduits dans les prisons de Brioude et du Puy le 24 juillet 1819. »
L’arrestation de Pierre et Françoise J. est relatée dans un rapport de gendarmerie qui note également celle de deux vagabonds considérés comme des suspects.  Ceux qui marchent pour trouver du travail sont des inconnus et on s’en méfie. Pierre et Françoise ont été arrêtés à une quinzaine de kilomètres de leur village natal, la limite de l’horizon connu pour les habitants d’Aubazat.
Nous n’osons pas avancer l’hypothèse d’une liaison incestueuse entre le frère et la sœur, mais elle était possible.

Trois infanticides particuliers :
Janvier 1817, Rose M. (Retournac
:
Le dossier se compose de deux pièces, la lettre écrite par le sous-préfet d’Yssingeaux au préfet de la Haute-Loire et sa réponse. Le rapport du sous-préfet est sobre mais précis. « J’ai l’honneur de vous rendre compte que, dans la journée du 20 courant, monsieur le maire de Retournac a été informé quela nommée Rose M. demeurant au lieu de la Chazotte, commune de Retournac, avait fait un enfant et qu’on ne savait point ce qu’il était devenu. Il a requis le brigadier de gendarmerie à cette résidence de s’y transporter pour arrêter la coupable et faire des recherches pour découvrir l’enfant. Monsieur le brigadier, aidé par les gens du village est parvenu à trouver l’enfant mort et meurtri de coups, caché dans la paillasse du lit de l’accusée qui a été conduite le même jour par devant monsieur le procureur du roi près le tribunal d’Yssingeaux où son procès s’instruit en ce moment. »
Le rapport ne s’embarrasse pas de mots inutiles, l’enfant a été frappé par sa mère, la rumeur publique ne s’empare pas de l’affaire, le maire joue son rôle d’officier de police. On peut cependant s’étonner que la mère n’ait pas utilisé d’autres moyens pour se débarrasser de l’enfant, un buisson, la rivière… Le cas est différent : Rose est connue dans le village, sa grossesse a été remarquée. Rose vivait certainement seule, ses conditions de vie étaient précaires, elle travaillait peut-être dans une ferme ou comme domestique dans un commerce ou une famille. Son domicile, son intimité se résument à cette chambre sommairement meublée avec une paillasse qui fut la cachette du cadavre de son enfant. Avait-elle été séduite par un homme qui avait abusé d’elle ? Violée ? Comment avait-elle accouché ? Seule ? L’enfant n’était pas désiré. Comment vivre avec le regard des autres ? Avoir un enfant sans mari, honte suprême ! Plus même, il devenait une gêne pour son travail, comment faire pour gagner sa vie en devant s’occuper de son enfant ? Et comment vivre sans devoir passer pour une dévergondée ? A la solitude s’ajoutaient la honte, le déshonneur, l’impossibilité de trouver un mari pour s’occuper de l’enfant. Le ministre réagit vivement dans sa réponse au préfet : « J’ai reçu votre lettre du 22 janvier par laquelle vous m’informiez que la gendarmerie s’était rendue au domicile de la nommée Rose M., accouchée et dont l’enfant avait disparu, a trouvé cet enfant mort meurtri dans la paille du lit de cette mère dénaturée. Cette sorte de délit est malheureusement assez fréquente et l’impunité l’encourage. Il serait bien important qu’on pût acquérir des preuves suffisantes pour pouvoir faire un exemple sévère. La prévenue se trouvant entre les mains de monsieur le procureur du roi, vous voudrez bien m’instruire des suites de la procédure. » Cette réponse est intéressante : on apprend la récurrence de ce genre de crime, la condamnation de la coupable qualifiée du terme de dénaturée. Mais le contexte replace ce geste inhumain dans une vie concrète de jeune fille isolée et enceinte en 1917 dans un petit village de la Haute-Loire.

Mai 1847, Marguerite F. (Yssingeaux) :
Marguerite est dentelière, denteleuse disait-on. Elle a 31 ans et vit seule séparée de son mari. Sa situation sort de l’ordinaire, rares sont les femmes qui peuvent mener leur vie seules à l’époque. De forte personnalité certainement, elle a une vie personnelle intime libre mais elle subit les conséquences d’un contraception déficiente. Sa vie est rude, elle doit accomplir des tâches d’homme comme la corvée de bois. Le rapport du commissaire de police au sous-préfet donne de précieuses indications : « J’ai l’honneur de vous informer que le 9 de ce mois environ vers les 9 heures et demie du soir, ayant appris par quelques voisins que le ci après nommée Marguerite F., femme de Pierre dit Moret, âgée d’environ 30 ans, profession de denteleuse, domiciliée en cette ville, n’habitant pas avec son mari et de lui séparée de biens pour cause de soustraction frauduleuse en espèces envers lui, s’étant accouchée clandestinement depuis quelques jours, ayant voulu m’assurer par moi-même si les soupçons attribués à cette femme étaient vrais,  je me suis transporté dans son domicile pour l’interroger et sur mes observations elle m’a répondu qu’elle était allée chercher un fagot de bois dans le bois de Belon à peu de distance de cette ville et que là, elle s’était accouchée d’un enfant mort-né, mais voyant que ses réponses étaient embarrassées et qu’elle ne disait pas la vérité, nous l’avons fortement pressée de nous dire ce qu’elle avait fait de son enfant et enfin, elle s’est décidée à nous faire connaître elle-même l’endroit où elle l’avait caché, que cet enfant a été trouvé mort caché dans le dit bois, couvert de pierres et de mousse,  qu’elle s’était accouchée dans son domicile, qu’après avoir étouffé son enfant, elle l’a porté dans un sac immédiatement dans le bois précité , qu’aujourd’hui l’autopsie de cet enfant a été faite en présence de la justice, qu’il résulte que cet enfant est né viable. La mère a été immédiatement arrêtée et qu’enfin, si j’apprends de nouveaux renseignements sur cet infanticide, je m’empresserai de vous les transmettre »
La rumeur colportée par les voisins joue encore un rôle déterminant, une femme seule vit évidemment sous le regard soupçonneux des autres. Peut-on conclure à un infanticide avec préméditation ? Pour cette femme, l’enfant est un accident, il faut s’en débarrasser au plus vite.

Mars 1880, Agnès P. (Chanaleilles) :
Il s’agit d’un dossier d’interrogatoire complet mené par les gendarmes de Saugues, la mère et les voisins sont entendus. Agnès P. est institutrice. Elle a 23 ans, son métier lui donne un certain prestige; Il était difficile pour une jeune fille d’être nommée dans un village isolé de Haute-Loire, dans le canton de Saugues, région rétive aux instituteurs et surtout aux institutrices nommés par l’État. Les Républicains ont pris possession de l’État depuis 1877, les lois laïques de Jules Ferry sont mises en place en 1881-1882, avec l’obligation pour les communes de construire une école dans chaque village avec le logement de l’enseignant. Les communes sont nombreuses à y être opposées et les instituteurs et institutrices vivent donc dans des conditions très précaires.
Rapport de gendarmerie, 6 mars 1880 à 7 heures du matin : « Brigade de Saugues. Nous, soussignés, Fouriat Jean, brigadier; Schneider Auguste, Serres Auguste, Gerenton Victor, gendarmes à cheval à la résidence de Saugues, département de la Haute-Loire, revêtus de notre uniforme, conformément aux ordres de nos chefs. Agissant en vertu d’un réquisitoire de M. le juge de paix de Saugues, nous requérant de l’accompagner au hameau de Verdun, commune de Saint-Préjet d’Allier et l’assister dans l’information contre la née P. Agnès, âgée de 23 ans, fille de Joseph et feu Marie Jeanne P., native de la commune de Chanaleilles, canton de Saugues, institutrice au dit hameau de Verdun, inculpée de crime d’infanticide. Étant arrivés sur les lieux, la susnommée née P. Agnès nous a déclaré ce qui suit : « Le lundi 1er mars courant vers les 5 heures du matin, j’ai éprouvé les douleurs de l’enfantement que j’ai gardées jusqu’à 10 heures du matin, heure à laquelle je me suis accouchée d’un enfant de sexe masculin; étant institutrice j’avais renvoyé les élèves et fermé ma porte, personne n’avait connaissance de ma grossesse, voyant mon enfant couché et placé à côté de moi, sans secours, le désespoir m’a saisi, à l’aide d’une tresse en laine je l’ai étranglé, je l’ai gardé quoique mort dans mon lit, n’ayant pas le courage de me lever jusqu’au lendemain que je l’ai déposé dans l’armoire de la cuisine sur le rayon du haut, le jeudi vers les 5 heures du matin, je me suis armée de courage, à l’aide d’une pioche j’ai creusé une petite fosse dans un champ situé à quatre mètres de ma maison. Quelques heures après, deux voisines sont venues me reprocher ma conduite en m’invitant de reprendre le cadavre de mon enfant que j’ai conservé depuis dans le coffre à côté de mon lit. » Nous avons ensuite recueilli les renseignements suivants : Pays Henri, âgé de 50 ans, propriétaire et voisin : « Le jeudi matin quatre mars à 6 heures du matin, j’ai vu la née Plantin qui descendait dans le terrain de M. Hugony tout prêt de la maison d’école, elle a fouillé le pied du mur avec une petite pioche mais je n’ai pu savoir ce qu’elle faisait, trois ou quatre minutes après elle a remonté dans le chemin, j’ai donné connaissance à ma femme et à celle de Baptiste Hugony qui se sont rendues à l’endroit indiqué où elles ont trouvé un enfant enfoui. Hugony Marguerite femme André Dupin, 40 ans : le jeudi 4 mars, la née Peyeonnel Renée, femme de Hugony Baptiste mon frère vint me trouver en me disant qu’elle venait de trouver l’enfant de l’institutrice enterré près de la maison d’école, je me suis rendu avec elle à son domicile et l’avons trouvée assise, seule, triste et fatiguée, l’avons invitée à enterrer son enfant et à le garder provisoirement. Dupin André, âgé de 54 ans, mari de la précédente prévenu par sa femme que, dans la soirée du jeudi elle avait trouvé un enfant; de suite, il en a prévenu M. le maire de la commune. »
Sauvant Victoire, femme Pagès Henri 42 ans : « Mon mari m’a fait part de ce qu’il avait vu, je n’ai pu vérifier les lieux étant obligée de faire un voyage. »
Peyronnel Reine, 40 ans, femme Hugony Baptiste : « Mon mari m’a dit que le nommé Pays avait vu le jeudi 4 mars  dans le champ appelé Pradet l’institutrice pratiquant un trou à l’aide d’une pioche vers les 4 heures du soir, je me suis rendue à l’endroit supposé à l’aide d’un morceau de bois j’ai fouillé la terre et j’ai trouvé le cadavre d’un enfant nouveau-né, à dix centimètres de profondeur, de suite, j’été appeler (sic) ma belle-sœur Marguerite Hugony femme Dupin, nous nous sommes rendues près de l’institutrice et lui avons fait reprendre le cadavre de son enfant, ce qu’elle a fait de suite. M. Gervais, docteur médecin, a examiné le cadavre de l’enfant et reconnu que l’enfant était le résultat d’un crime par strangulation.
Nous n’avons pu conduire la susnommée Plantin en lieu sûr, n’ayant pas de voiture propice dans le village. Le gendarme Gérenton l’a gardée à vue dans sa maison jusqu’à sept heures du soir relevé par le gendarme Sneider qui a passé la nuit. Aujourd’hui,
7 mois courant, la voiture du préposé des convois de Saugues s’est rendu sur les lieux. Les gendarmes Scheider et Serres ont opéré l’arrestation en vertu d’une dépêche télégraphique de M. le procureur de la République à M. le juge de paix du canton pour être conduite à l’hospice de Saugues où elle séjournera en attendant sa guérison.
En foi de quoi, nous avons rédigé le présent en triple exemplaires destinés à M. le préfet du département, la 2ème à M. le procureur de la République et la 3ème à M. le capitaine commandant la gendarmerie de l’arrondissement, conformément à l’article 495 du décret du 1er mars 1854. »
La jeune femme est traumatisée par son geste, on la transfère d’ailleurs à l’hospice de Saugues pour y recevoir des soins et non à la prison. On peut souligner la sollicitude des habitants du village qui ont entouré la malheureuse Agnès, nul propos déplacé à son encontre. Que s’est-il passé ? Qui aurait pu provoquer la grossesse d’Agnès Plantin ? Drame de la solitude ? Une question quand même… La conception eut lieu début juin, où se trouvait Agnès à ce moment ? A Chanaleilles ? Dans son village familial ?

L’avortement
Si certaines situations dramatiques ont conduit les femmes à commettre des infanticides, des avortements ont pu éviter d’arriver à cette extrémité. Dans les villages, se transmettre à mots couverts les adresses des femmes qui peuvent rendre ce genre de service. L’avortement est interdit, il le reste en France jusqu’à la loi Veil de 1975. Les avortements se font dans des conditions précaires, nombreuses sont les femmes qui en meurent. Ces pratiques transparaissent dans les archives souvent de manière détournée. Ainsi le rapport concernant la nommée C. : « La brigade de Costaros a arrêté le 27 dudit (mars 1824) la nommée C. Jeanne native de Monistrol-d’Allier, comme prévenue d’infanticide. » ou celui concernant Marianne R. : « La nommée Marianne R. a été condamnée à un an d’emprisonnement pour complicité d’infanticide. Sa peine est terminée depuis le 5 août dernier, mais elle est retenue en prison pour les frais. Cette femme âgée de 65 ans ne possède aucun meuble, ni immeuble ainsi que le constatent les deux certificats ci-joints. Je vous prie, monsieur le préfet de bien vouloir ordonner son élargissement, en approuvant les certificats dont il s’agit. » Le rapport concernant Marie-Anne M. est parfaitement explicite : « Le conseiller d’arrondissement, pour le sous-préfet empêché au préfet, le 21 août 1847. J’ai l’honneur de vous informer que par suite des opérations pratiquées par Marie-Anne, veuve R., de la Freyde, commune d’Yssingeaux, sur la nommée Colombet Annette, femme d’Antoine Monchabrier du dit lieu, en état de grossesse, cette dernière a succombé avec l’enfant qu’elle portait. M. le commissaire de police a constaté ces faits par un procès verbal qui a été transmis à l’autorité judiciaire… »
Pendant le second Empire, éclate dans la région du Puy une affaire d’avortements qui met en cause de nombreux opposants au régime. Cette affaire est évoquée par un important rapport émanant du ministère de l’Intérieur, des noms sont cités, des faits sont révélés. Le contexte doit être précisé, l’Empire a été proclamé le 2 décembre 1852, un an après le coup d’État du 2 décembre 1851 qui mit fin à la Seconde République. Le régime impérial est ambigu, le suffrage universel est rétabli mais l’opposition est muselée et la pratique de la candidature officielle l’empêche de ce fait de briguer les suffrages des électeurs. La presse est surveillée par le système de l’avertissement. Comme tout régime autoritaire, le second l’Empire vise à la conservation; pour cela il va utiliser le mélange des genres : la traque de l’opposition (surtout républicaine), la recherche d’une base sociale, la pratique des amalgames. Le thème de l’avortement est commode, ceux qui le pratiquent ne peuvent être que des opposants à l’ordre établi, social et religieux, voire des libres-penseurs, décidés à détruire la société et ses bases. On agite dans le département de la Haute-Loire, idéologiquement de tradition catholique, socialement composée de petits propriétaires exploitants, le spectre des rouges, des Montagnards, les démocrates-socialistes de 1848-1849 avaient repris l’héritage idéologique des Montagnards de 1793, la terreur en dictature, il faut frapper fort, avec évidemment, un zeste de complot supposé qui apparaît dans le rapport du ministère de l’Intérieur avec la mention que le dénommé Aurand aurait bénéficié des « influences de camaraderie » et également un soupçon de débauche qui vise Amargier « aubergiste de Bizac, complice de Vidal pour la fille qui est morte et qui était enceinte de ses œuvres » ou Mounier « ancien représentant, a payé Vidal pour faire avorter sa maîtresse, a de plus avoué avoir pris des remèdes propres à faciliter l’avortement chez Aurand, officier de santé.
Extraits du rapport de 1853 (sans précision de date) du ministère de l’Intérieur : « Une affaire d’avortements des plus odieuses et dont l’instruction était pendant depuis près de 9 mois vient de se dérouler devant la cour d’assises de la Haute-Loire par la condamnation à 20 ans de travaux forcés du principal coupable, le nommé Bon-Vidal et à des peines moins graves de quelques unes de ses complices. On ne peur qu’être frappé d’une impression des plus pénibles quand on se rappelle que les débats du procès ont établi de manière irrécusable que depuis 22 ans le nommé Bon-Vidal exerçait paisiblement son odieuse industrie. Aussi, quand la justice été saisie, l’émotion a dû être grande au sein de la population du Puy tant nombreuse, en effet, étaient les accusés sur le banc des assises. La justice semble avoir résolu… Quel que soit l’intérêt qui l’attache aux divers points de vue, à la connaissance des faits de l’immoralité, je n’aurais pas entretenu une telle affaire si je n’y avais trouvé impliqués quatre des hommes qui ont le plus marqué dans les fastes de la démagogie locale. Il y a dans ce fait, ce qui me semble une satisfaction pour le parti de l’ordre et peut-être ne sera-t-il pas perdu pour l’édification du pays à l’égard des hommes et des doctrines qui on eu cours de 1849 à 1851. Les quatre individus sont le sieur Mounier, ouvrier représentant, l’un des montagnards les plus nuls mais en revanche les plus exagérés, Aurand, officier de santé, Amargier, aubergiste, dépositaire dans la localité de toutes les publications du parti, enfin Brient, propriétaire, beau-père du sieur Solvignon, l’un des chefs les plus influents du parti rouge. Tous les quatre n’ont pas été atteints par le verdict du jury. Brient est mort pendant l’instruction, Aurand a dû son acquittement à ses influences de camaraderie et Amargier plus scandaleusement encore à ses démarches, un curé de la ville plus des amis de Mounier ont profité de quelques marques d’insanité qu’il a données après son arrestation pour le couvrir d’un jugement d’interdiction.
Mais le jugement du tribunal du Puy a été déféré à la cour impériale de Riom et l’on peut espérer que si la cause est disparue, elle n’est pas terminée et que la justice aura pu passer… Quant à l’instrument de ces crimes, le sieur Bon-Vidal, s’il n’a pas trempé dans les agitations socialistes, il appartient à une famille du Puy qui a déjà présenté le scandale d’un chef de bureau de la préfecture qui s’est laissé corrompre par les agents de remplacement…
Sont détenus comme auteurs ou complices d’avortements : Vidal, Jean Antoine pour avoir provoqué l’avortement de jeunes filles à l’aide d’une opération pratiquée avec des sondes dont une est morte des suites. Amargier, aubergiste à Bizac, complice de Vidal pour la fille qui est morte et qui était enceinte de ses œuvres. Mounier ancien représentant, a payé Vidal pour faire avorter sa maîtresse, a de plus avoué avoir pris des remèdes propres à faciliter l’avortement chez Aurand, officier de santé. Aurand, officier de santé pour avoir vendu des remèdes propres à faire avorter. Redon Virginie, complice de Vidal et Amargier pour ce qui concerne la fille morte. Rocher Rosette, pour s’être fait avorter par Vidal. Rocher Marie, maîtresse de Mounier, pour s’être fait avorter deux fois. Joanbe Victorine, pour s’être fait avorter par Vidal. Villeseche Clémence pour s’être fait avorter deux fois. Descours Reine, pour s’être fait avorter par Vidal. »

Conclusion :
Le crime d’infanticide, commis par la mère, interroge. Les faits mentionnés n’ont pas révélé de femmes-ogresses, décidées à faire disparaître leur enfant. Ce qui apparaît est plutôt le signe de la détresse, de la négligence mais aussi de la solitude. Les spécialistes ajouteraient que, pour vivre, un enfant doit être pensé par la mère durant la grossesse avec les étapes indispensables, la prise de conscience du fait qu’elle est enceinte, puis l’attente de l’enfant – ce qui suppose un lien avec le père, la famille -, enfin la perspective de l’accouchement qui marque la séparation de l’enfant et de la mère. Les cas étudiés nous ont montré que ces étapes n’avaient pas été franchies par ces femmes que nous avons évoquées (Rose M., Marguerite F., Agnès P.). Ces femmes n’ont pas voulu savoir qu’elles étaient enceintes – l’idée de l’avortement si elles avaient pu y recourir, on pense à Marguerite, ne les effleure même pas. La conséquence est inévitable, l’enfant dont elles accouchent n’en est pas un, tout juste un bout de leur corps, un déchet qu’elles évacuent. Certes, il y a peu souvent un acte fautif pour donner la mort dans de nombreuses situations, l’enfant sorti du ventre de sa mère dans des conditions épouvantables se trouvait déjà à proximité de la mort.
Ces femmes, quelle que soit leur condition, vivent avec le souvenir de leur geste. Nous le voyons avec les deux derniers cas. D’abord celui de la fille B. de Saint-Didier-la-Séauve : « Le sous-préfet d’Yssingeaux au préfet, le 27 novembre 1860. Le 24 du courant, la justice s’est transportée à Saint-Didier-La-Séauve pour procéder à une information au sujet d’un crime d’infanticide accompli par la fille B. qui a fait l’objet d’une dépêche du 16 de ce mois. Cette fille, ayant appris qu’un enfant avait été trouvé exposé dans l’église paroissiale, eut l’idée de le faire passer pour celui auquel elle avait donné le jour, pressée de questions, elle a fini par avouer qu’elle n’était pas la mère de l’enfant exposé dans l’église et qu’elle avait fait disparaître le dit en le faisant brûler dans son poêle. M. le docteur Pipet a retrouvé, en effet, dans les cendres, les débris calcinés du cadavre. L’auteur de ce crime est la née G. Annette, femme P., sa complice ont été écrouées aujourd’hui à la maison d’arrêt. » La fille B. a accompli le geste fatal, elle l’a relu, elle a voulu faire passer l’enfant exposé dans l’église au même moment pour le sien, volonté de se disculper vis-àvis de la justice ? vis-à-vis d’elle-même ? Volonté de revenir en arrière et refaire vivre l’enfant qu’elle avait mis au monde et tué ?
Que penser de l’attitude de Marie B. de Sainte-Austremoine rapportée par le rapport de la gendarmerie du 1er décembre 1824 ?
« Le 12 décembre dernier, on a trouvé dans la commune de Sainte-Autremoine, la tête d’un enfant nouveau-né et que la nommée Marie B. native de la dite commune, prévenue d’être l’auteur de cet infanticide s’est précipitée dans le béal du moulin de la Borie où elle en a été retirée mais le rapport ne fait pas connaître si elle s’est noyée. »

Juillet 2016

 

 

 

Dans la liste des crimes, l’infanticide semble le plus horrible, notamment le « néonacide » qui survient dans les heures suivant l’accouchement. Ce crime n’a pas disparu de nos jours ainsi que l’ont relaté les média avec le cas de Véronique Courjault, condamnée le 18 juin 2009 à huit ans de réclusion pour le meurtre de ses trois enfants.
Les archives départementales de la Haute-Loire nous livrent 21 infanticides de 1807 à 1880 dont 20 cas de néonacides. Ce chiffre semble nettement inférieur à la réalité. Une seule affaire met en cause le père, l’assassinat de sa fille de dix ans en 1844. Un rapport au ministre de l’Intérieur dit : « Le 30 avril dernier, un infanticide a été commis au lieu de Pradoul, commune de Blassac, sur la personne de B. Dauphine, jeune fille infirme, âgée de 10 ans par le nommé R. Jean dit Pareyron, son père. Ce malheureux, âgé de 68 ans, veuf en secondes noces, aurait commis ce crime puisque la mort de son enfant devait lui faciliter une nouvelle union projetée. Il a été arrêté le jour même. La découverte du corps</strong> :</p>
<p>Elle est souvent due au hasard, « <em>dans un buisson</em> » en 1807 à Paulhaguet. Les rivières  sont des endroits commodes pour se débarrasser du corps d’un enfant, en 1821 à Saint-Pal-de-Chalencon : « <em>Il a été trouvé le 14 de ce mois dans le ruisseau de Saint-Pal-de-Chalencon un enfant nouveau-né enfermé dans une poche, la tête couverte d’un mouchoir et ayant au col un cordon très serré. Le rapport du médecin constate que cet enfant est venu à terme, qu’il était viable et qu’il a été étranglé avant d’être plongé dans l’eau. Le crime a été dénoncé à M. le procureur du roi et l’on s’efforce de rechercher son auteur</em> ».</p>
<p>En 1832, au Puy : « <em>J’ai l’honneur de vous informer que j’ai procédé aujourd’hui, à 3 heures de l’après-midi, à l’enlèvement du cadavre d’un enfant de naissance de sexe masculin qui avait été exposé dans la rivière de </em><em>Dolaizon au lieu dit des des Espacières. Un cordon dont on s’est servi pour l’étrangler est encore adapté au col de la victime. Je n’ai pu obtenir aucun renseignement pour parvenir à découvrir les auteurs de ce crime</em>. »</p>
<p>En 1853, à Lamothe : « <em>J’ai l’honneur de vous rendre compte que le 11 de ce mois, à 7 heures du matin, le cadavre d’un enfant nouveau-né qui commençait à se putréfier, a été trouvé sur la rive gauche de l’Allier, à 100 mètres environ du pont de Lamothe</em><em>. L’autorité judiciaire de l’arrondissement s’est immédiatement transportée sur les lieux accompagnée d’un médecin. Il en résulte, de la visite de ce dernier, que l’enfant, qui était de sexe masculin, est né à terme, qu’il était viable, qu’il est mort par strangulation et que cette mort doit remonter de 4 à 5 jours. Malgré les investigations prolongées de la gendarmerie, aucun indice n’a pu faire soupçonner l’auteur du crime. » </em></p>
<p>Les détails des rapports sont parfois horribles : «  <em>Vorey, relatif  à un enfant nouveau-né qui avait été trouvé à Saint-Vincent dans le cimetière au moment où deux chiens se disputaient le cadavre de cette malheureuse créature.</em> »</p>
<p>En 1829, à Brioude : « <em>J’ai l’honneur de vous informer que le 25 de ce mois, un enfant nouveau-né a été trouvé dans un enclos appartenant à M. Cougnet-Florat et situé à la sortie de cette ville, sur la route départementale de Brioude à Saint-Flour. M. le juge d’instruction et M. Héraud, médecin, assistés du commissaire de police se sont transportés sur les lieux ; il a été reconnu que cet enfant âgé de huit jours était de sexe féminin et qu’il avait été étranglé immédiatement après sa naissance au moyen d’une corde de laine qu’il portait encore au col. Cet enfant enveloppé d’un linge avait été découvert par quelque bête sans doute, qui lui avait déchiré la figure, ouvert le crâne et rongé les extrémités des mains. A peu de distance de l’endroit où l’enfant avait été déposé, le commissaire de police aperçut dans un fossé un linge blanc qu’il fit ramasser et qu’il reconnut être un mauvais mouchoir couvert de sang et portant les initiales M.R., ce linge ainsi que celui dans lequel l’enfant avait été enveloppé ont été déposés au greffe du tribunal civil pour servir de pièces de conviction. La police est à la recherche de l’auteur de l’auteur du crime.</em> »</p>
<p>En 1834, à Saint-Ilpize : « <em>J’ai l’honneur de vous rendre compte que le 8 de ce mois, il a été trouvé sur les bords de l’Allier près de la commune de Saint-Ilpize, l’avant-bras d’un enfant nouvellement né, coupé en petits morceaux. La justice s’étant transportée sur les lieux, a d’après les renseignements qu’elle a obtenus, fait arrêter la nommée R. Elisabeth, prévenue d’être l’auteur de ce crime.</em> »</p>
<p><strong>Des rapports surprenants</strong> :</p>
<p>La supposition de l’existence bien supérieure de tels cas est confirmée par l’impression de détachement avec lequel certains rapports sont rédigés. Ainsi, ce curieux rapport adressé le 8 avril 1830 au préfet qui évoque une « indisposition » pour expliquer le retard de la lettre avec des maladresses surprenantes dont : « <em>J’avoue que j’aurais dû vous instruire des suites de la rencontre qui a été faite d’un enfant nouveau-né et trouvé mort dans un des aqueducs de la prairie du Breuil, mais monsieur le préfet, croyez que si je ne vous ai pas fait part de cet événement, c’est parce que les courants der la journée du deux du courant il m’est survenu une indisposition qui m’a fait perdre de vue l’obligation dans laquelle je me trouve placé de vous informer de tout ce qui a rapport à votre administration. Monsieur le préfet, pour réparer cette omission, j’aurai l’honneur de vous informer que le nommé Pays Régis, maçon, de cette ville après s’être rendu le deux du courant et sur les six heures du matin dans un des fossés de la prairie du Breuil aperçut à l’entrée d’un aqueduc un enfant nouveau-né du sexe masculin à demi-enveloppé dans une manche de chemise d’homme, que s’en étant approché de plus près, s’était convaincu que le dit enfant était mort et s’empressant d’en instruire la justice, que monsieur le procureur du roi se transportait de suite sur les lieux et qu’il fut procédé à l’hospice où cet enfant fut apporté à l’autopsie cadavérique. Il résulte du rapport de monsieur le Docteur médecin que le dit enfant vivait à sa naissance et que l’on ne peut attribuer sa mort qu’à la violence qui a été exercée sur lui. La justice est depuis cette époque, à la recherche de l’auteur de ce crime mais les données sont si imparfaites jusqu’à ce jour, que les soupçons ne frappent directement sur personne. »</em></p>
<p>L’administration doit parfois exiger des rapports de la police des maires qui, par ignorance ou négligence de leurs obligations ou parce que l’écrit ne fait pas partie de leur quotidien, en manquaient à leurs devoirs. Le préfet adresse une lettre comminatoire au maire de Saint-Vincent au sujet du nouveau-né trouvé dans le cimetière dévoré par les chiens : « <em>Je suis surpris que ce fait qui a eu lieu depuis plus de quinze jours ne m’ait point été transmis par vous. Je vous ai spécialement recommandé de me tenir instruit de tout ce qui intéresse le bon ordre et la police et place ce délit aussi grave que celui qui paraît s’être commis dans votre commune. Je vous invite à me faire rapport à ce sujet et d’en adresser le double à M. le procureur du roi en y joignant toutes les circonstances que vous aurez pu recueillir comme propres à diriger les poursuites de la justice.</em> »</p>
<p>Le sous-préfet de Brioude informe le préfet le 28 octobre 1840 qu’il a saisi le maire de Cistrières parce qu’il avait été « <em>instruit par la rumeur publique qu’un infanticide s’était commis dans la commune de Cistrières »</em>. Mais le maire étant décédé, c’est l’adjoint qui doit faire rapport au sous-préfet, dans lequel il informe l’administration que l’enfant a été « <em>détruit et qu’il a été porté dans un fournil dans le milieu de la </em>nuit » « <em>la coupable a été identifiée et arrêtée</em> ».</p>
<p><em> </em></p>
<p><strong>Des tentatives d’explication :</p>
<p></strong>Les dossiers d’infanticide sont parfois clos rapidement faute de preuves. Un rapport du commissaire de police de Brioude du 21 juillet 1844 en donne un exemple : « <em>J’ai l’honneur de vous rendre compte que hier autour de six heures du soir, le domestique de M. Pouzo, percepteur de Brioude, a découvert dans un puits en tirant de l’eau dans une des propriétés de son maître, située dans le ruisseau de Peste, les membres d’un enfant de naissance. M. le docteur Pissis, appelé sur le champ pour en faire l’autopsie a déclaré que cet enfant était de sexe féminin non venu à terme mais ayant pu vivre (7 à 8/ mois), qu’il avait séjourné dans ce puits pendant 7 à 8 jours et qu’il devait être mort avant d’y avoir été jeté. Il était enveloppé de vieux haillons provenant d’un vieux tablier couvert de mille pièces et de mille trous sans pouvoir préciser l’étoffe primitive. Cette propriété qui est ouverte au nord par quantité de chemins et passages a laissé la liberté à la personne de s’en débarrasser facilement, qui du côté du midi et du ruisseau qui est aujourd’hui à sac est fermé par un mur de près de 3 mètres de hauteur du sol dudit ruisseau pendant que dans l’intérieur du puits n’est qu’à la continuation de celui de la propriété… Cependant, du côté du levant et du midi qu’à 140 mètres pour y parvenir. Les soupçons sont… et toutes les personnes présente ont pensé que cet enfant avait été apporté de la campagne. Il arrive à Brioude, à cette époque des moissons une grande affluence d’hommes, de femmes et filles qui ont bien pu nous apporter ce cadeau ; au surplus, la rumeur publique et la police ne connaissent aucune fille enceinte à Brioude.</em> » Le rapport nous rappelle que les routes et chemins de nos campagnes étaient alors parcourus par de nombreux mendiants et chemineaux, jeunes et moins jeunes, recherchant un travail saisonnier, faisant des haltes dans une grange ou d’un travail de fenaison ou de moisson. Certains avaient leurs habitudes, leurs maisons régulières. Les réactions des autochtones sont diverses : méfiance mais occasions d’utiliser une main-d’œuvre passagère et sans lendemain mais pas sans conséquences pour une jeune fille en vadrouille. Celles-ci pouvaient aussi subir les assauts de leurs compagnons de vagabondage.</p>
<p>Les deux affaires se déroulent en 1818 et  1919 en été et illustrent les conditions de ces personnes allant de village en village. Le premier nous conduit à Présailles en juin 1818 : « <em>Le 11 de ce mois, un jeune homme âgé de 18 à 20 ans avec une femme de 25 ans, mendiants, se rendirent au village de Charbadel au domicile de François Roche auquel demandèrent à coucher. Ce qui leur fut accordé, on les mit sur le foin dans une grange. Dans la nuit, le dit Roche entendit plusieurs cris et plaintes de cette jeune femme. Il se leva pour lui offrir quelque secours. Elle refusa. Le 12 au matin, le dit Roche fut dans la grange et n’y trouva personne. Le 13, Des villageois trouvèrent un enfant nouveau-né qu’on avait jeté dans un champ de blé auquel on avait coupé les deux bras et les deux jambes. On soupçonna que ce devait être celui de cette femme. Les ordres ont été donnés à toutes les gendarmeries pour l’arrestation de ces deux individus qui se disent tantôt de Coucouron en Ardèche, tantôt de Saint-Arcons ».</em></p>
<p>Un deuxième rapport en date du 8 août raconte deux arrestations dont celle de nos deux coupables d’infanticide : « <em>La gendarmerie a ramené hier dans la prison du Puy les nommés Guillaume A. et Anne F., natifs de Coucouron, qui ont été arrêtés en Ardèche comme prévenus d’infanticide. Celui-ci a été commis dans la commune de Présailles la nuit du 11 mai dernier dont l’enfant fut trouvé dans un champ de blé.</em> »</p>
<p>Presque deux mois mis pour l’arrestation des coupables, temps extrêmement long aujourd’hui. Pas de téléphone, pas de presse, pas de photos pour diffuser l’information. Le deuxième fait se déroule en juillet 1819 : La brigade de Champagnac a arrêté le 18<sup>e</sup> mois le nommé Chau Pierre, natif de Chazelles (Loire), sans profession, mendiant vagabond, paraissant très suspect. Celle de Langeac a arrêté a arrêté le même jour les nommés J. Françoise et J. Pierre natifs de Ste Marie des Chazes, prévenus d’infanticide. Celle de Brioude  a arrêté « <em>le 20 du dit le nommé Obrier, natif d’Issoire (63), sans papier, vagabond, déjà repris de justice. La nommée Françoise J. et son frère Pierre se sont rendus coupables d’un trait de barbarie inouï. Ils s’étaient rendus au village de Francon, commune d’Aubazat, canton de Lavoûte pour y faire la moisson ; le 17, cette fille mit au monde un enfant qui fut coupé à morceaux ; la tête jeté d’un côté, les mains, les bras, les jambes parsemés dans les terres. Le 18 au matin, ils disparurent du village ; les habitants trouvèrent et recueillirent les pièces éparses de ce petit cadavre. Cet avis étant parvenu à M. le maire d’Aubazat, on soupçonna le frère et la sœur J. On expédia un exprès à M. le juge de paix du canton de Langeac pour les faire arrêter. Les maréchal des logis Brun et un gendarme partirent immédiatement et firent tant diligence qu’ils rencontrèrent les J. frère et sœur et virent que Françoise avait encore les mains teintes de sang. Cette fille voulut se jeter dans le ruisseau pour se laver. Le frère, armé de deux faucilles,  voulut alors résister ; Brun dégaina et lui aurait coupé les doigts pour lui faire mettre les faucilles à terre. Mais les habitants raisonnèrent cet individu qui posa les faucilles. La sœur n’était pas encore délivrée et le placenta tombé en chemin fut ramassé par les gendarmes et porté comme pièce à conviction. Les deux individus ont été conduits dans les prisons de Brioude et du Puy le 24 juillet 1819.</em> »</p>
<p>L’arrestation de pierre et Françoise J. est relatée dans un rapport de gendarmerie qui note également celle de deux vagabonds considérés comme des suspects.  Ceux qui marchent pour trouver du travail sont des inconnus et on s’en méfie. Pierre et Françoise ont été arrêtés à une quinzaine de kilomètres de leur village natal, la limite de l’horizon connu pour les habitants d’Aubazat.</p>
<p>Nous n’osons pas avancer l’hypothèse d’une liaison incestueuse entre le frère et la sœur, mais elle était possible.</p>
<p><strong>Trois infanticides particuliers </strong>:</p>
<p><em><strong>Janvier 1817, Rose M. (Retournac</strong></em> :</p>
<p>Le dossier se compose de deux pièces, la lettre écrite par le sous-préfet d’Yssingeaux au préfet de la Haute-Loire et sa réponse. Le rapport de sous-préfet est sobre mais précis. « <em>J’ai l’honneur de vous rendre compte que, dans la journée du 20 courant, monsieur le maire de Retournac a été informé par la nommée Rose M. demeurant au lieu de la Chazotte, commune de Retournac, avait fait un enfant et qu’on ne savait point ce qu’il était devenu. Il a requis le brigadier de gendarmerie à cette résidence de s’y transporter pour arrêter le coupable et faire des recherches pour découvrir l’enfant. Monsieur le brigadier, aidé par les gens du village est parvenu à trouver l’enfant mort et meurtri de coups, caché dans la paillasse du lit de l’accusée qui a été conduite le même jour par devant monsieur le procureur du roi près le tribunal d’Yssingeaux où son procès s’instruit en ce moment. »</p>
<p></em>Le rapport ne s’embarrasse pas de mots inutiles, l’enfant a été frappé par sa mère, la rumeur publique ne s’empare pas de l’affaire, le maire joue son rôle d’officier de police. On peut cependant s’étonner que la mère n’ait pas utilisé d’autres moyens pour se débarrasser de l’enfant, un buisson, la rivière… Le cas est différent : Rose est connue dans le village, sa grossesse a été remarquée. Rose vivait certainement seule, ses conditions de vie étaient précaires, elle travaillait peut-être dans une ferme ou comme domestique dans un commerce ou une famille. Son domicile, son intimité se résume à cette chambre sommairement meublée avec une paillasse qui fut la cachette du cadavre de son enfant. Avait-elle été séduite par un homme qui avait abusé d’elle ? Violée ? Comment avait-elle accouché ? Seule ? L’enfant n’était pas désiré. Comment vivre avec le regard des autres ? Avoir un enfant sans mari, honte suprême ! Plus même, il devenait une gêne pour son travail, comment faire pour gagner sa vie en devant s’occuper de son enfant ? Et comment vivre sans devoir passer pour une dévergondée ? A la solitude s’ajoutaient la honte, le déshonneur, l’impossibilité de trouver un mari pour s’occuper de l’enfant. Le ministre réagit vivement dans sa réponse au préfet :</p>
<p> »<em>J’ai reçu votre lettre du 22 janvier par laquelle vous m’informiez que la gendarmerie s’était rendue au domicile de la nommée Rose M., accouchée et dont l’enfant avait disparu, a trouvé cet enfant mort meurtri dans la paille du lit de cette mère dénaturée. Cette sorte de délit est malheureusement assez fréquente et l’impunité l’encourage. Il serait bien important qu’on pût acquérir des preuves suffisantes pour pouvoir faire un exemple sévère. La prévenue se trouvant entre les mains de monsieur le procureur du roi, vous voudrez bien m’instruire des suites de la procédure. »</em> Cette réponse est intéressante : on apprend la récurrence de ce genre de crime, la condamnation de la coupable qualifiée du terme de dénaturée. Mais le contexte replace ce geste inhumain dans une vie concrète de jeune fille isolée et enceinte en 1917 dans un petit village de la Haute-Loire.</p>
<p><strong>Mai 1847, Marguerite F. (<em>Yssingeaux</em>)</strong> :</p>
<p>Marguerite est dentelière, denteleuse disait-on. Elle a 31 ans et vit seule séparée de son mari. Sa situation sort de l’ordinaire, rares sont les femmes qui peuvent mener leur vie seule à l’époque. De forte personnalité certainement, elle a une vie personnelle intime libre mais elle subit les conséquences d’un contraception déficiente. Sa vie est rude, elle doit accomplir des tâches d’homme comme la corvée de bois. Le rapport du commissaire de police au sous-préfet donne de précieuses indications : « <em>J’ai l’honneur de vous informer que le 9 de ce mois environ vers les 9 heures et demie du soir, ayant appris par quelques voisins que le ci après nommée Marguerite F., femme de Pierre dit Moret, âgée d’environ 30 ans, profession de denteleuse, domiciliée en cette ville, n’habitant pas avec son mari et de lui séparée de biens pour cause de soustraction frauduleuse en espèces envers lui s’étant accouchée clandestinement depuis quelques jours, n’ayant voulu m’assurer par moi-même si les soupçons attribués à cette femme étaient vrais,  je me suis transporté dans son domicile pour l’interroger et sur mes observations elle m’a répondu qu’elle était allée chercher un fagot de bois dans le bois de Belon à peu de distance de cette ville et que là, elle s’était accouchée d’un enfant mort-né, mais voyant que ses réponses étaient embarrassées et qu’elle ne disait pas la vérité, nous l’avons fortement pressée de nous dire ce qu’elle avait fait de son enfant et enfin, elle s’est décidée à nous faire connaître elle-même l’endroit où elle l’avait caché, que cet enfant a été trouvé mort caché dans le dit bois, <em><em> </em>couvert de pierres et de mousse</em>,  qu’elle s’était accouchée dans son domicile, qu’après avoir étouffé son enfant, elle <em>l’a porté dans un sac immédiatement dans le bois précité </em>, qu’aujourd’hui l’autopsie de cet enfant a été faite en présence de la justice, qu’il résulte que cet enfant est né viable. La mère a été immédiatement arrêtée et qu’enfin, si j’apprends de nouveaux renseignements sur cet infanticide, je m’empresserai de vous les transmettre »</p>
<p></em>La rumeur colportée par les voisins joue encore un rôle déterminant, une femme seule vit évidemment sous le regard soupçonneux des autres<em>.</em> Peut-on conclure à un infanticide avec préméditation ? Pour cette femme, l’enfant est un accident, il faut s’en débarrasser au plus vite.</p>
<p><strong>Mars 1880, Agnès P. (<em>Chanaleilles</em>)</strong> :</p>
<p>Il s’agit d’un dossier d’interrogatoire complet mené par les gendarmes de Saugues, la mère et les voisins sont entendus. Agnès P. est institutrice. Elle a 23 ans, son métier lui donne un certain prestige; Il était difficile pour une jeune fille d’être nommée dans un village isolé de Haute-Loire, dans le canton de Saugues, région rétive aux instituteurs et surtout aux institutrices nommés par l’État. Les Républicains ont pris possession de l’État depuis 1877, les lois laïques de Jules Ferry sont mises en place en 1881-1882, avec l’obligation pour les communes de construire une école dans chaque village avec le logement de l’enseignant. Les commune sont nombreuses à y être opposées et les instituteurs et institutrices vivent donc dans des conditions très précaires.</p>
<p>Rapport de gendarmerie, 6 mars 1880 à 7 heures du matin :</p>
<p> »<em>Brigade de Saugues. Nous, soussignés, Fouriat Jean, brigadier; Schneider Auguste, Serres Auguste, Gerenton Victor, gendarmes à cheval à la résidence de Saugues, département de la Haute-Loire, revêtus de notre uniforme, conformément aux ordres de nos chefs. Agissant en vertu d’un réquisitoire de M. le juge de paix de Saugues, nous requérant de l’accompagner au hameau de Verdun, commune de Saint-Préjet d’Allier et l’assister dans l’information contre la née P. Agnès, âgée de 23 ans, fille de Joseph et feu  moisMarie Jeanne P., natif de la commune Chanaleilles, canton de Saugues, institutrice au dit hameau de Verdun, inculpée de crime d’infanticide. Étant arivés sur les lieux, la susnommée née P. Agnès nous a déclaré ce qui suit : »Le lundi 1er mars courant vers les 5 heures du matin, j’ai éprouvé les douleurs de l’enfantement que j’ai gardées jusqu’à 10 heures du matin, heure à laquelle je me suis accouchée d’un enfant de sexe masculin; étant institutrice j’avais renvoyé les élèves et fermé ma porte, personne n’avait connaissance de ma grossesse, voyant mon enfant couché et placé à côté de moi, sans secours, le désespoir m’a saisi, à l’aide d’une tresse en laine je l’ai étranglé, je l’ai gardé quoique mort dans mon lit, n’ayant pas le courage de me lever jusqu’au lendemain que je l’ai déposé dans l’armoire de la cuisine sur le rayon du haut, le jeudi vers les 5 heures du matin, je me suis armée de courage, à l’aide d’une pioche j’ai creusé une petite fosse dans un champ situé à quatre mètres de ma maison. Quelques heures après, deux voisines sont venues me reprocher ma conduite en m’invitant de reprendre le cadavre de mon enfant que j’ai conservé depuis dans le coffre à côté de mon lit. » Nous avons ensuite recueilli les renseignements suivants : Pays Henri, âgé de 50 ans, propriétaire et voisin : « Le jeudi matin quatre mars à 6 heures du matin, j’ai vu la née Plantin qui descendait dans le terrain de M. Hugony tout prêt de la maison d’école, elle a fouillé le pied du mur avec une petite pioche mais je n’ai pu savoir ce qu’elle faisait, trois ou quatre minutes après elle a remonté dans le chemin, j’ai donné connaissance à ma femme et à celle de Baptiste Hugony qui se sont rendues à l’endroit indiqué où elles ont trouvé un enfant enfoui. Hugony Marguerite femme André Dupin, 40 ans : le jeudi 4 mars, la née Peyeonnel Renée, femme de Hugony Baptiste mon frère vint me trouver en me disant qu’elle venait de trouver l(enfant de l’institutrice enterré près de la maison d’école, je me suis rendu avec elle à son domicile et l’avons trouvée assise, seule, triste et fatiguée, l’avons invitée à enterrer son enfant et à la garder provisoirement. Dupin André, âgé de 54 ans, mari de larécédente prévenu par sa femme que, dans la soirée du jeudi elle avait trouvé un enfant; de suite, il en a prévenu M. le maire de la commune. »Mon mari m’a fait part</p>
<p></em>Sauvant Victoire, femme Pagès Henri 42 ans : « <em>Mon mari m’a fait part de ce qu’il avait vu, je n’ai pu vérifier les lieux étant obligée de faire un voyage. »Mon mari m’a dit que le nommé Pays</p>
<p></em>Peyronnel Reine, 40 ans, femme Hugony Baptiste : « <em>Mon mari m’a dit que le nommé Pays avait vu le jeudi 4 mars  dans le champ appelé Pradet l’institutrice pratiquant un trou à l’aide d’une pioche vers les 4 heures du soir, je me suis rendue à l’endroit supposé à l’aide d’un morceau de bois j’ai fouillé la terre et j’ai trouvé le cadavre d’un enfant nouveau-né, à dix centimètres de profondeur, de suite, j’été appeler (sic) ma belle-sœur Marguerite Hugony femme Dupin, nous nous sommes rendues près de l’institutrice et lui avons fait reprendre le cadavre de son enfant, ce qu’elle a fait de suite. M. Gervais, docteur médecin, a examiné le cadavre de l’enfant et reconnu que l’enfant était le résultat d’un crime par strangulation.</p>
<p>Nous n’avons pu conduire la sudnommée Plantin en lieu sûr, n’ayant pas de voiture propice dans le village. Le gendarme Gérenton l’a gardée à vue dans sa maison jusqu’à sept heures du soir relevé par le gendarme Sneider qui a passé la nuit.</p>
<p>Aujourd’hui, 7 mois courant, la voiture du préposé des convois de Saugues s’est rendu sur les lieux. Les gendarmes Scheider et Serres ont opéré l’arrestation en vertu d’une dépêche télégraphique de M. le procureur de la République à M. le juge de paix du canton pour être conduite à l’hospice de Saugues où elle séjournera en attendant sa guérison.</p>
<p>En foi de quoi, nous avons rédigé le présent en triple exemplaires destinés à M. le préfet du département, la 2ème à M. le procureur de la République et la 3ème à M. le capitaine commandant la gendarmerie de l’arrondissement, conformément à l’article 495 du décret du 1er mars 1854. »</p>
<p></em>La jeune femme est traumatisée par son geste, on la transfère d’ailleurs à l’hospice de Saugues pour y recevoir des soins et non à la prison. On peut souligner la sollicitude des habitants du village qui ont entouré la malheureuse Agnès, nul propos déplacé à son encontre. Que s’est-il passé ? Qui aurait pu provoquer la grossesse d’Agnès Plantin ? Drame de la solitude ? Une question quand même… La conception eut lieu début juin, où se trouvait Agnès à ce moment ? A Chanaleilles ? Dans son village familial ?</p>
<p><strong>L’avortement</strong></p>
<p>Si certaines situations dramatiques ont conduit les femmes à commettre des infanticides, des avortements ont pu éviter d’arriver à cette extrémité. Dans les villages, se transmettre à mots couverts les adresses des femmes qui peuvent rendre ce genre de service. L’avortement est interdit, il le reste en France jusqu’à laloi Veil de 1975. Les avortements se font dans des conditions précaires, nombreuses sont les femmes qui en meurent. Ces pratiques transparaissent dans les archives souvent de manière détournée. Ainsi le rapport concernant la nommée C. : « <em>La brigade de Costaros a arrêté le 27 dudit </em>(mars 1824)<em> la nommée C. Jeanne native de Monistrol-d’Allier, comme prévenue d’infanticide. » </em>ou celui concernant Marianne R. : « <em>La nommée Marianne R. a été condamnée à un an d’emprisonnement pour complicité d’infanticide. Sa peine est terminée depuis le 5 août dernier, mais elle est retenue en prison pour les frais. Cette femme âgée de 65 ans ne possède aucun meuble, ni immeuble ainsi que le constatent les deux certificats ci-joints. Je vous prie, monsieur le préfet de bien vouloir ordonner son élargissement, en approuvant les certificats dont il s’agit. » </em>Le rapport concernant Marie-Anne M. est parfaitement explicite : « <em>Le conseiller d’arrondissement, pour le sous-préfet empêché au préfet, le 21 août 1847. J’ai l’honneur de vous informer que par suite des opérations pratiquées par Marie-Anne, veuve R., de la Freyde, commune d’Yssingeaux, sur la nommée Colombet Annette, femme d’Antoine Monchabrier du dit lieu, en état de grossesse, cette dernière a succombé avec l’enfant qu’elle portait. M. le commissaire de police a constaté ces faits par un procès verbal qui a été transmis à l’autorité judiciaire… »</em></p>
<p>Pendant le second Empire, éclate dans la région du Puy une affaire d’avortements qui met en cause de nombreux opposants au régime. Cette affaire est évoquée par un important rapport émanant du ministère de l’Intérieur, des noms sont cités, des faits sont révélés. Le contexte doit être précisé, l’Empire a été proclamé le 2 décembre 1852, un an après le coup d’Etat du 2 décembre 1851 qui mit fin à la Seconde République. Le régime impérial est ambigu, le suffrage universel est rétabli mais l’opposition est muselée et la pratique de la candidature officielle l’empêche de ce fait de briguer les suffrages des électeurs. La presse est surveillée par le système de l’avertissement. Comme tout régime autoritaire, le second l’Empire vise à la conservation; pour cela il va utiliser le mélange des genres : la traque de l’opposition (surtout républicaine), la recherche d’une base sociale, la pratique des amalgames. Le thème de l’avortement est commode, ceux qui le pratiquent ne peuvent être que des opposants à l’ordre établi, social et religieux, voire des libres-penseurs, décidés à détruire la société et ses bases. On agite dans le département de la Haute-Loire, idéologiquement de tradition catholique, socialement composée de petits propriétaires exploitants, le spectre des rouges, des Montagnards, les démocrates-socialistes de 1848-1849 avaient repris l’héritage idéologique des Montagnards de 1793, la terreur en dictature, il faut frapper fort, avec évidemment, un zeste de complot supposé qui apparaît dans le rapport du ministère de l’Intérieur avec la mention que le dénommé Aurand aurait bénéficié des « influences de camaraderie » et également un soupçon de débauche qui vise Amargier « <em>aubergiste de Bizac, complice de Vidal pour la fille qui est morte et qui était enceinte de ses oeuvres » </em>ou Mounier « <em>ancien représentant, a payé Vidal pour faire avorter sa maîtresse, a de plus avoué avoir pris des remèdes propres à faciliter l’avortement chez Aurand, officier de santé. »</p>
<p></em>Extraits du rapport de 1853 (sans précision de date) du ministère de l’Intérieur :<em>  » Une affaire d’avortements des plus odieuses et dont l’instruction était pendant depuis près de 9 mois vient de se dérouler devant la cour d’assises de la Haute-Loire par la condamnation à 20 ans de travaux forcés du principal coupable le nommé Bon-Vidal et à des peines moins graves de quelques unes de ses complices. on ne peur qu’être frappé d’une impression des plus pénibles quand on se rappelle que les débats du procès ont établi de manière irrécusable que depuis 22 ans le nommé Bon-Vidal exerçait paisiblement son odieuse industrie. Aussi, quand la justice été saisie, l’émotion a dû être grande au sein de la population du Puy tant nombreuse, en effet, étaient les accusés sur le banc des assises. La justice semble avoir résolu… Quel que soit l’intérêt qui l’attache aux divers points de vue, à la connaissance des faits de l’immoralité, je n’aurais pas entretenu une telle affaire si je n’y avais trouvé impliqués quatre des hommes qui ont le plus marqué dans les fastes de la démagogie locale. Il y a dans ce fait, ce qui me semble une satisfaction pour le parti de l’ordre et peut-être ne sera-t-il pas perdu pour l’édification du pays à l’égard des hommes et des doctrines qui on eu cours de 1849 à 1851. Les quatre individus sont le sieur Mounier, ouvrier représentant, l’un des montagnards les plus nuls mais en revanche les plus exagérés, Aurand, officier de santé, Amargier, aubergiste, dépositaire dans la localité de toutes les publications du parti, enfin Brient, propriétaire, beau-père du sieur Solvignon, l’un des chefs les plus influents du parti rouge. Tous les quatre n’ont pas été atteints par le verdict du jury. Orient est mort pendant l’instruction, Aurand a dû son acquittement à ses influences de camarederie et Amargier plus scandaleusement encore à ses démarches, un curé de la ville plus des amis de Mounier ont profité de quelques marques d’insanité qu’il a données après son arrestation pour le couvrir d’un jugement d’interdiction.</p>
<p>Mais le jugement du tribunal du Puy a été déféré à la cour impériale de Riom et l’on peut espérer que si la cause est disparue, elle n’est pas terminée et que la justice aura pu passer… Quant à l’instrument de ces crimes, le sieur Bon-Vidal, s’il n’a pas trempé dans les agitations socialistes, il appartient à une famille du Puy qui a déjà présenté le scandale d’un chef de bureau de la préfecture qui s’est laissé corrompre par les agents de remplacement…</p>
<p>Sont détenus comme auteurs ou complices d’avortements : Vidal, Jean Antoine pour avoir provoqué l’avortement de jeunes filles à l’aide d’une opération pratiquée avec des sondes dont une est morte des suites. Amargier, aubergiste à Bizac, complice de Vidal pour la fille qui est morte et qui était enceinte de ses œuvres. Mounier ancien représentant, a payé Vidal pour faire avorter sa maîtresse, a de plus avoué avoir pris des remèdes propres à faciliter l’avortement chez Aurand, officier de santé. Aurand, officier de santé pour avoir vendu des remèdes propres à faire avorter. Redon Virginie, complice de Vidal et Amargier pour ce qui concerne la fille morte. Rocher Rosette, pour s’être fait avorter par Vidal. Rocher Marie, maîtresse de Mounier, pour s’être fait avorter deux fois. Joanbe Victorine, pour s’être fait avorter par Vidal. Villeseche Clémence pour s’être fait avorter deux fois. Descours Reine, pour s’être fait avorter par Vidal. »</em></p>
<p><strong>Conclusion </strong>:</p>
<p>Le crime d’infanticide, commis par la mère, interroge. Les faits mentionnés n’ont pas révélé de femmes-ogresses, décidées à faire disparaître leur enfant. Ce qui apparaît est plutôt le signe de la détresse, de la négligence mais aussi de la solitude. Les spécialistes ajouteraient que, pour vivre, un enfant doit être pensé par la mère durant la grossesse avec les étapes indispensables, la prise de conscience du fait qu’elle est enceinte, puis l’attente de l’enfant – ce qui suppose un lien avec le père, la famille -, enfin la perspective de l’accouchement qui marque la séparation de l’enfant et de la mère. Les cas étudiés nous ont montré que ces étapes n’avaient pas été franchies par ces femmes que nous avons évoquées (Rose M., Marguerite F., Agnès P.). Ces femmes n’ont pas voulu savoir qu’elles étaient enceintes – l’idée de l’avortement si elles avaient pu y recourir, on pense à Marguerite, ne les effleure même pas. La conséquence est inévitable, l’enfant dont elles accouchent n’en est pas un, tout juste un bout de leur corps, un déchet qu’elles évacuent. Certes, il y a peu souvent un acte fautif pour donner la mort dans de nombreuses situations, l’enfant sorti du ventre de sa mère dans des conditions épouvantables se trouvait déjà à proximité de la mort.</p>
<p>Ces femmes, quelle que soit leur condition, vivent avec le souvenir de leur geste. Nous le voyons avec les deux derniers cas. D’abord celui de la fille B. de Saint-Didier-la-Séauve : « <em>Le sous-préfet d’Yssingeaux au préfet, le 27 novembre 1860. Le 24 du courant, la justice s’est transportée à Saint-Didier-La-Séauve pour procéder à une information au sujet d’un crime d’infanticide accompli par la fille B. qui a fait l’objet d’une dépêche du 16 de ce mois. Cette fille, ayant appris qu’un enfant avait été trouvé exposé dans l’église paroissiale, eut l’idée de le faire passer pour celui auquel elle avait donné le jour, pressée de questions, elle a fini par avouer qu’elle n’était pas la mère de l’enfant exposé dans l’église et qu’elle avait fait disparaître le dit en le faisant brûler dans son poêle. M. le docteur Pipet a retrouvé, en effet, dans les cendres, les débris calcinés du cadavre. L’auteur de ce crime est la née G. Annette, femme P., sa complice ont été écrouées aujourd’hui à la maison d’arrêt. »</em> La fille B. a accompli le geste fatal, elle l’a relu, elle a voulu faire passer l’enfant expopsé dans l’église au même moment pour le sien, volonté de se disculper vis-àvis de la justice ? vis-à-vis d’elle-même ? Volonté de revenir en arrière et refaire vivre l’enfant qu’elle avait mis au monde et tué ?</p>
<p>Que penser de l’attitude de Marie B. de Sainte-Austremoine rapportée par le rapport de la gendarmerie du 1er décembre 1824 ?<br />
« Le 12 décembre dernier, on a trouvé dans la commune de Sainte-Autremoine, la tête d’un enfant nouveau-né et que la nommée Marie B. native de la dite commune, prévenue d’être l’auteur de cet infanticide s’est précipitée dans le béal du moulin de la Borie où elle en a été retirée mais le rapport ne fait pas connaître si elle s’est noyée. »</p>

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