La Croix de la Chèvre

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Francisque Mandet, dans l’Ancien Velay, nous donne une variante de cette légende qui diffère de la précédente sur quelques points essentiels, notamment la métamorphose en pierre de la vieille femme et de sa chèvre.
Dieu voulant un jour éprouver les habitants d’une ville, autrefois bâtie à l’endroit où se trouve le lac du Bouchet-Saint-Nicolas, descendit sur la terre et revêtit la forme d’un vieillard infirme et malheureux. Appuyé sur un grand bâton, le mendiant frappa aux portes de toutes les maisons de cette ville sans qu’une seule s’ouvrît, sans qu’une main charitable lui tendit une aumône; au contraire, on répondait à ses pleurs, à ses humbles supplications par de grossières injures. Aussi, Dieu s’éloignait-il, décidé à la plus terrible vengeance, lorsqu’il aperçut une modeste cabane à laquelle il ne s’était point adressé. Il frappe, une femme pauvre et courbée sous le poids des années vient lui ouvrir. « Vous souffrez, lui dit-elle, je souffre aussi; vous avez faim, voyez ma profonde misère, n’importe; entrez, mon hôte, j’ai là une chèvre dont j’ai vendu les chevreaux, j’ai un peu de farine et, tandis que vous vous reposerez sur ce banc, je pétrirai un pain, je trairai ma chèvre, puis nous partagerons ce frugal repas. – Eh quoi ! s’écria le vieillard, est-ce donc ici, dans cette chaumière dénudée, que se trouve la seule âme accessible à la pitié ! Méchantes gens, malheur à vous ! Femme, ajouta-t-il, ne perds pas un instant, prends ta chèvre, suis ce chemin sans te retourner, quelque bruit que tu puisses entendre, et fuis ces maudites contrées que Dieu va punir… » A ces mots, le vieillard, dépouillant son enveloppe mortelle, disparaît dans une éblouissante clarté. – Encore toute émue de cette miraculeuse apparition, le vieille de la montagne se hâte d’obéir; mais, à peine est-elle arrivée au sommet du pic voisin, que sa chèvre pousse des cris lamentables, la terre tremble, le ciel s’obscurcit, les nuages tombent du ciel comme de noirs rideaux, un bruit affreux emplit l’air et glace d’épouvante la malheureuse femme. En ce moment terrible, elle oublie la défense que Dieu vient de lui faire; la curiosité la pousse, elle se retourne : ô prodige ! la ville a disparu; un lac immense, noir, bouillonnant, est à la place et vient d’engloutir toute une population maudite… Effrayée de ce qu’elle vient de voir, la fugitive veut hâter le pas; il est trop tard, ses pieds sont à jamais fixés au rocher; elle et sa chèvre sont changées en pierre. – Ce fut pour perpétuer la mémoire d’un aussi grand prodige que les nouveaux habitants élevèrent une croix à l’endroit de cette métamorphose et lui donnèrent le nom de Croix de la Chèvre.

Septembre 2016

 

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