Des saphirs dans le Riou Pezzouliou

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Le Riou Pezzouliou est un petit ruisseau qui traverse la ville d’Espaly-Saint-Marcel près du Puy-en-Velay, commune où j’habite. Il est célèbre pour contenir des pierres précieuses, dont des zircons et des saphirs.
Le somptueux collier de la belle Agnès Sorel qui fut la favorite officielle dès 1444, cadeau du roi de France Charles VII, était serti de pierres précieuses ramassées dans ce ruisseau. Quand il séjournait au château épiscopal d’Espaly, Charles VII ordonnait aux « pesouilleux » de déterrer et de tailler ces pierres.
Du XIIIème au XVème siècle, ce Riou qui prend sa source au mont Croustet et traverse Espaly avant de se jeter dans la Borne, était l’un des gisements de pierres précieuses les plus importants d’Europe. Les pauvres retournaient les alluvions dans l’espoir d’y trouver zircons et grenats. Parfois, quelques émeraudes et rubis remontaient à la surface après de fortes pluies. Le Riou Pezzouliou était surtout connu du roi de France et de son dauphin pour les saphirs dont il regorgeait à l’époque. Quelques chanceux en trouvent encore de minuscules sur les berges.
Ces pierres d’un bleu roi ont orné plus d’un bijou de la couronne de France et plus d’une pièce d’orfèvrerie. Le trésor du Saint-Siège qui a fait l’objet d’un inventaire en 1295 en renfermerait plusieurs. Dans les Cahiers de la Haute-Loire, la revue d’études locales publiée en 1933, l’historien François Hubert Forestier fait mention d’une coupe avec un petit couvercle d’argent doré orné de huit petits saphirs, d’un anneau pontifical serti de quatre pierres bleu roi, de dix saphirs provenant du Puy. Seul hic, ces joyaux restent introuvables. Aucune trace d’eux au Palais des papes d’Avignon. Aucune trace d’eux au musée du Vatican et dans ses archives secrètes. Et à la Sacristie pontificale, jamais entendu parler.
Dans le trésor de Saint-Denis, un nombre incalculable de saphirs garnissaient les objets du trésor, mais la plupart de ces pierres ont été démontées et vendues à la Révolution française pour « sauver la patrie en danger et mener la guerre »  raconte Marie-Cécile Bardoz, conservatrice du musée du Louvre.
D’autres ont simplement disparu. Comme cet anneau d’or garni d’un petit saphir et la main de justice remise au roi Saint-Louis lors de son sacre en la cathédrale de Reims en 1226. Répertoriés dans l’inventaire de 1634, ces deux objets garnis de saphirs du Puy reposaient dans la basilique de Saint-Denis aux côtés de l’épée de Jeanne d’Arc et du fauteuil de Dagobert. C’est là qu’étaient entreposés les insignes royaux qui avaient figuré aux sacres et aux funérailles des rois et des reines. Comme beaucoup d’autres, ils ont disparu en 1793, lors de la profanation des tombeaux royaux par les révolutionnaires. Ce jour-là, la plupart des objets précieux qui composaient le trésor ont été dispersés ou fondus.
Ceux qui ont traversé les siècles en restant intacts se comptent sur les doigts d’une main. Le musée du Louvre à Paris en conserve bien quelques uns comme l’anneau pontifical et le fermail de Saint-Louis. Exposés au premier étage de l’aile Richelieu, dans le département des objets d’art du Louvre, ces bijoux « possèdent des saphirs, mais l’inventaire ne fait pas mention de leur provenance. Il faudrait effectuer des analyses », suggère Marie-Cécile Bardoz.
Pas besoin d’analyse pour le joaillier parisien Fabian de Montjoye. « Au Moyen Age, le saphir provenait du Puy, seul gisement connu à l’époque en Europe, lorsqu’il ne s’agissait pas d’un saphir du Ceylan (le Sri Lanka actuel) ou d’Orient. Pour les reconnaitre, on procédait par élimination », explique-t-il. Impossible pour Robert de Berquem, l’orfèvre parisien dont le témoignage est écrit noir sur blanc dans Mémoires et procès verbaux (1881-1882) de confondre les deux. Le saphir du Puy « d’une grosse couleur tirant sur le vert » ne peut se comparer à celui de l’Orient « à la couleur bleu céleste, d’un azur excellemment beau ». De bien meilleure qualité, le saphir d’Orient était aussi bien plus cher que celui du Puy. Le prix du carat s’élevait à douze livres quand celui du Puy n’excédait pas trois livres.
Si la plupart ont disparu, certains bijoux ornés de saphirs du Riou Pezzouliou font parfois surface comme par miracle. Dans sa boutique installée rue Saint-Honoré, à Paris, le bijoutier Fabian de Montjoye, spécialisé dans les bijoux anciens, a vendu une bague il y a quelques années à un collectionneur français. Deux autres en or, serties d’un authentique saphir, ont récemment été mises en vente. D’origine française, « elles ont été découvertes il y a plus de cinquante ans ». Et se vendent à prix d’or. « Leur valeur excède les 5 000 euros du fait de leur rareté. Dès le VIIIème siècle, l’église catholique a obtenu que les défunts ne soient plus enterrés avec un mobilier funéraire, cette pratique étant considérée comme païenne. A l’exception des évêques et des abbés qui emportaient leur anneau pastoral ou abbatial dans la tombe, les sépultures ne présentent plus de bagues, explique Fabian de Montjoye. Les très rares bagues médiévales conservées le doivent à des circonstances très particulières. Elles ont été perdues, sont tombées au fond d’un étang, d’une douve, dans un champ. D’autres ont été cachées, emmurées. Les chances de leur mettre la main dessus sont très aléatoires. Encore plus s’il s’agit de les retrouver intactes. La possibilité d’acquérir une telle relique est extrêmement faible. Le prix est donc élevé sans que le poids de l’or, ni la valeur du saphir soient en cause », poursuit le bijoutier. Aussi minces soient nos chances, peut-être réussirons-nous un jour à mettre la main sur le somptueux collier de la belle Agnès Sorel et sur les autres joyaux perdus du Riou Pezzouillou dont raffolait la couronne de France.

A pieds joints dans le Riou Pezzouillou
Trouver des saphirs dans le Riou Pezzouliou, c’est possible ! De fins connaisseurs savent où les débusquer à grands coups de pioche. Mais de là à faire fortune…
Jean Brun mène l’expédition. Le retraité traverse la Borne aux pierres glissantes, cuissardes aux pieds, bâton à bout de bras. Son ami René se jette à l’eau à son tour. Direction le Riou Pezzouillou qui ruisselle sur l’autre rive d’Espaly-Saint-Marcel. Jean Brun remonte le petit cours d’eau lentement,en observant ses berges. « Ils l’ont mis dans un état ! », s’emporte-t-il.  C’est l’œuvre de chasseurs de zircons, petites pierres rouges ressemblant à des rubis. Jean Brun stoppe l’expédition. Lui aussi pêche zircons et saphirs au milieu des écrevisses. Armé d’une pioche, le chercheur attaque le paisible ruisseau, chasse les grosses pierres. « Les zircons se trouvent dans les alluvions. Leur densité étant plus forte, ils se déposent au fond du ruisseau », explique-t-il en reprenant son souffle. Avec une vieille casserole soudée à un bâton, Jean Brun gratte le lit du ruisseau et lance violemment le sable dans sa bâtée. Finis les coups de pioche. Il faut maintenant débourrer le fond de la bâtée » et jouer aux orpailleurs.

Des zircons à profusion
D’un coup de poignet, le chasseur de gemmes fait tourner son chapeau chinois à moitié immergé dans l’eau.  A chaque tour, la bâtée se fait plus légère. Dans son creux, il reste un peu de sable fin brillant au soleil. Ses rayons sont réfléchis par de minuscules pierres rouges, les fameux zircons. Jean Brun est déçu. « Pour les voir, il faut avoir de bons yeux. C’est trois fois rien. Il y a encore dix ans, on en trouvait de beaux, mais il n’y en a plus », raconte-t-il, nostalgique.
Deuxième coup de pioche, à un mètre du premier, et nouvelle déception. Toujours pas de saphir en vue. Le retraité a les pieds dans l’eau depuis près d’une heure.
« On va pas tarder à y aller », lance-t-il à son ami, agacé. Avant de partir bredouille, Jean Brun enfile ses lunettes, il a un doute. Le chasseur saisit entre ses doigts un caillou noir mat, à peine plus gros qu’une tête d’épingle. Hourra ! « C’est un saphir », lance le retraité en affichant un large sourire. « Cette fois, on peut y aller ».

Bon pour la collection
Ce minuscule saphir, Jean Brun ne peut rien en faire. La pierre à la face d’un bleu scintillant est trop petite pour être taillée ou vendue. Pas grave. Le passionné ne court pas après l’argent, mais bien après les pierres précieuses qu’il collectionne. Mieux vaut d’ailleurs ne pas trop espérer faire fortune en chassant zircons et saphirs dans le Riou Pezzouliou. Car depuis son exploitation au Moyen-Age, le gisement est à sec. Les Pesouilleux ont seulement laissé de quoi entretenir la légende

LES ZIRCONS
Le Riou Pezzouliou est un petit ruisseau sur les pentes du Croustet dans les environs du Puy en Velay. Il reçoit le Riou des Brus dans sa partie inférieure et vient se jeter dans la Borne à Espaly St Marcel. Les zircons sont réputés depuis fort longtemps non par l’or, mais pour les gemmes qu’ils roulent : zircons et corindons, en particulier les saphirs bleus et les zircons hyacinthes.
Le saphir fut exploité pendant des centaines d’années au moyen âge et était à l’origine d’un commerce intensif, il a donné les plus beaux saphirs du royaume de France. Les gens du pays ont activement exploité ces gemmes et il est encore très fréquenté par les amateurs de minéraux d’alluvions et les traces de fouilles récentes sont nombreuses.
Le Riou des Brus a acquis au cours du temps une renommée qui a dépassé les frontières et aujourd’hui quelques chercheurs de gemmes sur les traces des anciens, animent le bord du ruisseau. La partie réputée être la plus intéressante est maintenant recouverte de béton par l’urbanisation mais sous et entre les blocs de basalte qui encombrent le lit du ruisseau, des graviers lourds riches en magnétite et en zircon reposent sur une couche d’argile qui les retient. Pour isoler les cristaux, on n’élimine pas les sables lourds, on les trie. Un double tamisage permet éventuellement de récupérer les spécimens de taille supérieure (on a ici trouvé des saphirs bleus centimétriques) et à l’aide d’une bâtée, il faut d’abord effectuer le débourbage du sable et éliminer les gros cailloux, puis concentrer les éléments les plus lourds. Cette opération doit être interrompue dés que le sable présente une couleur noire dominante.

Septembre 2016

 

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Une réponse à Des saphirs dans le Riou Pezzouliou

  1. MARIENNEAU dit :

    Bonjour, ce we nous étions à espaly car mon fils  » fan de cailloux » voulait à tt prix trouver ses pierres précieuses. Malheureusement nous avons tourné toutes la journées mais n avons jamais trouvé le riou. À t il été remplacé par un lotissement?
    Pouvez vous me donner plus d info qu à l emplacement? Il a été très déçu mais je lui ai promis que je rechercherais des indices pour sa futures chasse aux trésors
    Merci d avance
    Nathalie

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