L’art du jardinage


Depuis mon enfance, j’aime les jardins. Ils me l’ont bien rendu et me le rendent bien. Pourquoi cet attachement ? Sans doute parce qu’ils sont liés à ma grand-mère et à mon oncle André et parce qu’ils sont des espaces champêtres où règnent la verdure et la vie et parce qu’on peut les cultiver sans produits chimiques, ce qui s’avère plus que jamais essentiel à la santé, parce qu’ils ne sont jamais figés comme le serait une peinture, parce qu’ils me surprennent souvent et surtout parce qu’ils sont beaux, créatifs et toujours en mouvement. La beauté dans la mouvance, n’est-ce pas une bonne définition du jardin ?  Sans cesse changeants au fil des semaines et des saisons, les jardins ont toujours jalonné ma vie.
Petite, je suivais mon oncle  André dans le « jardin du haut » et dans celui « du bas ». C’est dans ce dernier que je m’appliquais à semer le paquet de graines de radis que m’avait confié André, guettant l’éclosion des pousses et suivant attentivement leur croissance. J’observais ce cheminement vers l’aboutissement d’une petite boule blanche et rose qui sortait un peu de terre, surmontée de fanes vert clair . J‘arrachais alors une botte que nous dégustions avec une pincée de sel et une tartine de beurre. Un délice ! Ces radis dont j’ai l’eau à la bouche à simplement les évoquer, sont irrémédiablement liés à André et au « jardin du bas ». C’est chaque fois pour moi une petite œuvre d’art pour l’émotion, le regard et la saveur de ces  bien jolis légumes miniatures croquants et craquants.
Quand j’habitais la Belgique, j’avais un jardin dans lequel je plantais pour le plaisir des yeux de hautes plantes interdites qui entretenaient le plaisir du fruit défendu et boostaient mon adrénaline. Les rhubarbes de ce jardin étaient particulièrement belles ! Elles me servent encore d’exemple et d’étalon aujourd’hui. Ie n’en ai plus connu d’aussi belles !

Bien plus tard, lorsque j’ai rencontré un jardinier exceptionnel dont le jardin l’était tout autant, j’ai connu un jardin agencé en taches de couleur : y dominaient le bleu et le jaune, séparés par une large allée. Le bleu venaient des taches de fleurs au camaïeu de ce ton que faisaient les physalis nicandra, les poireaux bleu de solaise, ipomées, agapanthes, campanules, muscaris, nepetas, lins, pervenches… En face répondait un autre camaïeu de jaunes cette fois : des tulipes, rues fétides, topinambours citron, tournesols, violettes cornues et pensées, jonquilles, rudbeckias, santoline, alchémille, tanaisie… Et j’en oublie. Ce jardin fait pour la beauté, les curiosités botaniques, les surprises et les découvertes, je ne vais plus le voir : le jardinier s’en est allé et l’âme de ce jardin l’a suivi, victime de la méchanceté et de l’incompétence de ronds de cuirs qui doivent encore confondre choux et poireaux, carottes et navets. Pauvre jardin ! Il n’avait pourtant rien fait de mal ! Le jardinier est parti planter son bonheur ailleurs, sous des cieux plus cléments et hospitaliers.  Mais quel gâchis et quelle misère pour ce jardin que j’ai tant apprécié. Heureusement, ces médiocres individus n’ont pu me prendre ni mes souvenirs si les savoir-faire et les connaissances que j’y ai engrangés. Pas plus que mon amitié pour le jardinier.
Ce jardin lui avait été inspiré par celui de Claude Monnet à Giverny.

Février 2017

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