Les petits riens

Les Petits Riens

L’expression « Petits Riens » me vient du temps où j’habitais la Belgique, il y a bien longtemps. Je n’avais même pas  vingt ans à mon arrivée.
Ces Petits Riens -Spullenhulp en flamand-  désignent une association belge sans but lucratif, créée en 1937 et dont l’objet est la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale. Ses acteurs ont mis en place en Belgique des activités de collecte, de tri et de vente d’objets divers de seconde main. Ces activités permettent, d’une part de proposer un travail à de nombreuses personnes éloignées du marché de l’emploi et, d’autre part, de financer des actions sociales de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale. C’est en somme le pendant de notre Emmaüs national.
Ma dernière visite date de 2012, aux Petits Riens de Wavre, à une vingtaine de kilomètres de Bruxelles. Il s’agit d’un  un vaste bric-à-brac où l’on peut trouver de tout… et de rien. On en sort toujours content de sa trouvaille imprévue et souvent insolite. A conseiller !

LES OBJETS INSIGNIFIANTS :
Ordinaires et anodins sans doute, effacés souvent, mais inintéressants certes pas pour celle ou celui qui se penche sur ces objets auxquels nous ne prêtons pas habituellement de l’attention.

Le paillasson :
Il m’accueille devant la porte de notre maison, permanent, fidèle et silencieux. Il s’étale devant l’entrée, abrité d’une éventuelle pluie par l’auvent de la toiture.
Il me rassure de sa présence immuable et tutélaire sur le seuil dont il épouse parfaitement la forme.
Il est épais, un peu lourd mais souple lorsque je le soulève pour dévoiler la clé qui échappe au regard d’un visiteur étranger ou d’un quidam imprévu ou inopiné ou lorsque je veux l’épousseter sans ménagement et en le frappant violemment contre une surface dure.
Il porte en lettres capitales noires l’inscription « WELCOME», cédant ainsi à l’anglicisation du français qui a mal à sa langue. J’aurais préféré, et de loin, benvenida ou plus simplement bienvenue.
Malgré ce mot, le quidam n’arrive pas toujours à point et ne déclenche pas la satisfaction automatique du propriétaire de ce tapis de coco ; il peut s’avérer au contraire malvenu. « INNAPROPRIATE», inscrirait-on dans ce cas. Je pense avant tout aux huissiers, représentants ou autres indésirables parce qu’inopportuns.
Composé de fibres de coco, de couleur brun clair, ce petit tapis à la douce rugosité nous invite à débarrasser les semelles de nos chaussures de leurs salissures, évitant par là même de nous déchausser pour ne pas souiller l’intérieur de la demeure.
Et pourtant, jamais une velléité de plainte malgré ce piétinement récurrent mais une soumission, une modestie et un dévouement permanents.
Personne n’y prête attention ni ne remarque consciemment ce service pratique et gratuit qu’offre le paillasson.
Laissé au froid et à l’humidité, il assure sa fonction de nettoyage contre vents et marée à qui s’y frotte les pieds.
Un paillasson de pommes de terre désigne dans ce contexte une galette de ces légumes féculents râpés, accompagnés d’œufs et d’oignons puis frits à la poêle.
Merci, chers paillassons !

Les objets que j’ai trouvés:
Il y a plus une dizaine d’années, les déchetteries n’existaient pas dans les campagnes de la Haute-Loire. Les gens abandonnaient leurs encombrants ça et là dans la nature, à l’abri des regards pour accomplir leur petit forfait et ne pas en être dénoncés.
J’ai connu ce qu’on appelait  « remblais » où les villageois jetaient pêle-mêle boîtes de conserve, bouteilles en plastique, médicaments, ferrailles, petits encombrants…
A Pont d’Alleyras, ces déchets étaient le plus souvent abandonnés sur les pentes de l’Allier ou des ruisseaux. Les enfants que nous étions allaient y fureter, armés d’un bâton pour fouiller ces décharges qui n’étaient pas vraiment sauvages mais seulement nécessaires, à l’heure où le ramassage des poubelles n’existait pas.
Les habitants de la commune d’Alleyras portaient leurs encombrants, rares en ces temps d’absence de gaspillage où tout se donnait ou se recyclait : boîtes de conserve pour protéger des intempéries le sommet des piquets de bois, morceaux de brisures de tuile, d’assiettes ou de plats servant à empierrer les chemins, pots de verres resservant de pots de confiture, bouteilles déconsignées…
Bien plus tard, lorsque es gens de mon village souhaitaient se débarrasser d’un vieux fourneau, d’une machine à laver, une cuisinière ou autre encombrant hors service, ils amenaient l’objet dans un lieu désigné par la municipalité.
Là, ils le déposaient sur une pente (encore !), au-dessus d’un monticule d’autres objets abandonnés dans cet endroit. C’était le conseil municipal qui avait choisi ce lieu de dépôts.
Je me souviens très bien de ce monticule où Serge et moi aimions aller fureter à la découverte de trouvailles insolites et parfois surprenantes. Il y avait beaucoup de matelas, des fours, machines à laver, casseroles et gamelles rouillées.
J’ai ainsi ramené à la maison un grand et vieux panier à salade à anse que j’ai suspendu au-dessus de la paillasse de la baignoire et qui contient une brosse à dos, une lanière de crin, des loofas, des gants grattants … Fait entièrement de fils de fer, ce panier a belle allure. Et il est utile !
J’ai ramené un autre jour une grande cocotte minute Seb dix litres dont je me sers toujours lorsque je cuisine une grosse quantité de légumes. Idéale pour faire blanchir les haricots avant stérilisation. Où pour préparer une soupe de légumes.
J’ai découvert là encore un pot émaillé trapu, court et large muni d’une anse. L’émail avait sauté à un ou deux endroits. Ce pot, je l’utilise journellement quand je séjourne au moulin. On y dépose nos déchets verts pour les apporter ensuite aux vers de terre que nous élevons et soignons. Ma fille y mettait les déchets de cuisine qu’elle apportait ensuite à ses poules.
Ces objets inanimés portent une âme, rescapés qu’ils sont de leur long usage pour être ensuite jetés dans l’amoncellement hétéroclite de ces rebuts sur le gros tas que la commune tentait de cacher au regard mais que des villageois informés allaient visiter pour trouver quelque trésor dans ce monticule d’Ali Baba.
J’avais encore ramené un panier de pêcheur en rotin et sa sangle que je conserve au moulin en attendant une future utilisation.
J’ai encore rapporté de là une quantité de pots de fleurs de toutes tailles, des jardinières et leurs soucoupes qui font mon bonheur et des économies à ma bourse.
Maintenant, la municipalité met à disposition en été une grande benne pour déposer les encombrants. Elle prévient à l’avance les habitants en distribuant des affiches des lieux et dates de ces mises à disposition. Je continue à y faire des découvertes insolites.
Décidément, malgré les dénégations, notre monde est bien riche !

Mars 2017

 

 

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