Madame Vincent

Le 3 novembre 207 avait lieu l’enterrement à Alleyras de Madame Marie Vincent née Page. Elle était une figure de Pont d’Alleyras.
Sa fille cadette, mon amie Dédée, m’a laissé ce texte écrit par sa  belle-fille Nadette et qui a été lu durant la cérémonie religieuse à l’église Saint-Martin.

« Une page vient de se tourner à Alleyras. Marie VINCENT, née PAGE, la centenaire de la commune, s’en est allée paisiblement à la maison de retraite de Brioude. Dire que sa vie fut bien remplie est un doux euphémisme.
Née le 17 juillet 1913 à Freycenet près de Saugues, elle participa aux travaux agricoles avec sa mère et ses grands parents pour pallier l’absence de son père parti à la guerre de 1914-1918 d’où il revint gazé et très affaibli.
Dès son adolescence, elle fut placée comme on disait, et ce fut pour travailler à Chanteuges où elle rencontra un jeune facteur, Baptiste Vincent, qui devint son époux.
Ils arrivèrent à Pont d’Alleyras en 1946.
Hélas, en 1950, Baptiste fut victime d’un accident ferroviaire. Détail navrant, ils étaient parents de six enfants et attendaient le septième.
Les villageois et la famille furent pleins de sollicitude mais il fallait aller de l’avant.
Elle empoigna sa canne de marche pour acheminer le courrier vers Vabres, Sanis et Pourcheresse malgré les intempéries et la difficulté du trajet.
Les journées n’étaient pas terminées pour autant : travail à la maison ainsi qu’à l’hôtel Sardier et autres. Il y avait huit bouches à nourrir mais les assiettes ne furent jamais vides. Sans doute dut-elle se priver plus souvent qu’à son tour mais l’amour de ses enfants lui fut un ressort à dépasser les montagnes.
Elle dut aussi vivre de longues périodes d’angoisse pour trois de ses fils partis servir sous les drapeaux en Algérie. Aucun n’a bénéficié d’une mesure de soutien.
Elle eut encore la grande peine de perdre son fils Roger à 38 ans et son gendre Jean-Paul. Après avoir été cruel plus d’une fois, le destin lui réserva toutefois une longue et heureuse arrière-saison qui se poursuivit à Pont d’Alleyras jusqu’à ses 94 ans. Mais ce fut un crève-cœur de quitter son pays d’adoption.
Au soir de sa vie, à la maison de retraite Saint-Dominique à Brioude, elle fut une pensionnaire tenue en estime. Les visites très fréquentes de ses enfants et petits-enfants la revigoraient, sans omettre les bonjours réitérés des compatriotes du Pont qui ne l’avaient pas oubliée. Il faut dire qu’elle ne manquait pas de s’enquérir des nouvelles du village ! Elle avait fait partie si longtemps de la vie de la commune !
Peu préoccupée d’entretenir l’idée que sa vie puisse se prolonger encore, considérant qu’elle avait fait plus que son temps, elle avait abordé sa cent cinquième année avec moins d’allant. Il est des chemins de vie qui empruntent des pentes bien raides. Marie gravit le sien, pas à pas, sans se retourner. Sa seule fierté fut que ses enfants aient une situation et soient propriétaires de leur maison.
La mort n’a pas de sens si elle n’est qu’une fin : Marie VINCENT, un nom qui sonnait franc et clair et qui lui allait bien. Son parcours édifiant aura été une formidable leçon de vie. Elle n’aurait, de toute évidence, pas aimé qu’on la qualifiât ainsi, mais à sa manière, bien loin des trompettes de la notoriété, elle fut une femme d’exception.
Que la terre d’Alleyras, aux côtés de son fils Roger, soit légère à son sommeil éternel. »

Ses petits-enfants ont témoigné de leur grand-mère dans ce message.
Mémé,

Tu étais notre Mémé du Pont. Que de souvenirs nous avons, nous tes petits-enfants, dans ta maison du Pont d’Alleyras !
Des batailles de polochon et d’oreillers pour les plus grands, les jeux dans les wagonnets et la vieille draisine derrière la gare pour les autres, les bottes de foin dans le vieux bal près du château d’eau pour les plus jeunes.
Nous n’avons pas oublié les grandes tablées les jours de vogue avec les pommes de terre au four que toi seule savais faire aussi bonnes; sans oublier le civet de lapin qui embaumait jusque dans la rue et qui faisait dire aux passants : »ça sent bon chez vous madame Vincent. »
Et que dire des succulentes tartes aux pommes !
Malgré toutes les épreuves endurées, tu n’étais pas une personne triste, tu aimais plaisanter et rire et même prendre parfois des fous-rires avec nous.
L’été, tous ensemble, c’était baignade tous les jours, avec notre bateau gonflable, nous descendions l’Allier depuis la Varenne jusqu’au Pont où nos pères venaient nous récupérer – jusqu’au jour où le bateau s’est crevé !
Et l’hiver, les parties de luge au Pasturaou et dans le pré de Favier.
Merci du fond du cœur, Mémé du Pont, pour tout ce que tu nous a donné et apporté, ce n’était pas les gros cadeaux pour Noël ou les anniversaires mais c’était tellement mieux !
Nous, tes petits-enfants, nous ne t’oublierons jamais ! »

Décembre 2017

 

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Une réponse à Madame Vincent

  1. Danielle Rodde dit :

    Merci, Viviane, de nous rapporter ce touchant hommage à madame Vincent, fait pas ses proches lors de ses obsèques. Tous ceux de notre génération dans la commune d’Alleyras se souviennent de l’image de cette femme devant sa maison au Pont. Son courage, en toute discrétion, face aux aléas de sa longue vie , mérite bien qu’on le souligne et qu’on le rappelle encore et encore. Ne l’oublions pas. Condoléances à tous les membres de sa famille et en particulier à Marie-France et Dédée que je connais le plus.

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