Les vacances paysannes de Daniel Auteuil

Article paru dans La Haute-Loire secrète,hors-série L’Éveil, novembre 2017.

Vous le reconnaissez au volant ? Peu de gens le savent mais l’acteur mythique dans Jean de Florette a sûrement appris à jouer son rôle d’Ugolin au Bouchet-Saint-Nicolas où il passait ses vacances, comme le raconte Nathalie Courtial.

« Voilà, y’a le papa Auteuil là, déjà ! ». Baptiste Forestier pointe du doigt l’adolescent qui pose sur son tracteur, dans les années 60, avant d’extraire de la pochette où il conserve tous les articles de journaux sur la carrière du comédien, une autre photo. Sur celle-ci, Auteuil père, Henri de son prénom, entouré de Baptiste Arsac, garde champêtre et deux paysans venus prêter main forte, Albert Valette et Bertin Chateauneuf. L’adolescence estivale du comédien…

Baptiste Forestier a 26 ans quand les parents de Daniel Auteuil, Henri et Yvonne, s’installent dans la maison d’à côté, en face de la petite église du Bouchet-Saint-Nicolas, entre les Forestier d’un côté et les Arsac de l’autre.
La famille Auteuil a acheté cette maison vers 1967. Leur fils unique, Daniel, a autour de 17 ans. La famille réside en Avignon, le couple travaille dans le milieu du théâtre. Il connaît la région pur être venu en villégiature dans les environs de Cayres, où la sœur d’Yvonne Auteuil possède une maison. Les Auteuil tissent rapidement des liens  avec leur voisinage. « Des gens très simples » qui ne font pas de chichis et se coulent comme dans un moule dans la vie du petit village du plateau. Ils vont voir saigner le cochon, sont invités à un mariage…
« On les voyait tous les jours, ils venaient passer tous leurs étés au Bouchet. Son père discutait beaucoup avec le mien, c’était le maire », se souvient Baptiste Forestier.
Henri Auteuil, toujours en blanc et pipe en coin, Yvonne qui déteste les photos, l’Opel Kadett bleue, le Saint Bernard et Daniel, très intéressé par la vie à la campagne. « Comme on était voisin, Daniel venait souvent chez moi garder les vaches, avec son béret et sa cape; après il me suivait à l’étable. Parfois, on allait aux champignons » s’amuse Baptiste. Une jeunesse paysanne qui éclaire en partie sa magistrale interprétation d’Ugolin.

« Ça ne m’étonne pas que Daniel joue si bien le paysan  ! »
« Galinette, Galinette ! Ah ! C’est mon préféré ! » lance Baptiste Forestier. Daniel Auteuil a décroché deux César du meilleur acteur pour son rôle d’Ugolin, dans les films Jean de Florette et Manon des souces de Claude Berri, d’après les romans de Marcel Pagnol; grâce à eux, il connaît sa consécration. Son interprétation du personnage du neveu du Papet incarné par Yves Montand reste dans toutes les mémoires du Bouchet-Saint-Nicolas.
Bien sûr, on est loin de la Provence et de ses cigales sur le plateau du Dev
ès et Le Bouchet n’a rien à voir avec les Bastides Blanches. Si la dureté du monde paysan a raison de Jean de Florette bien plus que l’aridité de la terre, la solidarité est de mise ici, , à 1.228 mètres d’altitude.
Dans ce pays rude, l’étranger est le bienvenu; en témoignent les liens tissés avec les Auteuil.
Par ces mêmes photos surannées trônent en bonne place sur un buffet d’époque, dans cette petite maison de Pradelles, celle de Bernadette Soulier.  En la regardant, les souvenirs affluent à la mémoire de la fille de Baptiste Arsac.
« Quand ils arrivaient, sa mère venait faire un tour à la cuisine. Elle disait à ma mère : « Qu’est-ce que t’as préparé à manger ? » « Eh bien goûtez ! » lui répondait ma mère. « Je viens avec la casserole » lui lançait-elle.
Bernadette Soulier en rit encore. « Avec moi, c’était des « ma cocotte », « ma chérie ».
C’étaient des gens très simples. Lui fumait sa pipe, assis sur un ballot de paille en discutant avec ma mère qui faisait la traite.
Il s’occupait des décors. Elle était costumière et me disait « crois-moi j’en ai habillé de monde »! « Tout leur plaisait ici. »
En vacances, les amours adolescentes mûrissaient comme les blés au soleil et le jeune Auteuil n’a d’yeux que pour sa petite voisine, Aimée, l’une des filles des Arsac, la soeur de Bernadette et Noël.

« Il voulait déjà être comédien »
« Il imitait Mireille Mathieu comme il était d’Avignon ! On riait beaucoup. Il était très gentil et très serviable. Je me souviens qu’il voulait être comédien. »
La jeune Aimée n’est pas insensible à son charme méridional et à son humour.
Mais l’amourette tourne court, une semaine tout au plus. Un flirt d’été qui a renforcé l’amitié du comédien pour la jeune fille et sa famille. Quand Aimée meurt, à l’âge de 27 ans, en juin 1978, Daniel Auteuil, alors en plein tournage à l’autre bout de la France, plaque tout pour assister à l’enterrement à Pradelles. « Je ne l’ai jamais revu », regrette Bernadette Soulier.
Entre-temps, la jeune comédienne Anne Jousset, encore inconnue, loue une maison à deux pas de celle des Auteuil. Daniel est amoureux. Le couple se donne la réplique aux côtés de Gérard Jugnot dans Les héros n’ont pas froid aux oreilles.
L’acteur l’épouse en 1978 et la quitte en 1984 pour une autre comédienne, Emmanuelle Béart.
Les Auteuil vendront la maison du Bouchet pour construire en Avignon.
Depuis leur mort, Bernadette Soulier n’a plus de contact avec la famille, mais elle reste convaincue que « Le Bouchet compte pour Dany ». Après tout, Daniel Auteuil n’a-t-il pas affirmé à Alain Paillard venu l’applaudir à Paris qu’il « n’a oublié personne » ?

Mars 2018

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