Le ramassage des pommes de terre

Mon ami Gilbert H. m’a récemment dit que la municipalité de mon village allait vendre le camping municipal de La Varenne à la communauté de communes de Cayres-Pradelle. Vendre ou plutôt brader ? Je crains la réponse.
Car les élus ne savent pas vraiment la déchirure qu’avait provoquée l’expropriation de leurs terrains aux petits propriétaires du village. J’étais bien jeune mais me souviens de leur détresse, leur impuissance, leur abnégation et de leur rancune à l’égard de ceux qui les dépossédaient de force de ces terres fertiles. Moi, je n’ai pas oublié… D’ailleurs, je ne vais quasiment plus dans cet endroit, objet de la spoliation de gens que j’aimais. Ils avaient mis leur force de travail et leur cœur dans leurs sols de La Varenne.

Un deuil de plus à faire que cette vente du village de vacances de Pont d’Alleyras projetée ! Mais les gens qui ne sont pas nés et n’ont pas grandi sur ces terres s’en foutent; mes états d’âme leur sont totalement indifférents. Les seuls à compatir sont souvent quelques gens implantés, touristes, néo-ruraux, nouveaux.
Cette Varenne m’avait bien occupée avant cette saleté d’expropriation.
Mon oncle André et moi prenions le chemin qui y menait avec le char que tiraient Perle et Bretonne. Ce chemin partageait les terrains de droite plus proches de l’Allier de ceux de gauche où se trouvent Montfaucon et son château d’eau. Dans une partie du  champ de gauche, nous plantions des pommes de terre. Je m’en souviens bien. Ce travail a concouru à me forger une âme de paysanne, de future jardinière, inculquant à mon tour ce goût de la terre à ma famille. Quand tout fout le camp, reste la culture. Merci à André et Victorine de m’avoir enseigné  ce savoir précieux ! Voici un exemple de ces souvenirs…

Si octobre datait la rentrée de l’école, c’était aussi le temps de ramasser les patates.
A demi plié, mon oncle arrachait les tubercules en enfonçant dans la terre du champ de La Varenne sa fourche-bêche puis il les reposait sur cette glèbe. Je les triais alors par catégorie et faisais trois tas que je laissais sur le terrain fin qu’elle se ressuyassent : les grosses, les moyennes, les petites. Les premières étaient destinées à notre consommation, les secondes à la future semence et les troisièmes aux animaux, cochon et volaille que Victorine élevait. Elle les ferait cuire dans la chaudière à cet effet.
Nous ne devions pas les laisser longtemps à l’air libre car elles risqueraient de verdir sous la lumière,  les rayons du soleil concourant à les rendre impropres à la consommation en raison de la solanine, un glycol-alcaloïde toxique.
Le lendemain, elles avaient un peu séché à l’air, mon oncle attelait les deux vaches au char chargé de grands sacs de toile de jute que nous remplissions de la récolte. Arrivés à la maison, on s’empressait de les vider à la cave, dans le noir, où les pommes de terre se conserveraient jusqu’à l’année suivante.
Dans la famille, nous plantions des BF15 et des Bintje.
Aujourd’hui, mon mari plante des pommes de terre et en est même un adepte de leur culture. Yann et Alice en ont beaucoup récoltées mais elles avaient été endommagées par les taupins. Il n’y en avait pas à La Varenne.

Septembre 2018

 

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