L’éternel chat

Félin dit domestique à tort, cet animal familier reste un étranger pour les humains. Le chat conserve sa part de mystère, son indépendance forcenée, son rythme de vie tout à fait différent de celui de ses maîtres.
Un de nos chats vient ronronner, se frotter contre mes jambes, se blottir contre moi et l’instant d’après, il stoppe soudain ce  câlinage pour partir, dédaigneux et indifférent, sans jeter le moindre regard derrière lui. Il a plus urgent et important à faire et peut sans ménagement, me donner un petit coup de griffe pour mettre fin à mes minauderies.
Il aime le confort que lui procure notre domicile, étrange petit animal qui vit surtout la nuit, qui chasse relativement peu, qui vide sa litière par des pétarades bruyantes.
Il a vraiment peu de points communs avec ses hôtes hormis  le moelleux, le douillet, la douceur d’un logement huppé. Il a les goûts de luxe des grands bourgeois.
Comme tous ceux de son espèce, le chat éprouve le désir de s’encanailler.  Régulièrement, il prend la poudre d’escampette pour s’en aller courir la souris ou le petit gibier. Mais par-dessus tout, il adore courir le jupon près des gouttières et faire la cour aux minettes grimpées sur les toits. Il s’abandonne alors dans les nuits orgiaques de son sabbat.
Éreinté, rompu, le poil en bataille, parfumé de senteurs félines, l’innocent revient au bercail avec les yeux sournois de celui qui voudrait qu’on lui donne le Bon Dieu sans confession. S’il devait raconter ses débauches nocturnes, ses hôtes en seraient outrés.
L’imposteur file aussitôt s’affaler sur un fauteuil rembourré ou sur un coussin moelleux et récupère de sa nuit de turpitudes, impassible à l’agitation de la maison. Il rêvera à ses conquêtes, reprendra des forces avant de reprendre la clé des champs à la première occasion venue.
Ne nous y trompons pas, le greffier n’est ni dissimulateur ni hypocrite, il adopte simplement le comportement que nous lui édictons. Il se conforme à vivre sa vie de chat, seigneur en pantoufle dans son chez lui. Par contre, il sera petit fauve dès qu’il franchira la chatière. Il suit la loi de la nature qui régit sa détermination génétique. Confort et dépravation le régissent.
Le greffier est le compagnon des écrivains. Il se pose sur leurs genoux ou sur leur bureau. Leur attirance n’est pas un hasard. Ecrire est un exercice difficile, laborieux et parfois douloureux. L’écrivain doute, cherche, s’interroge, remet sans cesse son ouvrage en question, modifie sa phrase, précise ses mots et ses pensées, remet cent fois le traval sur son métier.
La présence à ses côtés de l’animal silencieux et affectueux paraît le réconforter et lui apporter sérénité et apaisement, peut-être à cause de son calme, sa grâce. Le chat doit se retrouver tranquille près de cette personne assise et pensive, maniant la plume et s’interrompant pour une caresse à la boule de poils. Ce curieux échange reflète la connivence de ces insolites couples.
Le chat se comporte en être libre de penser, bouger et vivre sans aucune contrainte ; il n’a ni Dieu ni maître. C’est sans doute une raison pour laquelle je l’apprécie. Il mène sa vie, se moque des convenances, des conventions, des bonnes manières. La démarche fière, la queue dressée, il taille sa route à sa guise. Il fait fi de toute contrainte et se rebelle en ce cas. L’homme n’a pas réussi à modifier sa nature.
Il mérite bien cet hommage.

Juillet 2019

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