C’était dans les années 1950-1960 !
À l’époque, aller à l’épicerie constituait un intermède quasi incontournable sur le chemin de l’école ou le jeudi avant une virée sur les chemins, les prés et les bois. Avec mes copines et copains, Gilbert, Roger, Dédé, Pierrette et Danielle, j’y faisais provision de confiseries avec mon argent de poche, quelques francs ou centimes glanés en récompense d’une bonne note ou le plus souvent, simple obole de tendresse de mon oncle André.
Je ne dis pas qu’on ne chipait pas malgré tout deux ou trois bonbons avant que Victorine -c’était le nom de l’épicière qui était de surcroît ma grand-mère-, alertée par la clochette qui tintinnabulait à la porte, ne sortît de sa cuisine.
Qui sait si elle ne nous accordait pas quelques secondes d’attente pour commettre notre menu larcin ! À tout le moins, pouvions –nous préciser notre choix, en passant en revue des yeux, les bocaux bourrés de friandises posés sur le comptoir.
On y voyait des rouleaux de réglisse aux rubans enroulés comme des escargots et décorés en leur cœur d’une perle de couleur dragéifiée, des boîtes rondes de cachou Lajaunie, des boîtes en hosties remplies de réglisse qui s’appelaient Coco boer, des coquillages roudoudous, ces fameux roudoudous, des sachets de Mistral gagnant dont on aspirait la poudre avec une paille, des car-en-sacs, petits sachets de bonbons multicolores en forme de gélules, des caramels à un franc, des carambars, des sucettes Pierrot Gourmand, des sachets de petits pois au lard, des bâtons de guimauve, des bâtons de chocolat praliné Malakoff…….
J’oubliais les célèbres malabars roses de la société Kréma, enveloppés dans du papier glacé à l’effigie d’un célèbre blondinet aux biceps bien dessinés. Avec eux, les plus doués dépassaient des records lors des concours de bulles dans les cours de récréations. Parfois, ces bulles trop gonflées, éclataient sur nos visages dépités, collant sur la peau !
Le succès de ce chewing-gum rose tenait aussi aux vignettes à l’intérieur de l’emballage, présentant les décalcomanies et les devinettes « le saviez-vous » qui nous fournissaient des rudiments d’érudition.
Souvent, j’aidais ma grand-mère à l’épicerie ; elle me donnait parfois une petite boîte de Coco Boer à l’hostie de la couleur de mon choix qui renfermait une poudre de réglisse jaune ocre. Alors, après avoir mouillé mon index, je le trempais dans la poudre puis je le suçais.
Dans mon enfance, il y avait aussi des friandises appelées têtes de nègre que les gamins mangeaient sans pour autant verser dans le cannibalisme. Ovales et plates, hautes de deux centimètres et faites de réglisse, elles présentaient sur une des deux faces, la tête stylisée d’un noir. Un vieux relent de colonialisme dans la réglisse que les adultes ne dénonçaient pas !
Mais, le roudoudou, c’était quelque chose ! Du sucre cuit, coloré et parfumé coulé dans un vrai coquillage de praire !
Je le léchais avec délice au point que ma langue et mes lèvres prissent la teinte du colorant. Je me rappelle qu’il ne coûtait qu’environ cinq à dix centimes.
La saveur menthe se retrouvait dans les pastilles Vichy, les pastilles à la menthe, les mini gommes vertes triangulaires enrobées de sucre, les bonbons durs à la menthe claire de la pie qui chante.
Victorine, elle, était adepte de ceux à la sève des pins des Vosges et de ceux au miel fabriqués par quelques moines. Mon oncle préférait les pastilles Pulmoll censées apaiser la gorge irritée.
Quand j’étais une enfant, la vie était simple : c’était un bonbon qu’on laissait fondre dans la bouche, doucement,
en le suçant longuement…
Octobre 2020