La terre nue au soleil

J’ai lu cet article très intéressant signé Gérald Cabut  dans le numéro 32 du magazine trimestriel altiligérien STRADA : strada-dici.com

Une fois les cultures récoltées, l’œil du promeneur, pendant des semaines et parfois tout l’hiver, se pose sur une terre souvent complètement nue au soleil, aux pluies, aux vents. « Mauvaises herbes » et autres prairies n’y poussent presque plus, sans que les causes d’une telle nudité n’inquiètent trop, hélas…
Le curieux regardant par-dessus le mur du jardin voit souvent le même spectacle, une friche presque vide, désolée, exhibée fièrement comme le travail de l’homme dominant la nature à son profit.
Si ces terres ne bronzent pas, ce n’est pas à cause de l’ombre des arbres, soldats ennemis abattus comme à Verdun.
Que deviennent ces monstres de branches, feuilles et racines ? Jetés à la benne. Au mieux on les broie, souvent on les brûle comme Carnaval en février, en sautant de joie.
Tout autour les prairies artificielles restent vertes, mais uniformes, oui comme un uniforme vert monochrome.
La nature nous joue de drôles de tours. Dame Météo est venue tout l’hiver darder ses UV, finissant par faire reverdir des terres fatiguées qu’on croyait éteintes. Ces éruptions inquiétantes, capricieuses, qui nous échappent, vont bientôt attirer la colossale Panzer-division des charrues, tondeuses, motoculteurs, bêches, travaillant à remettre les choses dans leur ordre et… retourner la terre à l’envers !
Mais des hommes sont de plus en plus nombreux à en être aussi tout retournés, et eux s’en vont au contraire fouler le sol riche des forêts et feuillus toujours couvert, qui s’enfonce et craque joyeusement sous leurs pas; où grouillent insectes, bactéries, champignons et vers de terre; où la vie et la nourriture ne seront pas remplacées par la chimie guerrière; où la terre ne disparaît pas dans les ruisseaux; où l’avenir, non pas de la planète, mais des animaux humains puise l’espoir d’un renouveau.
Ils se souviennent : jusque dans les années 80, les pare-brise des voitures ayant roulé un peu dans la nuit étaient recouverts d’insectes morts, ce n’est plus qu’un souvenir. Nos champs et jardins, au contraire de la forêt, n’hébergent plus ni la foule qui pullulait alors, des champignons, des bactéries, des vers, des insectes et des oiseaux, ni même… les paysans ! On parle de sixième grande extension…
Mais, surprise, sortant des forêts inspiratrices, jetant bêches et charrues aux oubliettes, des fous (c’est ainsi que l’on nomme les esprits éclairés) se sont mis à réparer les dégâts. D’abord ils parent au plus pressé en recouvrant ces sols nus de toutes sortes de déchets organiques, feuilles, pailles, ce qu’on appelle « le mulch », ou parfois de cartons, de plastiques pour semer des plantes tapissantes qui prennent la relève.
Puis ils transforment jardins et terres en oasis multicolores et parfois sauvages où légumes, fleurs, arbustes et arbres se mêlent pour mieux tromper leurs ennemis. Ici, pas de tranchées, pas d’explosifs recyclés en engrais, pas d’insecticides, la mort n’a pas sa place. Assez vite, la terre mère, protégée, répondant à l’appel des sept étages de la forêt nourricière, retrouve ses richesses minérales, sa faune, sa flore, ses champignons (mycorhizes), ses vers et insectes, auxiliaires gratuits jour et nuit, pour créer une culture permanente, durable et abondante. La pratique du semis direct sous couvert se épand : en automne on sème des légumineuses qui protègent le sol, lui servent d’engrais vert en fournissant l’azote, et qui, une fois écrasées et laissées sur place permettent de semer sans labour. L’arbre, revenant au milieu des cultures, les fait bénéficier de son écosystème étonnant.
Partout surgissent des expériences stupéfiantes, comme l’incroyable jardin de Mouscron en Belgique, ou la ferme impressionnante de Sepp Holzer en Autriche, deux exemples phares faciles à découvrir sur Internet ! https://www.youtube.com/watch?v=P831hBMJB_w
En Velay, particuliers, jardiniers, associations, comme Et pourquoi pas à Brassac  http://www.etpourquoipas43.org/, maraîchers, agriculteurs comme Gebnout à La Chaise Dieu, sont des pionniers traçant l’avenir.
Agroécologie, permaculture, agriculture et semences paysannes, même en résistance, même minoritaires, commencent à nous libérer des fausses habitudes et des injonctions des grands groupes industriels.
L’innovation, la redécouverte de savoirs ancestraux des cinq continents, les nouveaux savoirs d’agronomes dénigrés devenus maintenant des modèles, font germer dans nos jardins, nos terres et nos esprits, une révolution biologique et sociale.
https://www.youtube.com/watch?v=0z8rMdA0Was

Principes d’agroécologie

- On ne retourne pas la terre pour cultiver. On aère seulement sur  huit centimètres, avec douceur, sans perturber les microcosmes de surface et de profondeur, en utilisant par exemple une grelinette. Les compléments de type compost sont déposés en surface ou presque…
- On ne laisse jamais le sol nu. En hiver, on le protège et le nourrit avec des feuilles, de la paille, des déchets végétaux appelés mulch, ou mieux en utilisant les propriétés des légumineuses et plantes tapissantes. Mais aussi toute l’année par la variété et la juxtaposition des cultures, fleurs, arbustes, etc., qu’on peut compléter comme en hiver dans les espaces restés « vides ».
- On mélange divers types de légumes, fleurs, arbustes et arbres. Le mélange de culture enrichit la terre, la rend plus productive et la protège des maladies.

Mars 2016

 

 

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Une réponse à La terre nue au soleil

  1. JR dit :

    Pouvez vous me contacter pour avoir le mail de Gerard Cabut qui aimerait discuter avec vous ? Merci

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