Fait d’hiver

https://www.youtube.com/watch?v=tqyJL-5kUWc

Durant mon passage au  foyer d’accueil médicalisé Après, j’avais relaté un fait divers qui était survenu dans le jardin thérapeutique de cette structure. Le voici…

 » Comme tous les lundis, nous arrivons à Après autour de neuf heures du matin. A ce moment là, un rituel nous réunit : une poignée de main amicale qu’accompagne un tonitruant « bonjour » . Une tasse de café suit ces retrouvailles. Puis fusent les petits dialogues dévolus à la fonction phatique du langage :  » Tu as passé un bon week-end ? » « Alors, ça va bien ? » « Et toi ? »
9 heures 30 viennent; il est temps pour chacun de vaquer à ses activités que déroule le tableau journalier affiché. Or, ce jour là, nous sommes précisément le 13 octobre 2008, fête de la Saint Géraud. Serge Guégan et moi débutons la semaine par le jardin; Serge m’annonce que nous allons récolter les radis noirs et les betteraves coccinelles, ainsi baptisées par Manu à cause de leurs circonvolutions alternativement  rouges et blanches.
Munis de caisses vides, nous nous rendons dans la cabane du jardin pour enfiler nos bottes et prendre des bêches. C’est alors que nous entrons dans la partie gauche du jardin. A cet instant précis, fatidique, percutant et irréel à la fois, une scène antédiluvienne nous saisit : devant nos yeux, le terrain semble avoir subi les assauts d’une horde d’êtres déchaînés ! Mais que s’est-il passé ? Les choux sont amputés, les blettes paraissent des squelettes agitant leurs moignons, le sol ressemble à un champ de mines, les piquets gisent à terre. C’est Verdun !
Notre regard poursuit son champ : les arbres que nous avons greffés ne sont pas cassés, nous avons de la chance. Enfin, nous identifions les premiers indices : un gros tas de merde fraîche dans l’allée.
Il n s’agit pas des gamins des Gouspins qui se sont déjà livrés à un petit carnage début septembre : ils avaient écrasé nos tomates sur les murs comme s’il s’était agi d’un étal de boucherie et saccagé nos courgettes. Mais des merdes pareilles, c’est impossible ! Car ce sont d’authentiques bouses de vaches bien étalées. Alors, nous allons voir quels sont les dégâts de l’autre côté. C’est la même chose avec en plus de gros crottins de chevaux. Serge et moi, un peu sonnés, partons en référer à la directrice. Tous trois décidons d’aller un peu plus haut à la rencontre de l’éventuel propriétaire des animaux. Il est absent.
Cependant, nous croisons une voiture de policiers qui écoutent nos jérémiades et nous accompagnent sur les lieux du délit pour se rendre compte des dommages. Ensuite, ils nous quittent en nous promettant de diligenter une enquête très vite. Le soir même, c’était chose faite.
Le propriétaire était identifié, il s’est rendu sur les lieux et s’est entretenu avec notre directrice et Serge. Il a proposé de dédommager les dégâts, à savoir : choux bios que nous avions réservés à notre choucroute de Noël, côtes de blettes bios multicolores que nous devions préparer et cuisiner lors de l’atelier cuisine qu’anime Françoise, épis de maïs multicolores (portant des grains de couleur rouge et noire),  salades rares broutées, cyclanthères perdus dont nous nous ne pourrons pas récolter les graines ni donc les ressemer.
Car notre jardin produit ses propres graines puisque nous prenons grand soin de laisser un plant de chaque variété monter en graines. Le propriétaire des vaches nous propose deux remorques de fumier et nous conseille aussi de clôturer notre jardin. Ben, tiens ! Qui est le responsable ? Celui dont les vaches s’évadent de leur pré par une clôture défectueuse ou celui qui souhaite faire de son jardin un espace ouvert et libre, d’autant plus que beaucoup de ses familiers se délacent en fauteuil roulant ?
Enfin, est-on bien certain que ce monsieur n’a jamais laissé divaguer son bétail par le passé ? Et son fumier est-il exempt d’ensilage et d’antibiotiques et suffisamment décomposé, sinon du compost serait préférable ? Manu m’a déclaré qu’une cuisse de vache ferait un dédommagement honorable, Serge est circonspect et moi-même je n’ai pas confiance car ce monsieur ne nous a à aucun moment avertis de l’événement sauf après que les policiers l’en aient avisé.
C’était un fait qui nous annonçait un futur temps d’hiver. Heureusement, il este les potirons bleus de Hongrie et les courges Olives pour Noël. »

Juillet 2o14

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