Intermèdes professionnels estudiantins

Sous-titre : Que n’ai-je pu faire pour (perdre ma vie) à la gagner ?

Mon année de lycée en première A (latin –grec) était finie. Nous étions en juin 1969, un an après le célèbre mai 68. Le vent de la révolte jeuniste agitait toujours l’atmosphère… C’était l’époque des pantalons pattes d’éléphant que portait sous une longue gabardine ma copine et homonyme Viviane C., de la mode des tenues contrastées manteaux longs – jupes courtes. Je portais moi-même des jupes kilts écossaises et courtes. Nous venions toutes d’eux de fêter nos dix sept ans. En rébellion contre nos mères respectives, nous avions décidé pour échapper à leur joug de trouver un emploi durant les vacances qui allaient commencer. A l’époque, le travail était abondant et nous savions que nous trouverions facilement un job estival. Nous pourrions ainsi louer une chambre meublée et mener la vie que nous souhaitions durant juillet. A nous la liberté !
C’est comme ça que nous avons atterri chez S.I.D.E.M., une usine de tanneries du Puy qui employait à l’époque de nombreuses personnes.
Mon poste était au dégratonnage, occupé quelques années auparavant par une copine, Betty Magne, qui m’a ravivé des souvenirs de cette petite épopée : il s’agissait de gratter avec du papier de verre les petits amas de peinture laissés par les pistolets automatiques projetant celle-ci lors du passage des peaux sur le tapis roulant de la chaîne. Je devais enlever ces gratons pour rendre lisses les peaux. Gratter, gratter et encore gratter, tel fut mon viatique en ce début de vacances et de liberté ! Une fois chaque pièce grattée et dénuée de toute aspérité, je la suspendais à califourchon sur une barre de fer à la manière dont on suspend le linge. Comme je me trouvais près de l’atelier de peinture, il m’avait été recommandé de boire du lait. Or, il se trouve que je n’apprécie pas du tout, mais alors pas du tout ce breuvage !

Le vacarme assez assourdissant des machines rendait silencieux les ouvriers. Les émanations de peintures empuantissaient l’atmosphère.
Le contremaître qui ne voyait que nous étions jeunes et sans nous vanter plutôt jolies filles utilisaient toutes sortes de prétextes pour venir nous conter fleurette. Peine perdue : nous le trouvions vieux et moche !
Peu après, j’ai été mutée à un autre poste rue des Capucins où il fallait vernir les peaux. Cet été là, nous avons fait du stop, des rencontres, nous nous sentions devenir adultes, nous avions la vie devant nous.
Deux ans plus tard, alors que j’étais étudiante, j’ai trouvé un job d’été à l’hôpital du Puy dans un service de chirurgie. Je remplaçais une dame le temps de ses vacances. Je devais faire le ménage, servir les repas, faire les lits, aider les patients qui le sollicitaient. J’ai su tout de suite que je ne ferais jamais soignante, que le milieu hospitalier dépourvu de toute fantaisie m’était étranger et ce sentiment ne s’est jamais départi.

Paru dans Hurluberlu n° 14, printemps 2014

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