Iles de la Société
La première saison de mon suis arrivée à Raiatea a connu trois cyclones qui m’ont mise dans le bain météorologique d’une île tropicale. Au cours de cette saison cyclonique 1997-98, ces îles de la Société ont connu d’intenses épisodes climatiques.
En novembre 1997, les trois atolls de Manuae, Mopelia et Bellingshausen ou Motu One (où une famille entière fut emportée) furent balayés par le cyclone Martin.
Maupiti se trouva dans l’œil du cyclone Osea le 25 novembre 1997 puis dans celui d’Alan en avril 1998 où de violentes rafales détruisirent embarcations, habitations, bâtiments publics et commerciaux. L’épisode de 1997-98 fut de forte intensité et de nombreux auteurs le comparent à celui de 1982-83, cependant on ne peut ainsi dire que l’un l’emporte sur l’autre. La seule conclusion est qu’une succession à seulement quatorze ans d’intervalle de deux épisodes classés tous deux dans la catégorie de force exceptionnelle pose le problème de l’origine de cet excès d’énergie .
Les dommages enregistrés sur les îles hautes de la Société dont celle de Raiatea où j’habitais ne furent pas causés par la mer, mais associés aux effets induits des vents et des fortes précipitations. En effet, si la plaine côtière est vulnérable aux submersions marines, la barrière corallienne et le lagon jouent un rôle protecteur primordial en amortissant les houles. Les destructions importantes sur les îles hautes proviennent ainsi moins de la mer que des vents et des précipitations entraînant des crues et des glissements de terrain dus aux ruissellements des pluies de convection sur les reliefs. Ce furent surtout les conditions orographiques qui entraînent des effets secondaires accompagnant ou suivant des précipitations diluviennes. Les précipitations purent notamment causer de grands glissements de terrain, tels ceux engendrés par Alan aux Îles sous le Vent les 24 et 25 avril 1998 (ils feront six morts sur l’île de Tahaa).
Cependant, les cyclones les plus forts qui ont affecté, en 1982-83 et 1997-98, les îles hautes de la Société, et particulièrement Tahiti, n’ont pas engendré de crues exceptionnelles. La Papenoo, principale rivière tahitienne, a habituellement un débit moyen annuel de 11 m3/s. Les crues observées au cours de la saison 1996-97 n’ont, quant à elles, pas dépassé les 250 m3/s et n’ont induit que des débordements mineurs. Cent soixante cinq maisons furent ainsi endommagées à Papeete, 124 à Moorea et plus d’une quarantaine à Huahine, Raiatea et Tahaa. Les vents sont amplifiés par les reliefs, s’engouffrent dans les vallées et dévalent les pentes
Le récit qui suit relate des événements vécus dans l’œil du cyclone par un témoin digne de foi qui a subi le déchaînement des éléments naturels.
« Les vents de secteur est-nord-est commencent à se renforcer à partir de 14h30 et deviennent violents aux environs de 16h. Puis, vers 16h30, alors que l’on devine des trous de ciel bleu au travers d’un voile de cirrus, le vent faiblit brutalement.
Après une accalmie de quelques dizaines de minutes, le scénario infernal reprend. Le vent se renforce aussi rapidement qu’il avait faibli. Il souffle alors pendant une vingtaine de minutes avec une violence inouïe, venant cette fois du secteur ouest-nord-ouest. A ce moment, les rafales dépassent probablement 200 km/h! Des objets de toutes sortes sont soulevés et projetés au loin : feuilles et branches d’arbres, palmes de cocotiers, tôles métalliques, planches et autres projectiles de toutes sortes.
La violence des précipitations auxquelles il faut ajouter les embruns s’échappant d’un lagon déchaîné nous empêchent d’y voir à plus de quelques mètres. Le bruit est impressionnant.
Puis, progressivement, le vent s’atténue tout en s’orientant au sud-ouest. En mer, des vagues énormes déferlent le long du récif et submergent le platier avant de venir s’échouer sur les galets. Le spectacle que l’on observe alors est impressionnant : les arbres sont complètement dénudés, nombre de cocotiers ont perdu leur palmes, d’autres sont déracinés ou cassés par le milieu. Les noix de coco sont hérissées de toutes sortes de débris projetés par le vent! Des citernes d’eau, des appareils ménagers, des bateaux de plaisance sont déplacés sur des dizaines de mètres et enchevêtrés les uns dans les autres. Dans les hauts fonds du lagon qui relie l’île à un motu, une longue tranchée de plusieurs mètres de large est apparue. »
Sur l’île, une route côtière faisait le tour sur une soixantaine de kilomètres. Elle sépare les adresses et les lieux en côté mer et côté montagne.
https://www.youtube.com/watch?v=r0myNT44vKg
https://www.youtube.com/watch?v=OWHf4Ol7Dk0
Avril 2016