Histoire de l’hôpital Sainte-Marie du Puy-en-Velay

Patrimoine Auvergnat: Hopital Ste Marie au Puy en Velay
Issu d’un ménage de pauvres agriculteurs du Vivarais, Joseph Chiron naquit en 1797 à Bourg-Saint-Andéol, en pleine période révolutionnaire, et fut baptisé par un prêtre insermenté landestin; prêtre lui-même en 1823, il choisit la plus pauvre des trois paroisses qui lui furent proposées, Saint-Martin-l’Inférieur en Ardèche. A peine installé, il rassembla neuf jeunes filles de sa paroisse, issues de familles démunies, dont Adélaïde Bernard (plus tard la mère Agnès, première supérieure) pour une vie de jeûne et de silence, bientôt suivies par douze autres, puis une quarantaine. Un petit local acheté à crédit permit la fondation d’une congrégation dès 1825. Cette petite communauté exaltée mourait littéralement de faim.
Le père Chiron croisa la route des Pères de la communauté de Saint-Jean de Dieu, installés par le Père Paul de Magallon à SaintAlban-sur-Limagnole en Lozère et voués au service des aliénés. les Pères venaient quêter pour une nouvelle installation à Lyon : les filles y trouvèrent un emploi. Désormais, elles se donnèrent pour règle, en servant « les malades les plus déshérités de ce monde », de « recueillir les gouttes du Sang précieux que J.C. répandit au Calvaire et, par leurs travaux, de l’appliquer au salut des âmes ».
En janvier 1827, le département de l’Ardèche confia en plus au Père Chiron l’aumônerie de la prison de privas. Il installa les sœurs à l’infirmerie, puis mit à part les aliénés, et, dans un local séparé, les femmes aliénées du département. Les sœurs assuraient les soins et quêtaient des ressources.
En 1836, l’abbé de Saint-Pierre-des- Minimes à Clermont-Ferrand les fit créer l’hôpital Sainte-Marie de l’Assomption dans cette vile. Le 18 juin 1838, le Père Chiron obtint de la hiérarchie d’Église une reconnaissance officielle avec l’autorisation de suivre les règles des religieuses réformées de la Miséricorde de Jésus de l’ordre de saint Augustin.
En 1842, on fonda à la Celette, dans la Creuse, un asile pour les aliénés hommes avec des infirmiers qui devinrent frères de Sainte-Marie de l’Assomption.
A ce moment, cette « Œuvre de Sainte-Marie » regroupait des hommes, autour du Père Aymard Bal dit frère Jean-Marie, surtout pour la direction des âmes, tandis que les femmes, regroupées en une société civile tontinière, assuraient le matériel; aux trois établissements de Privas, Clermont et la Creuse (la Celette) s’ajouta en juin 1852 la fondation du Puy par deux religieuses de Clermont, avec 228 francs et pas de quoi payer la caution pour l’autorisation d’ouverture.
Car il n’existait alors en Haute-Loire que des loges dans les hospices et, pour les dangereux, la prison mais une loi du 30 juin 1838 imposait un asile par département; la préfecture de la Haute-Loire intervint dans la fondation pour 80 pensionnaires, et une commission de surveillance rassembla sous l’autorité du préfet différents patronages.
Dès 1852, le Père Bal traita avec la Loire pour recevoir les femmes de ce département; en 1910, Montredon, le site du Puy, prit à nouveau en charge les femmes du sud du département de la Loire, par convention; il fallut attendre 1971 pour que la Loire crée son propre asile En attendant, dès 1853 en Haute-Loire, on fit revenir les femmes originaires du département placées à Saint-Alban en Lozère, et les hommes, d’Aurillac dans le Cantal.
En 1872, on était en mesure de séparer les agités, les tranquilles et les pensionnaires.
Une chapelle néogothique vint marquer le centre de la façade, surplombant l’entrée : elle était achevée en 1897, on la décora de vitraux d’Adrien Baratte, vitrailler à, Clermont-Ferrand; la clôture entre hommes et femmes y était observée grâce à une haute cloison.
En 1899, l’architecte Achille Proy construisit le pavillon Sainte-Philomène. En 1934, vint s’adjoindre un pavillon Sainte-Claire (à présent Sainte-Anne), en 1935, Sainte-Bernadette. Peu à peu, on parvint à écarter les locaux agricoles. Cependant, l’espace habitable, les commodités, les installations sanitaires furent toujours insuffisantes, car en un siècle l’effectif s’était multiplié par quinze.
Un règlement intérieur de 1866 prévoyait une coupe de cheveux par mois, un bain ou une douche par semaine, des repas copieux, adaptés aux classes de pensionnaires. La charité interférait assez souvent avec les règles financières, à cause du secours aux missions d’Afrique et autres œuvres étrangères à la vocation stricto sensu de l’établissement.
Principe des soins : « traitement moral » poursuivi par le médecin sur le long terme; travail systématique (avec constitution d’un pécule); exercices religieux, clé du système thérapeutique, source de « merveilleux progrès », même si les aliénés n’étaient admis aux offices qu’avec autorisation du médecin-chef; soins aux malades prévalant sur les devoirs religieux des sœurs; isolement de l’extérieur, à grand renfort de grilles et de barreaux, limitation des visites et des parloirs, stricte séparation des sexes; silence imposé, coercition et discipline.
La Première Guerre mondiale vit installer à Montredon un hôpital militaire de 110 lits pour les blessés de guerre et prisonniers allemands.
L’œuvre de Sainte-Marie avait ouvert une nouvelle maison à Nice en 1862, et encore une à Rodez en 1931. En 1927-1927, les hommes s’étaient regroupés à la Celette en congrégation séparée de Saint-Jean de Dieu.
Au début de la Seconde Guerre mondiale, Montredon était dirigé par la sœur Marie-Pia, dans le siècle Marie-Agnès Fabrègue, le bâtonnier Malzieu à la Commission de surveillance, les docteurs Abrial et de Mourgues. Inspirée, la sœur avait rempli les stocks pour 5 ans en achetant tout un bateau de riz, alors que partout ailleurs, l’oubli du ravitaillement des aliénés les faisait mourir d’inanition. Sa prévoyance lui permit de nourrir un  effectif passé de 1 500 à 2 000 détenus avec les aliénés réfugiés, surtout  de Rouffach et de Châlons-sur-Marne, plus des clandestins, réfractaires, Juifs, résistants.
Les mérites de la sœur Marie-Pia furent officiellement célébrés après-guerre. Mais, dès 1946, Montredon changea d’ère sous l’influence de plusieurs facteurs et la pression de l’administration. Le prix de journée sans doute le pus bas de France, décupla entre 1945 et 1950, mais l’État « providence » qui se mettait en place le prit en charge.
L’asile se médicalisa, en même temps que la psychiatrie se séparait de la neurologie.
Les deux médecins d’avant-guerre passèrent à quatre, avec l’équipe du professeur Valdenaire; on remplaça la sœur apothicaire par un pharmacien diplômé, on introduisit des internes, des paramédicaux laïcs; ceux-ci prirent la place de 110 religieuses, qui n’avaient plus de vocations nouvelles; ce personnel se forma, se syndicalisa.
Les traitements furent bouleversés, on proposa des services en milieu ouvert, des activités, des clubs, du sport. Les sœurs qui gardaient l’administration eurent peine à suivre ces mutations. Les élections au Comité d’entreprise en 1859 marquèrent un tournant symbolique.
En 1965, la chapelle fut rénovée avec le concours du jeune sculpteur Philippe Kaeppelin et la cloison inter-sexes abattue.
En 1974, l’ancienne tontine devint l’Association hospitalière Sainte-Marie.
Depuis, les changements ont continué de plus belle, avec destructions et constructions de bâtiments, reconfigurations internes.

Sainte-Marie en chiffres
Le vocable Sainte-Marie dénomme l’hôpital du Puy-en-Velay, mais aussi ceux de Clermont-Ferrand, Privas, Rodez et Nice. Ces cinq établissements constituent l’AHSM, l’Association Hospitalière Sainte-Marie, issue de la Congrégation des Sœurs de l’Assomption créée en 1824 par le Père Joseph Chiron, suivant sa vocation : se consacrer au soin des malades mentaux.
Le 13 septembre 1852, le Préfet de Haute-Loire autorise, sur la propriété de Montredon, l’ouverture d’un établissement privé destiné au traitement des aliénés. En 1970, l’établissement connaît sa population maximum : on y accueille 1 500 malades, dont 500 originaires du département de la Loire. La sectorisation, fera diminuer ces chiffres.
Aujourd’hui, l’AHSM est une association qui participe au service public hospitalier, avec ses cinq établissements qu’elle ouvre en direction des personnes âgées, des adultes handicapés, des enfants et des personnes dépendantes. Elle dirige un personnel d’environ 5 000 salariés, dont 200 médecins généralistes ou spécialistes. L’association est gérée par un conseil d’administration dont le siège est situé à Chamalières (Puy-de-Dôme).
Au Puy-en-Velay, le CHR est structuré autour de trois pôles : pédopsychiatrie, psychiatrie des adultes, psychiatrie des personnes âgées. Il comporte 247 lits et 183 pmlaces , dont 40 lits EHPAD et 40 lits USLD (Unité de soins longue durée) de la maison Sainte-Anne. A Cayres, la villa Marie offre 61 places . A Saint-Paulien, le Mas Vellavia offre aussi 61 places. A Rosières, l’ESAT en comporte 60. Mais il ne faut pas oublier les 5 hôpitaux de jour du Puy : trois intra-muros (Saint-Dominique, Gendriac et le pavillon d’ergothérapie) et deux extra-muros (les Carmes et l’Étrier).
A cela s’ajoutent les trois Centres d’accueil thérapeutique à temps partiel qui se situent au Puy, à Craponne et à Langeac, ainsi que les Centres médico-psychologiques qui se trouvent au Puy, à Brioude et à Monistrol-sur-Loire.
En 2007, s’ouvre une Maison des adolescents pour l’accueil, l’écoute anonyme et l’information pour une population âgée de 12 à 20 ans.
Il faut compter également une équipe mobile de psychiatrie-précarité.
Au total, le personnel de Sainte-Marie en Haute-Loire représente 1 067 salariés, toutes structures confondues.
Mais au réel, l’établissement représente une « file active’ » de 6 721, dont 1 378 hospitalisations, chiffres de 2013 : cette file active désigne le nombre de personnes vues pour tous les actes de soins et de suivi, hospitalisées ou non.
Ce n’est pas rien…
Le budget annuel est d’environ 500 000 000 €

Le centre de documentation de Sainte-Marie : entretien avec Marie-Agnès Potton, documentaliste
A Sainte-Marie, on prend l’escalier monumental,on entre dans une sorte de salon qui sert de vestibule, on passe devant la loge, on laisse, à droite, l’espace-rencontre et l’on cherche l’escalier vers l’étage supérieur où l’on trouve un long couloir très propre, très froid. Si on le suivait à gauche, on trouverait le bureau du juge des libertés, la place que l’on réserve au droit, et puis on risquerait de se perdre dans un dédale de cours, de passages étroits, de lieux de séjour pour les hospitalisés.
Mais on prend la couloir à droite, on passe devant la vaste chapelle, presque toujours vide, puis devant le bureau de l’aumônier. Quelques pas encore et l’on tombe sur la porte du service de documentation. Nous sommes allés voir là-bas Marie-Agnès Potton, au milieu de nombreux livres et revues, et lui avons posé quelques questions:
- Pourquoi ce centre documentaire à l’H.P. ?
M.A. Potton  : Dans cet hôpital de province, éloigné des centres universitaires, il était nécessaire, pour des médecins, d’avoir une bibliothèque professionnelle, avec les grandes revues de psychiatrie et les livres de référence.
Ce lieu s’est d’abord appelé « bibliothèque médicale ». Lorsque je suis arrivée en 1979, j’ai pensé qu’on pourrait l’ouvrir aux autres professionnels de l’hôpital, puis à des personnes travaillant dans des institutions connexes : psychologues ou autres travailleurs du secteur sanitaire et social. Le lieu a été rebaptisé alors en « centre de documentation ». J’ai inauguré la politique un peu systématique d’achat d’ouvrages.
- Depuis quand existe ce centre documentaire ?
M.A. Potton : C’est au début des années 70 qu’est embauchée une personne dont l’emploi est de s’occuper de ce lieu. Mais celui-ci existait avant et nos plus vieux abonnements remontent à 1840 !
- Ce lieu est-il ouvert aux hospitalisés ?
M.A. Potton : Non, il n’y a pas ici de personnel soignant permettant d’accueillir ce public. Les ouvrages de nos rayons sont des ouvrages professionnels.
Un coup d’œil sur les rayons pour constater que le centre est bien pourvu : psychiatrie, psychanalyse, psychologie, sociologie, philosophie. Il y aurait bien là de quoi contribuer à la constitution d’un réseau numérisé des bibliothèques du Puy, avec celle de la mairie et de l’Évêché.

Mars 2017

 

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8 réponses à Histoire de l’hôpital Sainte-Marie du Puy-en-Velay

  1. Bonsoir,
    Ma recherche est terminée, l’histoire familiale est écrite, je puis vous en transmettre le lien et tenais à vous remercier encore pour ce coup de pouce qui aura abouti à l’un des plus touchants résultats de ces 5 années de travail. Cordialement

  2. Pierrel Elisabeth dit :

    Bonsoir,
    Ma démarche aura été un vrai parcours du combattant, ça a été un peu long (réponse finale il y a 15 jours)… mais le dossier recherché était bien à « Montredon », quel bonheur, et j’ai été plus que fort bien reçue. Il fallait en fait prendre contact avec l’archiviste dont Madame Potton m’avait donné les coordonnées. J’ai mentionné, bien sûr, votre site en note de la page correspondante de ma plaquette familiale. Encore bravo.
    Cordialement,
    Ep

  3. Pierrel Elisabeth dit :

    Bonjour,
    Une recherche généalogique m’a dirigée ici, je viens de lire ce magnifique article sur l’hôpital de Montredon et n’arrive pas à trouver s’il reste des archives possibles. Auriez-vous la réponse à ma question ?… La personne que je recherchais est décédée en 1918.
    D’avance, un très grand merci.

    • viviane dit :

      Madame Ploton, la documentariste de l’hôpital Sainte-Marie se fera un plaisir de répondre vos questions;sinon, les archives départementales de la Haute-Loire situées dans le quartier de Guitard possèdent des infos.
      Je suis contente que mon article vous ai interpelé et servi. En tout cas, merci de lire mon blog et bonnes recherches.

      • Pierrel Elisabeth dit :

        Bonjour,
        Je suis désolée, je n’avais pas vu votre réponse ! Un très grand merci, donc.
        Mais comment puis-je contacter Mme Ploton ? J’avais envoyé un mail et obtenu une réponse « fourre-tout ».
        Bien cordialement

  4. Marie-José Didion dit :

    Merci pour cet article fort instructif.

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