Les chaumières de Bigorre

Marie-José Didion fait paraître ce nouvel article tiré de Mémoire virtuelle d’une ide :
Bigorre 1

Dans le Velay oriental, sous l’œil lointain du Seigneur de ces lieux, se dresse le mont Mézenc qui culmine à 1753 m.  Une série de plateaux, puis les gorges boisées de la Gagne (affluent de la Loire dont la source se situe au lac de St Front) signe une région où les hivers sont rudes, les chemins peu nombreux, les moyens de transports rudimentaires, qui ne facilitèrent pas la vie des paysans d’antan.  Mais la région riche en matières premières diverses à proximité leur facilita la construction d’habitats.
Bigorre
Les toits en lauze sont issus des proches carrières de phonolites découpées en dalles pour les toits ou en prismes pour les murs, et avant que les carrières ne soient exploitées, les rivières de pierres dites clapiers ou chiers (qui sont des blocs fragmentés par le gel et dégel durant les périodes glaciaires) fournissaient la région.
toit de chaume
Les toits de la région furent aussi faits de paille de seigle qui poussait bien, ils étaient plus légers que les toits de lauze et ne nécessitaient pas une lourde charpente, par contre ils ne duraient qu’une génération, contrairement à la lauze qui pouvait abriter trois générations de suite. Le village de Bigorre situé sur la commune de St Front est l’un des rares avec celui de Moudeyres (à 24 kms de Bigorre) à les avoir conservés.
Bigorre 5
Édifiées à la fin du XVIIIe siècle et début XIXe siècle, elles ont été pour certaines restaurées dans les années 1970.
Bigorre 3
L’une d’elles abrite un écomusée qui se visite en Juillet et en Août. Une vue magnifique sur le suc de Chapteuil éclairé, et dans l’ombre, le suc de Monac.
Suc de Chapteuil vu de Bigorre

Mai 2016

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Mas de Gourlon ?

Depuis que j’ai appris que Valentine Laprat avait été élevée et avait grandi dans la famille Gauthier d’abord à Gourlong que je connais  puis à Mas de Gourlon, j’ai cherché à savoir d’où venait ce dernier nom qui m’était auparavant inconnu. Quand, pour qui et pourquoi l’a-t-on utilisé ? Quand et pourquoi a-t-il disparu ?
Gérard Varlot m’a dit que c’est l’ancien nom de Pont d’Alleyras. Certaines autres personnes de la commune l’ont aussi employé.
Sur le site Alleyras Capitale, d’où provient cette photo à gauche, l’interview de Gérard parle de l’éventuelle reconstruction de la passerelle de Vabres, elle  qui permettait autrefois de rejoindre ce village au bourg d’Alleyras en traversant l’Allier. Gérard raconte et je résume ses propos :
« L’abbé Aulagnier du Brignon (1638-1691) passait par notre village pour aller à Toulouse. Il descendait d’abord à Gourlong par la Bourelle qui est le nom des bois entre Gourlong, Pont d’Alleyras et Saint-Jean-Lachalm (la route venant de Saint-Jean-Lachalm à Pont d’Alleyras n’existait pas en ce temps-là!).
Gourlong était jadis bien plus important alors et Pont d’Alleyras n’existait pas. En effet, Gourlong avait été promu en 1163 commanderie des Chevaliers Hospitaliers de St Jean de Jérusalem (Ordre de Malte).
On appelait Pont d’Alleyras,  Mas de Gourlon, il dépendait donc de Gourlong ! Tandis que l’autre côté de l’Allier était nommé Pont de Vabres.
Pont d’Alleyras est arrivé concomitamment à la création de la ligne ferroviaire.
L’abbé Aulagnier ayant donc traversé la Bourelle, rejoignait Gourlong puis traversait à gué l’Allier à Vabres (sans doute vers l’actuel village de vacances) et montait en direction de Thoras. »
En 1302, on cite le nom Ponte de Vabres qui fut utilisé jusqu’en 1888. A partir de cette date, on l’appela simplement Le Pont. Quelques années après, l’appellation Mas de Gourlong revint pour peu de temps, sans doute à cause de quelques rivalités locales.
Le conseil général mit fin à ces querelles en 1893 en le nommant Pont d’Alleyras.
Auparavant, ce pont médiéval était à péage. La crue de 1559 le détruisit si bien qu’on utilisât des bacs pour traverser l’Allier : un à Vabres, un à Pont de Vabres, un à Poutès.
Plus tard, vers 1888, le conseil général décida la construction d’un pont au lieu Pont de Vabres/d’Alleyras, pont qui fut terminé en 1894. En février 1989, un nouveau pont plus conforme aux règles de sécurité fut reconstruit, une déviation temporaire par un gué submersible assurait le passage.
Voici les photos publiées par Mémoire virtuelle d’une ide :

 

 

 

 

 

Mai 2016

 

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La sucrine du Berry

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Variété ancienne régionale de courge musquée (cucurbita moschata), la Sucrine du Berry se reconnaît grâce à sa forme de poire et sa couleur verte virant au beige cuivré à maturité.
Sa chair de couleur orange vif est fine, dense (non farineuse), douce et légèrement musquée, ce qui lui permet une adaptation aux recettes aussi bien salées que sucrées.
Sa saveur discrète rappelant de loin le melon se marie très bien avec de nombreux légumes et fruits (dont la pomme et la poire), mais aussi avec des épices comme la vanille ou la cannelle.C’est une courge de la variété moschata.
Courge d’hiver, on la trouve à partir de septembre et tout l’automne-hiver, car elle se conserve très bien 4 à 6 mois dans un local ventilé et sec.
Les fruits pèsent entre 1 et 3 kg, la plupart du temps. Vous pouvez les couper assez facilement à l’aide d’un grand couteau. Une fois découpée en quartiers longitudinaux, vous pourrez plus facilement enlever les graines et les filaments intérieurs, mais surtout l’éplucher ! Il ne vous restera plus qu’à la faire cuire (à la vapeur, à l’étouffée…) afin de l’accommoder selon vos souhaits, selon que vous soyez d’humeur salée ou sucrée !
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http://www.rustica.fr/tv/courge-sucrine-berry-sort-l-ombre,7500.html

Mai 2016

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Vabres

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Vabres fait partie de la commune d’Alleyras. C’est un joli petit village au bord de l’Allier. Cette vue le montre sur sa plaine, longée à droite par la rivière. On y voit la ferme de mes amis Gilbert et Daniel Hugony et au premier plan, l’église Saint-Grégoire(dite castrale car rattachée au château) et  surmontée de son clocher à peigne. Elle est entourée par un ancien cimetière. Elle daterait des 11ème-12ème siècles d’après son architecture.
Elle comporte une seule nef et une abside.
Construite en pierres de taille, de granit et de tuf rouge, sa façade ouest offre au regard un bel ensemble polychrome. Le portail d’entrée est comparable à celui de plusieurs édifices importants de la région (église de Bains, abbaye de Vorey-sur-Arzon…). L’église est dédiée à Saint-Grégoire, protecteur des enfants et des malades.

Le château de Vabres qui s’élevait au-dessus était composé d’un donjon, d’une enceinte et d’un logis. En 1667, une sentence de la cour de justice ordonna de raser le château. Cependant la chapelle fut conservée et érigée en église. Celle-ci, pillée à la Révolution, fut rachetée par un habitant d’Alleyras, Jean-Etienne Pradier, qui en fit une bergerie. La toiture fut refaite au 19e siècle, ainsi que la nef.

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Vabres et son pont sur l’Allier étaient situés sur une importante voie du pèlerinage de Saint-Jacques de Compostelle (variante à partir de Bains).
La légende raconte, que Saint-Grégoire (qui fut pape de 590 à 604) aurait pris pied sur un rocher qui domine l’église actuelle et que l’on pourrait encore voir l’emplacement de ses pas creusés dans le rocher ainsi que le trou qu’il fit en posant sa crosse. Son pèlerinage a encore lieu tous les ans, en principe le 3 septembre.
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La vidéo qui suit montre les avancées pour la renaissance de l’ancienne activité potière sous l’impulsion de l’association des Amis de la Tour de Vabres : https://www.youtube.com/watch?v=enhO2Ymmyw4
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mai 2016

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La rose Victorine

Les boutures prélevées sur le rosier de la maison de ma grand-mère Victorine Archer ont toutes pris. Je les avais plantées à l’automne dans un pot abrité mais à l’extérieur. Avant, j’avais pris soin de tremper l’extrémité coupée en biais dans de l’hormone de bouturage en poudre. Procédé efficace !
J’ai transféré l’une d’elle dans un pot assez gros près du prolifique houblon dont les rejets printaniers s’élèvent avec fulgurance le long  des ficelles de chanvre que Merlin a suspendues en hauteur pour  guider et  soutenir les nouvelles pousses. Ils escaladent leur support à une allure vertigineuse.
Le rosier buisson de Victorine que j’ai toujours connu (j’ai 63 ans !) se trouvait et se trouve encore dans la cour de sa maison, à l’extrémité de la façade sud, non loin de la porte d’entrée. On peut dire qu’il est increvable !
Il produisait dans mon enfance des grosses roses de couleur rose. Elles fleurissaient au début de l’été et leurs coroles  s’épanouissaient en coupes pleines de pétales superposés. J’y plongeais le nez et respirais goulûment et religieusement le parfum suave et délicat de la fleur.
Dès qu’elles passaient, leurs pétales devenus fragiles s’écartaient de leur pédoncule et se détachaient un à un à la faveur du moindre effleurement d’une main ou d’un léger souffle de vent. Ce moment signait la fin de cette présence florale si belle et que j’appréciais tant !
Les rosiers restent donc définitivement associés à ma grand-mère, femme qui élevait au pinacle sa passion des plantes et des fleurs dont la rose.
Alors, la rose Victorine mérite bien son nom !

P.S. : aux dernières nouvelles, Serge Guégan me dit que c’est une rose centifolia. Cent-feuilles » fait référence au grand nombre de pétales   de la fleur. Ce rosier est aussi appelé « rose de mai », « rose chou », « rose de Hollande » ou « rosier de Provence ». Ce dernier nom vient d’une confusion introduite par le nom de Rosa provincialis que lui avait donné en 1768 le botaniste écossais Miller, en souvenir de Province, terme anglais pour Provins, qui qualifiait autrefois nombre d’hybrides de Rosa gallica.

Mai 2016

 

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Rose (Guy de Maupassant)

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Les deux jeunes femmes ont l’air ensevelies sous une couche de fleurs. Elles sont seules dans l’immense landau chargé de bouquets comme une corbeille géante. Sur la banquette du devant, deux bannettes de satin blanc sont pleines de violettes de Nice, et sur la peau d’ours qui couvre les genoux un amoncellement de roses, de mimosas, de giroflées, de marguerites, de tubéreuses et de fleurs d’oranger, noués avec des faveurs de soie, semble écraser les deux corps délicats, ne laissant sortir de ce lit éclatant et parfumé que les épaules, les bras et un peu des corsages dont l’un est bleu et l’autre lilas.
Le fouet du cocher porte un fourreau d’anémones, les traits des chevaux sont capitonnés avec des ravenelles, les rayons des roues sont vêtus de réséda; et, à la place des lanternes, deux bouquets ronds, énormes, ont l’air des deux yeux étranges de cette bête roulante et fleurie.
Le landau parcourt au grand trot la route, la rue d’Antibes, précédé, suivi, accompagné par une foule d’autres voitures enguirlandées, pleines de femmes disparues sous un flot de violettes. Car c’est la fête des fleurs à Cannes.
On arrive au boulevard de la Foncière, où la bataille a lieu. Tout le long de l’immense avenue, une double file d’équipages enguirlandés va et revient comme un ruban sans fin. De l’un à l’autre on se jette des fleurs. Elles passent dans l’air comme des balles, vont frapper les frais visages, voltigent et retombent dans la poussière où une armée de gamins les ramasse. Une foule compacte, rangée sur les trottoirs, et maintenue par les gendarmes à cheval qui passent brutalement et repoussent les curieux à pied comme pour ne point permettre aux vilains de se mêler aux riches, regarde, bruyante et tranquille.
Dans les voitures, on s’appelle, on se reconnaît, on se mitraille avec des roses. Un char plein de jolies femmes, vêtues de rouge comme des diables, attire et séduit les yeux. Un monsieur, qui ressemble aux portraits d’Henri IV, lance avec une ardeur joyeuse un énorme bouquet retenu par un élastique. Sous la menace du choc, les femmes se cachent les yeux et les hommes baissent la tête, mais le projectile gracieux, rapide et docile, décrit une courbe et revient à son maître qui le jette aussitôt vers une figure nouvelle.
Les deux jeunes femmes vident à pleines mains leur arsenal et reçoivent une grêle de bouquets; puis, après une heure de bataille, un peu lasses enfin, elles ordonnent au cocher de suivre la route du golfe Juan, qui longe la mer.
Le soleil disparaît derrière l’Estérel, dessinant en noir, sur un couchant de feu, la silhouette dentelée de la longue montagne. La mer calme s’étend, bleue et claire, jusqu’à l’horizon où elle se mêle au ciel, et l’escadre, ancrée au milieu du golfe, a l’air d’un troupeau de bêtes monstrueuses, immobiles sur l’eau, animaux apocalyptiques, cuirassés et bossus, coiffés de mâts frêles comme des plumes, et avec des yeux qui s’allument quand vient la nuit.
Les jeunes femmes, étendues sous la lourde fourrure, regardent languissamment. L’une dit enfin:
- Comme il y a des soirs délicieux, où tout semble bon. N’est-ce pas, Margot?
L’autre reprit:
- Oui, c’est bon. Mais il manque toujours quelque chose.
- Quoi donc? Moi je me sens heureuse tout à fait. Je n’ai besoin de rien.
- Si. Tu n’y penses pas. Quel que soit le bien-être qui engourdit notre corps, nous désirons toujours quelque chose de plus… pour le cœur.
Et l’autre, souriant:
- Un peu d’amour?
- Oui.
Elles se turent, regardant devant elles, puis celle qui s’appelait Marguerite murmura:
- La vie ne me semble pas supportable sans cela. J’ai besoin d’être aimée, ne fût-ce que par un chien.
Nous sommes toutes ainsi, d’ailleurs, quoi que tu en dises, Simone.
- Mais non, ma chère. J’aime mieux n’être pas aimée du tout que de l’être par n’importe qui. Crois-tu que cela me serait agréable, par exemple, d’être aimée par… par…
Elle cherchait par qui elle pourrait bien être aimée, parcourant de l’oeil le vaste paysage. Ses yeux, après avoir fait le tour de l’horizon, tombèrent sur les deux boutons de métal qui luisaient dans le dos du cocher, et elle reprit, en riant: « par mon cocher ».
Mme Margot sourit à peine et prononça, à voix basse:
- Je t’assure que c’est très amusant d’être aimée par un domestique. Cela m’est arrivé deux ou trois fois. Ils roulent des yeux si drôles que c’est à mourir de rire. Naturellement, on se montre d’autant plus sévère qu’ils sont plus amoureux, puis on les met à la porte, un jour, sous le premier prétexte venu, parce qu’on deviendrait ridicule si quelqu’un s’en apercevait.
Mme Simone écoutait, le regard fixe devant elle, puis elle déclara:
- Non, décidément, le cœur de mon valet de pied ne me paraîtrait pas suffisant. Raconte-moi donc comment tu t’apercevais qu’ils t’aimaient.
- Je m’en apercevais comme avec les autres hommes, lorsqu’ils devenaient stupides.
- Les autres ne me paraissent pas si bêtes à moi, quand ils m’aiment.
- ldiots, ma chère, incapables de causer, de répondre, de comprendre quoi que ce soit.
- Mais toi, qu’est-ce que cela te faisait d’être aimée par un domestique? Tu étais quoi… émue… flattée?
- Emue? non – flattée – oui, un peu. On est toujours flatté de l’amour d’un homme quel qu’il soit.
- Oh, voyons, Margot!
- Si, ma chère. Tiens, je vais te dire une singulière aventure qui m’est arrivée. Tu verras comme c’est curieux et confus ce qui se passe en nous dans ces cas-là.
Il y aura quatre ans à l’automne, je me trouvais sans femme de chambre. J’en avais essayé l’une après l’autre cinq ou six qui étaient ineptes, et je désespérais presque d’en trouver une, quand je lus, dans les petites annonces d’un journal, qu’une jeune-fille sachant coudre, broder, coiffer, cherchait une place, et qu’elle fournirait les meilleurs renseignements. Elle parlait en outre l’anglais.
J’écrivis à l’adresse indiquée, et, le lendemain, la personne en question se présenta. Elle était assez grande, mince, un peu pâle, avec l’air très timide. Elle avait de beaux yeux noirs, un teint charmant, elle me plut tout de suite. Je lui demandai ses certificats: elle m’en donna un en anglais, car elle sortait, disait-elle, de la maison de lady Rymwell, où elle était restée dix ans.
Le certificat attestait que la jeune fille était partie de son plein gré pour rentrer en France et qu’on n’avait eu à lui reprocher, pendant son long service, qu’un peu de coquetterie française.
La tournure pudibonde de la phrase anglaise me fit même un peu sourire et.j’arrêtai sur le champ cette femme de chambre.
Elle entra chez moi le jour même; elle se nommait Rose.
Au bout d’un mois je l’adorais.
C’était une trouvaille, une perle, un phénomène.
Elle savait coiffer avec un goût infini; elle chiffonnait les dentelles d’un chapeau mieux que les meilleures modistes et elle savait même faire les robes.
J’étais stupéfaite de ses facultés. Jamais je ne m’étais trouvée servie ainsi.
Elle m’habillait rapidement avec une légèreté de mains étonnante. Jamais je ne sentais ses doigts sur ma peau, et rien ne m’est désagréable comme le contact d’une main de bonne. Je pris bientôt des habitudes de paresse excessives, tant il m’était agréable de me laisser vêtir, des pieds à la tête, et de la chemise aux gants, par cette grande fille timide, toujours un peu rougissante, et qui ne parlait jamais. Au sortir du bain, elle me frictionnait et me massait pendant que je sommeillais un peu sur mon divan; je la considérais, ma foi, en amie de condition inférieure, plutôt qu’en simple domestique.
Or, un matin, mon concierge demanda avec mystère à me parler. Je fus surprise et je le fis entrer. C’était un homme très sûr, un vieux soldat, ancienne ordonnance de mon mari.
Il paraissait gêné de ce qu’il avait à dire. Enfin, il prononça en bredouillant:
- Madame, il y a en bas le commissaire de police du quartier.
Je demandai brusquement:
- Qu’est-ce qu’il veut?
- Il veut faire une perquisition dans l’hôtel.
Certes, la police est utile, mais je la déteste. Je trouve que ce n’est pas là un métier noble. Et je répondis, irritée autant que blessée:
- Pourquoi cette perquisition? A quel propos? Il n’entrera pas.
Le concierge reprit:
- Il prétend qu’il y a un malfaiteur caché.
Cette fois j’eus peur et j’ordonnai d’introduire le commissaire de police auprès de moi pour avoir des explications. C’était un homme assez bien élevé, décoré de la Légion d’honneur. Il s’excusa, demanda pardon, puis m’affirma que j’avais, parmi les gens de service, un forçat !
Je fus révoltée; je répondis que je garantissais tout le domestique de l’hôtel et je le passai en revue.
- Le conçierge, Pierre Courtin, ancien soldat.
- Ce n’est pas lui.
- Le cocher François Pingau, un paysan champenois, fils d’un fermier de mon père.
- Ce n’est pas lui.
- Un valet d’écurie, pris en Champagne également, et toujours fils de paysans que je connais, plus un valet de pied que vous venez de voir.
- Ce n’est pas lui.
- Alors, monsieur, vous voyez bien que vous vous trompez.
- Pardon, madame, je suis sûr de ne pas me tromper. Comme il s’agit d’un criminel redoutable, voulez-vous avoir la gracieuseté de faire comparaître ici devant vous et moi, tout votre monde ?
Je résistai d’abord, puis je cédai, et je fis monter tous mes gens, hommes et femmes.
Le commissaire de police les examina d’un seul coup d’œil, puis déclara:
- Ce n’est pas tout.
- Pardon, monsieur, il n’y a plus que ma femme de chambre, une jeune fille que vous ne pouvez confondre avec un forçat.
Il demanda:
- Puis-je la voir aussi?
- Certainement.
Je sonnai Rose qui parut aussitôt. A peine fut-elle entrée que le commissaire fit un signe, et deux hommes que je n’avais pas vus, cachés derrière la porte, se jetèrent sur elle, lui saisirent les mains et les lièrent avec des cordes.
Je poussai un cri de fureur, et je voulus m’élancer pour la défendre. Le commissaire m’arrêta:
- Cette fille, madame, est un homme qui s’appelle Jean-Nicolas Lecapet, condamné à mort en 1879 pour assassinat précédé de viol. Sa peine fut commuée en prison perpétuelle. Il s’échappa voici quatre mois. Nous le cherchons depuis lors.
J’étais affolée, atterrée. Je ne croyais pas. Le commissaire reprit en riant:
- Je ne puis vous donner qu’une preuve. Il a le bras droit tatoué.
La manche fut relevée. C’était vrai.
L’homme de police ajouta avec un certain mauvais goût:
- Fiez-vous-en à nous pour les autres constatations.
Et on emmena ma femme de chambre !
- Eh bien, le croirais-tu, ce qui dominait en moi ce n’était pas la colère d’avoir été jouée ainsi, trompée et ridiculisée; ce n’était pas la honte d’avoir été ainsi habillée, déshabillée, maniée et touchée par cet homme… mais une… humiliation profonde… une humiliation de femme. Comprends-tu?
- Non, pas très bien.
- Voyons… Réfléchis… Il avait été condamné… pour viol, ce garçon… eh bien ! je pensais… à celle qu’il avait violée… et ça…, ça m’humiliait… Voilà… Comprends-tu, maintenant  ?
Et Mme Margot ne répondit pas. Elle regardait droit devant elle, d’un œil fixe et singulier, les deux boutons luisants de la livrée, avec ce sourire de sphinx qu’ont parfois les femmes.

Mai 2016


 

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Saugues et la bête du Gévaudan

Notre escale saugaine d’avril 2016 nous a conduits au musée de la bête du Gévaudan. Cette bête à l’origine d’une série d’attaques contre des hommes survint entre juin 1764 et juin 1767. Ces attaques, le plus souvent mortelles, entre 88 à 124 recensées selon les sources, eurent lieu principalement dans le nord de l’ancien pays du Gévaudan (qui correspond globalement à l’actuel département de la Lozère), région d’élevage.
En 1764, une femme est attaquée près de Langogne, en Gévaudan. Peu de temps après, une jeune adolescente est à son tour assassinée. Et ce ne sont là que les premières victimes d’une longue liste…
Selon les témoins, l’animal responsable de ces atrocités ressemble à un loup, mais en beaucoup plus gros et nettement plus effrayant. On le décrit grand, avec une grosse tête, une queue touffue, des flancs rouges et une raie noire sur le dos. Mi-loup, mi- ours, il ne ressemble à aucun animal familier.
Pendant trois années, la bête sèmera la terreur dans la région. Plus personne ne sort de chez lui sans un couteau ou une fourche. Près de cent personnes seront tuées, dont de nombreux enfants, et personne ne semble pouvoir venir à bout de ce massacre; ni les villageois et leurs nombreuses battues, ni les soldats du Roi, ni même les chasseurs de loups venus des quatre coins du pays.
Finalement, après que plusieurs loups soient tués, les crimes s’arrêtèrent. La bête de Gévaudan n’était donc peut-être qu’un loup…et pourtant, les loups n’attaquent pas  l’homme en général, et ne mutilent pas ainsi leurs proies!
Une thèse récente évoque les agissements d’un homme déguisé en loup, accompagné d’un dresseur complice qui aurait lancé ses bêtes sur les habitants (des chiens dressés à tuer par exemple). C’est-ce que tend à confirmer l’expertise faite récemment par des scientifiques sur un rapport d’autopsie de l’époque…on pense même qu’il s’agissait d’un groupe de plusieurs individus, maquillés et déguisés.
Homme ou animal? Quoi qu’il en soit tant de sauvagerie justifie bien le nom de « Bête du Gévaudan ».

Et maintenant, une version filmique !
https://www.youtube.com/watch?v=OB-ezUh56NY

Avril 2016

 

 

 

 

 

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L’amour des jardins

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Ce jeudi 28 avril, nous avons fait une halte matinale à Saint-Préjet d’Allier pour voir une exposition simple mais cependant riche d’idées jardinières et de connaissances à transmettre.
Cette expo nommée  « Amour des jardins » est mise en place par l’association les Mots de l’Ance  avec l’aide de la bibliothèque départementale de la Haute-Loire. De nombreux documents et ouvrages y sont présentés par thèmes dans des espaces différents.
D’abord, des gros ouvrages illustrés exposent les jardins célèbres : ceux de Versailles, d’Espagne, de Marrakech… Puis, une table supporte des livres plus modestes : poésies, romans, articles, anecdotes… Je ne résiste pas à vous dire un extrait de « potins du potager » : « Tandis que le poireau poireaute, la tomate rêve de pique-nique et l’artichaut se laisse effeuiller comme une marguerite. La betterave fait de très vilaines taches et la citrouille attend Halloween. Les champignons prolifèrent à toute vitesse et le navet, lui, souffre d’être un incompris… Dans ce livre, chaque légume a son poème, en anglais et en français. Il y révèle ses petits secrets… à vous de les éplucher ! »
A côté, les miscellanées du jardin abordent tous les sujets du jardin sous forme d’articles courts, variés et agréables à lire. Les informations apportées sont pratiques, historiques, poétiques, botaniques … mais jamais ennuyeuses et souvent étonnantes : Les plantes porte-bonheur… Les exécutions capitales  par les plantes… Fleurs comestibles-fleurs toxiques… Qui a inventé le  sécateur ?… Qu’est-ce qu’une closerie ? Venir à bout des taupes… Les  fleurs patriotiques…, etc.). Joliment illustré en plus !
Plus loin, un coin est réservé aux livres d’enfants amoureux de jardins.
Le coin suivant présente un volet plus technique : réaliser un épouvantail, utiliser des outils au jardin, jardiner avec la lune…
Des documents sur les jardins ouvriers d’autrefois, des photos anciennes, fiches diverses et variées, posters, jalonnent le parcours.
Il aurait fallu davantage de temps pour tout éplucher !
Bref, une expo réussie !
Pour vous donner envie d’aller la voir :

«  Quand j’ai dit au jardinier
Qu’il devrait dans la journée
Tailler les lilas fanés
Arroser les rosiers
Rempoter les azalées
Repiquer les giroflées,
Biner, sarcler, ratisser…
Il m’a rendu son tablier.
Alors là, c’est le bouquet ! »
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Avril 206

 

 

 

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Un martyr de la foi à Alleyras

J’ai résumé dans cet article un chapitre des cahiers de la Haute-Loire année 1997,  écrit par André-Philippe Mutel, pages 289 à 316. Vous y lirez l’histoire d’un curé persécuté à Alleyras  il y a plus de trois siècles.
André-Philippe Mutel-Pagès signe un travail de recherche consacré à Jacques Chabrier, personnage assez peu connu dont le nom figure en bonne place sur une plaque apposée dans la cathédrale du Puy qui énumère les prêtres diocésains victimes de la Terreur. Jacques Chabrier, vicaire d’Alleyras, fut en effet un des premiers à subir la condamnation à mort, le second à monter sur l’échafaud au Puy. Ce travail retrace avec minutie les derniers moments du prêtre avant son exécution. En mai 1793, Jacques Chabrier fut arrêté dans le Devès, où il avait été appelé pour un baptême, transporté au Puy où il fut interrogé par des commissaires et condamné à mort à la suite d’un bref « procès ». Trois heures après la sentence, le prêtre fut conduit vers l’hôtel de ville où l’échafaud était dressé. L’exécution a eu lieu le 29 mai 1793, veille de l’Ascension. Le lieu d’inhumation de Jacques Chabrier est inconnu.

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Dans la cathédrale du Puy-en-Velay, une plaque apposée à la gauche du chœur énumère les prêtres diocésains victimes de la Terreur. Ce fut le cas de  Jacques Chabrier (1761-1793), vicaire à Alleyras. Il fut jugé et exécuté le même jour du 29 mai 1793.
Jacques Chabrier naquit le 17 février 1761 à Chadron, près du Monastier-sur-Gazeille. Il fut baptisé le lendemain. Il appartenait à une famille de laboureurs. Il avait un frère né deux ans après lui. Son enfance fut sans doute celle de tous les enfants vellaves de son village, vivant au contact d’une nature sauvage et rude, marquée de coulées d’orgues noircies, bouleversées de chaos de laves et parcourue par le cours capricieux de la Gazeille.
Une notice manuscrite le décrit comme « modeste jusqu’à la timidité, pur jusqu’à l’innocence, doué d’un caractère doux, aimant et loyal. » ces dispositions, associées à une vive intelligence, incitèrent-elles son oncle le vicaire Buisson à le diriger vers le sacerdoce ou l’enfant en manifesta-t-il le désir ? Toujours est-il qu’il prépara avec lui  les études du Séminaire, reçut les premiers rudiments d’instruction et apprit le latin.
A 18 ans, il rejoignit le Puy où il suivit l’enseignement du Collège tenu par les Jésuites.
Puis, il entra au Séminaire pour la tonsure le 9 mai 1781.
Ceux qui l’ont connu à l’époque de ses 20 ans témoignent de sa vertu, sa vive piété, de la sévérité de ses mœurs, de sa parole sans équivoque. Travailleur et zélé, ses talents lui acquirent la sympathie de ses maîtres et attirèrent sur lui l’attention de ses supérieurs qui lui confièrent le soin d’enseigner le catéchisme dans les paroisses proches du Puy. Il fut ordonné prêtre en 1785.
Le directeur du Séminaire le proposa sans doute comme vicaire à la paroisse Saint-Martin d’Alleyras où son parent Jacques Buisson avait exercé les mêmes foncions entre 1776 et 1782 avant d’être nommé à la cure de Chadron.
Depuis 47 ans, la cure d’Alleyras était desservie par Jacques Sanial, âgé de 70 ans qui n’arrivait plus à suffire aux devoirs de sa charge et avait demandé qu’on lui envoie un suppléant.
Le jeune prêtre s’exerça aux obligations de son ministère.
Au cours de ces années de formation, il partagea son temps entre les responsabilités de sa charge et la poursuite de ses études.
Sa voie semblait toute tracée en ce début 1789 quand sa vie fut bouleversée. En effet, la révolution le trouva avec sa politique antichrétienne avec la mise à disposition à la nation des biens ecclésiastiques et surtout le vote de la constitution civile du  clergé.
Jacques Chabrier s’efforça alors de prouver à ses paroissiens que l’objectif de cette constitution civile était de  détruire l’Église et les avertissait des dangers que courait la foi catholique. Il ajoutait que lui-même ayant déjà prêté serment à Dieu, lors de son ordination, rien ni personne ne le forcerait à en prêter un autre contraire à ses convictions. Il ne cessa de répéter ces exhortations dans ses entretiens particuliers comme en chaire : sacrifier à son devoir et garder sa conscience pure devant Dieu.
C’est ce qui résulte d’un rapport d’un officier municipal d’Alleyras nommé Chauchat le 9 juin 1791. Il précise que « ledit Chabrier, vicaire, n’a cessé depuis plus de six mois de prêcher contre les décrets de l’Assemblée nationale et de tenir des discours au peuple. Il demande même à ses pénitents s’ils sont de la religion de l’Assemblée nationale ou de la bonne. »
L’Assemblée constituante enjoignit  à tous les prêtres exerçant un ministère paroissial,  en 1790, de prêter serment sous peine de perdre leurs fonctions et d’être donc privés de leur traitement. Ils reçurent sommation de jurer dans les 24 heures le 3 janvier 1791.
L’évêque du Puy, Mgr de Galard, prit alors position : refus de transiger.
Au prône de la grand messe du dimanche 5 juin 1791, Jacques Chabrier porta à la connaissance des paroissiens d’Alleyras le mandement de l’évêque avec de virulents propos.
Les trois-quarts des curés et de vicaires refusèrent de déférer à l’injonction de l’Assemblée.
Bien que n’ayant pas déféré au serment, le curé et le vicaire continuèrent d’exercer leur ministère, faute de remplaçants.
Puis, sommé par le maire d’Alleyras de prêter publiquement serment, l’abbé Chabrier lui opposa un refus solennel.
En tout cas, le dimanche 9 octobre 1791, le curé constitutionnel d’Alleyras, François Barthélémy, s’apprêtait à venir prendre possession de sa cure, après avoir averti la municipalité de son arrivée. Parvenu dans un bois proche d’Ouïdes, il fut assailli par une trentaine de paysans, habitants d’Alleyras, armés de pierres, de bâtons, de sabres et de fusils. Ils le sommèrent de s’en retourner d’où il venait, le menaçant de lui brûler la cervelle plutôt que de l’avoir pour curé. Faute d’être entendus de « l’intrus », ils lui lancèrent des pierres et le frappèrent à coups de bâtons. Le curé constitutionnel s’enfuit et se réfugia dans le village de Mazemblard où on lui prodigua les premiers secours.
Le 10 août 1792 marque en Haute-Loire un durcissement de la persécution.  Déjà fin 1791, plusieurs prêtres avaient été emprisonnés, des églises dévastées. En août 1792, les insermentés ne purent plus célébrer la messe en public.
A ce moment-là, Jacques Chabrier dut se résigner à quitter Alleyras.
Sans illusion sur les risques encourus, Chabrier ne s’éloigna guère d’Alleyras et resta dans sa paroisse.
Sur les conseils pressants de ses amis, il se réfugia dans sa famille à Chadron où la persécution était moins vive. Pour plus de sûreté, il s’établit dans une cachette dont il ne sortait que la nuit tombée, célébrant la messe dans une chambre, quelquefois dans l’église.
Par sa présence et ses exhortations, il rassurait cette population attachée aux « vrais prêtres ». Car, lorsqu’un curé constitutionnel était venu prendre ses fonctions, les femmes de Chadron l’avaient chassé en l’accablant d’injures et de reproches, le poursuivant à coups de pierres jusqu’à ce qu’il fût hors du territoire de la paroisse.
Oubliant les dangers, Chabrier ne pensait qu’aux maux dont souffraient l’Église et la religion catholique.
Il ne délaissait pas pour autant ses anciens paroissiens. Chadron n’est éloigné d’Alleyras que de 25 km et des communications journalières les reliaient. Chabrier savait donc ce qui se passait là-bas et pouvait s’y rendre si nécessaire. Dès qu’on  y réclamait sa présence, il se mettait en route.
Des décrets aggravèrent la situation car des troubles agitaient alors la France, il était nécessaire de disposer d’une justice plus expéditive. L’insurrection vendéenne  fournit le prétexte à mettre hors-la-loi tous ceux jugés contre-révolutionnaires. Cette procédure d’exception sommaire et expéditive fut appliquée aux prêtres réfractaires. Les commissaires nationaux furent envoyés par la Convention en Haute-Loire, et considérèrent que que les prêtres réfractaires ne cessaient d’allumer la guerre civile et que « ces êtres malfaisants » devaient être purgés du département. Les commissaires assimilèrent l’exercice clandestin du culte catholique à des menées contre-révolutionnaires.
C’est ainsi que l’ancien vicaire de Bellevue-la-Montagne, Jean-Mathieu Vassel, fut arrêté, traduit devant une commission militaire, condamné à mort, exécuté sur la place du Martouret où avait été dressée la guillotine.
Un homme du village d’Ouïdes vint à Chadron et pria Jacques Chabrier de venir baptiser un enfant de Saint-Privat-d’Allier. Le rendez-vous était fixé à Conil, hameau de Saint-Jean-Lachalm. La mère avait amené son nouveau-né font le père était pourtant un farouche anti-clérical.
Jacques Chabrier baptisa l’enfant dans la maison de Conil qui fut cernée : soupçonnant les projets de sa femme, le père avait fait part de ses pressentiments au club de Saint-Privat et était accouru avec un détachement des gardes nationales, il avait reconnu Jacques Chabrier. Celui-ci voulut s’enfuir mais un patriote tira sur lui. La balle atteignit le prêtre à la jambe. Les gardes s’emparèrent de lui et le garrottèrent.
liberté ou la mort jugement Langevin
Ils hissèrent le prisonnier sur un cheval et le conduisirent à Saint-Privat-d’Allier puis au Puy. Conduit à la maison d’arrêt, il fut écroué. Après une nuit passée en prison, il comparut devant la commission militaire.  Après un interrogatoire sommaire, le jury lut la sentence le condamnant à mort.
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Reconduit dans sa geôle, le condamné demanda de l’encre et du papier pour établir son testament.
Trois heures après le prononcé de la sentence, le bourreau et les gardes vinrent le prendre pour le conduire au lieu de son exécution. Le couperet retomba sur le cou du condamné devant une foule impressionnée.

Sur l’emplacement du lieu de son arrestation, au milieu du plateau de Conil, s’élève un oratoire délimité par une barrière métallique. Il est constitué un mur que surmonte une croix. Sur le mur est apposée une plaque de marbre blanc portant l’inscription :

ICI L’ABBÉ CHABRIER
VICAIRE D’ALLEYRAS
A ÉTÉ BLESSE ET ARRÊTE
PAR LES RÉVOLUTIONNAIRES.
GUILLOTINE AU PUY
LE 29 MAI 1793
EN HAINE DU CHRIST
MISSION DE 1950.

De même, dans une chapelle latérale de l’église de Saint-Jean-Lachalm, la première à droite du portail d’entrée, consacrée aux victimes de la guerre, se trouve une plaque plus récente, mais non datée, portant l’inscription :

+
A LA MÉMOIRE
DE L’ABBÉ CHABRIER
BLESSE ET ARRÊTE A CONIL
AU COURS DE SON MINISTÈRE
DÉCAPITE AU PUY
EN HAINE DU CHRIST
EN 1793

Une complainte de monsieur Chabrier circula qu’on chantait encore dans les veillées vers 1880. Le souvenir de Jacques Chabrier a donc pu se perpétrer pendant presque une centaine d’années.

Victime de la tyrannie,
Chabrier, vicaire d’Alleyras
A confondu la barbarie
Des patriotes scélérats
Selon une loi tyrannique,
Mis entre les mains du bourreau
Il fait voir qu’un catholique
Ne redoute pas le couteau.

Il entend lire sa sentence
Avec un sang-froid étonnant.
Les juges, voyant sa constance,
Sont tous saisis d’étonnement.
Voulez-vous conserver la vie ?
Lui disent-ils, prêtez serment,
Sans quoi, la séance finie,
Vous subirez le jugement.

Ah ! Messieurs, je vous remercie,
Leur répond-il en riant,
Je donnerai cent fois ma vie,
Plutôt que de prêter serment.
O grand Dieu ! pour moi quelle grâce !
La mort pour moi n’a rien d’affreux,
Ce soir, je vais prendre ma place
Dans le séjour des bienheureux.

Mirmand, tout écumant de rage,
Tourne des yeux étincelants :
Irrité d’un aussi grand courage,
Comme un lion, il grince des dents.
Il le traite de fanatique,
D’imposteur, de séditieux,
De scélérat et d’impudique,
Horreurs qui font frémir les cieux.

Chabrier, sans faire paraître
Le plus petit ressentiment,
Avec la douceur d’un saint prêtre,
Répond par des remerciements.
O Dieu, dit-il plein de clémence,
Vous voyez tout du haut des cieux;
Vous connaissez mon innocence,
Pardonnez à ces malheureux.

Enfin, la séance finie,
On le livre à l’exécuteur.
Peut-être, hélas ! par ironie,
On lui parle d’un confesseur.
Vous allez, lui dit-on, paraître
Devant votre Dieu dans l’instant,
Voulez-vous qu’on appelle un prêtre ?
Citoyen Nolhac est présent.

Je sens ma conscience pure,
Je connais, leur dit-il, mon devoir,
L’enfer sur moi, je vous l’assure,
Ne peut exercer son pouvoir.
De votre criante injustice
Le criminel exécuteur
Peut seul me conduire au supplice;
Non, je ne veux point de jureur.

On le conduit donc au martyre.
Ah ! quel spectacle attendrissant !
Par son maintien, il nous inspire
Le pur amour du Tout-Puissant.
En lui ne voyons-nous pas revivre
Le christianisme naissant ?
Quel exemple il nous donne à suivre !
Il court au supplice en chantant.

Les intrus, transportés de rage
De voir ce prêtre si joyeux,
Appréhendent qu’un tel courage
Aux leurs ne fasse ouvrir les yeux.
Ils attribuent à l’ivresse
Ce qui provient de l’esprit divin;
Disant qu’une telle allégresse
Est l’effet d’un excès de vin.

Schismatiques abominables,
Quel est donc votre aveuglement ?
Vous vous montrez en tout semblables
Aux pharisiens de l’ancien temps.
Chez eux, si Jésus fait des miracles,
C’est au nom de Belzébuth;
Et des apôtres les oracles
Sont l’effet du vin qu’ils ont bu.

Hélas ! si mon âme est contente,
S’il chante, il sait bien pourquoi;
La mort peut-elle être affligeante,
Quand on la souffre pour la foi ?
L’âme peut-elle être tremblante
Allant au céleste festin !
Ah ! que cette ivresse est charmante,
Qui provient de l’amour divin.

Arrivé sur la guillotine,
Il veut, pour la dernière fois,
De Jésus prêcher la doctrine,
Mais hélas ! on sen aperçoit;
De l’erreur la nuée épaisse
Son discours pourrait dissiper,
Tambours, battez vite la caisse,
Bourreau, hâte-toi de frapper.

Chrétiens, redoublons de courage
Ne déplorons pas notre sort,
Devons-nous redouter l’orage
Qui nous conduit tout droit au port ?
Dans cette terre d’esclavage,
Réduits à la captivité,
Pour nous la mort n’est qu’un passage
A une heureuse éternité.

Si nous ne pouvons pas entendre
La douce voix de nos pasteurs,
Dieu, par un amour le plus tendre,
Nous console dans nos malheurs.
De saints prêtres la constance,
Au milieu des persécuteurs,
Est au-dessus de l’élégance
Des excellents prédicateurs.

Avril 2006

 

 

 

 

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Cartes postales, photos de mon patelin

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Prise depuis la route qui descend du château de la Baume, cette photo présente en ligne de mire la maison de ma grand-mère où j’ai grandi, le pont de fer qui enjambe l’Allier, à droite les maisons qui longent le chemin de la Varenne, à gauche, la rive droite de l’Allier avec le moulin au bord de le cette rivière

L’image suivante montre la route qui mène au bourg d’Alleyras, à gauche la maison de ma tante Zézette Nury, autrefois hôtel restaurant. En face, celle des parents de Serge Tournier qu’on appelle Nanou. Sur la droite et en contrebas, les maisons de ma grand-mère, de la tante Marie et d’autres. Au fond, la maison blanche était celle de ma grand-mère, Victorine Archer


Ci-dessous, une carte postale montre l’hôtel des voyageurs qu’a tenu madame et monsieur Sardier, Monsieur Rayot, madame et monsieur Laniel, ma copine Marinette Plot et son mari, et que tient actuellement Fred. A côté, l’ancienne propriété Cacaud.

 

 

 

 

Autres images : http://www.communes.com/auvergne/haute-loire/alleyras_43580/photos.html

La photo suivante est celle du café-restaurant Durand fermé depuis quelques décennies.

 

La Vigne qui suit reproduit la maison des Oriol bâtie sur un éperon rocheux au-dessus de l’Allier. J’allais souvent chez madame Oriol qu’on appelait Tavo (pour tante Yvonne). J’y jouais avec Martine Bassot que je n’ai plus jamais revue.

Puis, on voit la façade de l’ancienne maison de madame Vincent qui a aujourd’hui 102 ans. Elle rappellera des souvenirs à Dédée !

 

 

Au dessous se trouve une photo de la baignade de la Varenne : nous traversions l’Allier pour grimper sur le toit ce la cabane d’où des enfants plongeaient car le fond est profond à cet endroit. C’est là que j’ai appris à nager. Mes enfants s’y sont baignés aussi.

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Encore une vieille carte postale tâchée qui présente le quartier de la gare et l’Allier en contrebas.

 

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Pour finir, une vue récente de mon village depuis la rive gauche de l’Allier.

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