Mado, Danielle et Jacky Rodde d’Alleyras

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Comme je suis allée en compagnie d’Alice et Yann  pas plus tard qu’hier soir visiter le jardin de Jacky et de son épouse Odile dans le village d’Alleyras,  découverte qui nous a fait un grand  plaisir,  notre escapade champêtre m’a fourni le prétexte d’écrire un nouvel article. Et ma mémoire reste toute fraîche ! D’autant que j’ai discuté assez longtemps avec Jacky,   originaire du village et rencontré fortuitement devant la maison de Marie-Odile Legrand.
Jacky qui a cinq ans de plus que moi  est quelqu’un que je connais depuis mon enfance. Sa mère Marthe venait s’approvisionner chez ma grand-mère, dans ce qu’il m’ a qualifié hier de     « caverne d’Ali Baba ».  Il m’a rappelé que « la Victorine » y vendait de tout et même des articles de pêche. Et à l’instar de la  madeleine de Proust dans  à la recherche du temps perdu, cette évocation a fait resurgir en moi  un souvenir enfoui, celui d’une boîte de plastique rouge fermée d’un  couvercle transparent dans laquelle elle rangeait le matériel du parfait pêcheur à la ligne ou au lancer : hameçons de tailles différentes, rouleaux de fils de nylon de grosseurs variées, bas de lignes enroulés dans des pochettes individuelles, bouchons ronds ou longs colorés de rouge et blanc, boîtes de plombs, bulles d’eau et mouches artificielles. L’épicerie  était connue des pêcheurs pour ces dernières qu’ils choisissaient méticuleusement et religieusement et empilaient en petit tas  celles qui faisaient l’objet de leur convoitise parce qu’ ils les jugeaient le plus aptes à attirer les truites. Car ma mère s’était faite une spécialité : celle de créatrice et fabricante de mouches aux plumes variées destinées à être  attachées au bout du lancer. Elle choisissait avec minutie les plumes appropriées qui satisferaient les clients les plus exigeants car elle s’informait de leurs goûts.  A l’époque, nos rivières et ruisseaux étaient poissonneux, ce qui attirait de nombreux adeptes de pêche. On pouvait venir taquiner le poisson en première et deuxième catégories au bord de  l’Allier ou le long des ruisseaux.
Dans l’épicerie, on vendait aussi des cartes de pêche. Il fallait en posséder une dès l’âge de seize ans pour s’adonner à cette activité, année fatidique à laquelle j’ai dû abandonner ce loisir. Auparavant, je passais du temps à ramasser des vers d’eau accrochés sous les pierres dans le Malaval, à les retirer de leur tuyau pour les enfiler à l’hameçon puis à guetter les gougeons, loches et vairons afin de  prendre de quoi faire une friture. Je pêchais encore à la bouteille : je cassais de le cul d’une bouteille de verre et la remplissais de pain et d’eau,  la déposais horizontalement au fond de la rivière et  venais plus tard récolter les prises. Je procédais à cette opération dans l’Allier sous la route menant à la Varenne. Je portais toujours en bandoulière le petit panier jaune où je rangeais mon matériel et les poissons que je prenais.
Jacky et moi avons parlé encore des écrevisses qui abondaient dans le Malaval et que mon oncle André capturait à l’aide de balances.  Je l’accompagnais souvent dans cette pratique dans le ruisseau. Aujourd’hui, la pollution de nos cours d’eau a provoqué la disparition de ces crustacés dont seul ne demeure plus que leur souvenir…
Comme les femmes venaient laver leur linge dans ce ruisseau, j’attrapais une de ces bestioles munies de pinces par sa coquille entre le pouce et l’index  et la suspendais au dessus du dos de la  lavandière. Celle-ci était agenouillée dans  sa caisse à laver et penchée sur sa planche de bois. Elle s’affairait à frotter le linge au savon de Marseille,  à le brosser, à le taper avec un battoir puis à le tordre pour l’essorer. Lorsque le linge était du blanc comme les draps, serviettes et torchons,  l’opération qui s’effectuait deux fois l’an lors de ce que l’on appelait « la grande lessive » était précédée de la « bugeade » : les femmes mettaient à chauffer de l’eau additionnée de copeaux de savon dans la chaudière en fonte. Une fois celle-ci bouillante, elles y plongeaient tout le linge blanc pour le faire bouillir.
Donc, la lavandière objet de mon geste bien innocent mais qui lui faisait peur, criait un peu et menaçait   »cette saloperie de gamine » que j’étais, faisait mine de se lever mais en vain : je courais plus vite qu’elle !
En ce temps là, mon oncle pêchait à la main, ce qui était rigoureusement interdit. Du fait que son moulin était alimenté par un bief qui  déversait son eau dans un bassin destiné à faire tourner la roue à rodet, ce canal contenait des truites qu’il capturait. Pendant qu’il accomplissait son forfait, j’étais chargée de guetter les gendarmes ou quelque garde pêche et de le lui signaler en sifflant mine de rien l’air du Champ des partisans qu’il m’avait appris. Cependant, rien de fâcheux n’est jamais arrivé.
Mais revenons aux Rodde d’Alleyras. Jacky a été élu conseiller municipal et président de l’association des chasseurs, fonctions dans lesquelles il s’est investi plusieurs années. Puis il a souhaité cesser ces activités bénévoles pour, comme il dit, « laisser la place aux jeunes ». Après des études à la prof du Puy, un établissement scolaire autrefois voué à l’enseignement technique et reconverti aujourd’hui en conservatoire de musique, il est allé travailler chez Michelin à Clermont-Ferrand. Depuis quelques années, il passe sa retraite entre  la capitale de l’Auvergne et son village natal. Il y  a restauré la maison familiale, créé un grand jardin, planté et greffé des arbres, fleuri son espace. Son épouse, amatrice de zinnias arrose les légumes de purin de consoude qui fortifie les plantes.
La maison voisine est occupée par sa sœur aînée Mado, une blonde pimpante, toujours souriante et communicative. Elle fait la navette entre cette demeure et le nord et est très active. Une rambarde de bois protège la longue coursive étagée de sa maison qui soutient une glycine que j’admire lorsque je me promène.
Et enfin, Danielle un peu plus jeune que sa sœur habite au Canada depuis très longtemps. C’est non seulement une lectrice assidue des textes de mon moulin, mais une personne qui me fait des suggestions, m’apporte des précisions, m’envoie des commentaires. J’entretiens donc une correspondance avec elle qui consulte comme moi le site Alleyras Capitale. C’est ainsi qu’elle eu vent du mien. Nos échanges épistolaires m’ont encouragée et apporté du baume au cœur quand tant d’autres restaient sans réaction. Bref, Jacky, Danielle et Mado, des gens que j’apprécie depuis toujours.

Dimanche soir 6 juillet 2014

Pour mon amie Danielle R., cette chanson sur un animal qu’on trouve dans son pays du Canada.
http://www.youtube.com/watch?v=6BiZF_AHCQ4

 

 

 

 

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2 réponses à Mado, Danielle et Jacky Rodde d’Alleyras

  1. Daniel MARTIN dit :

    Je tombe tout à fait par hasard sur ce site et je ne peux qu’apprécier ce remarquable texte qui me rappelle mon enfance et mon adolescence, lorsque toutes les années je venais passer les vacances scolaires à Alleyras. Ma grand mère maternelle avec qui je vivais à Nîmes y possédait une maison en face de celle de la Marthe (Mado, Danielle et jacques). j’y ai passé des moments particulièrement agréables que je n’ai jamais oublié et de temps en autre il m’arrive de passer au village avec mon épouse et parfois avec des amis. Cette année, au cours d’une escapade Samedi , où j’étais seul, plus de trente ans sans nous être vus j’ai passé une très agréable après midi chez Mado, avec sa fille Astrid, ainsi qu’avec Jacques et son épouse. Avec les souvenirs que nous avons partagé et les échanges sur nos vies respectives que nous avons pu avoir, je suis encore confus et les prie de bien vouloir m’excuser pour avoir été particulièrement bavard. Je remercie encore de tout coeur Mado et Jacques pour ces instants de bonheur.

  2. Rodde Madeleine dit :

    Ma chère Viviane.
    C’est un délice que de te lire,tu es la jardinière de l’écriture d’Alleyras!
    Les paresseux (ses),c’est bien nous qui buvons ton blog…..sans commentaire…..et dans tous les sens! Merci Viviane.
    Tu nous invites à des promenades dans le passé qui nous font du bien,une invitation que généreusement tu nous proposes et pour laquelle je me sens un peu coupable de ne l’avoir jamais rendue ,de la paresse pure,comme pour répondre à mes lettres…Jaime pourtant bien les recevoir! Tu te souviens dans ta classe des petits paresseux.
    Continues s’il te plait Viviane à nous faire part de tes expériences enrichissantes sur le plan humain,les sentiments, si bien exprimés quand tu parcours tes expériences,tes souvenirs,tes jardins,les rives de tes ruisseaux,tous ces chemins où tu rencontres les gens qui te ressemblent avec la noblesse de leur âme,et leur merveilleuse sensibilité.
    Je t’embrasse Viviane,avec une amitiée que je sens profonde en moi,car je sais que je ne me trompe pas! Mado Rodde.

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